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Chroniques d'un monde paysan à jamais disparu
Louis Conq de Tréouergat raconte ...
Source : "Les échos du vallon sourd" de Louis Conq - Brud Nevez
Remerciements à Lucien Conq
Job et sa vie de «perd-son-temps»
Certains étaient contaminés par le « virus » de l’alcool avec toutes ses fâcheuses conséquences.
Tel Job qui avait promis ferme de changer sa vie de « perd-son-temps » cherchant à boire et à traîner dans les bistrots.
« Dès que je serai marié, ce sera fini ! »
Et ma foi, il a tenu parole.
Avant son mariage, il s’enivrait une fois ou deux par semaine.
Mais après, il n’était plus éméché qu’une unique fois dans l’année.
Car dès le matin du premier jour jusqu’au soir du dernier, il n’était jamais pour ainsi dire tout à fait à jeun.
Et voilà comment ils changent ces pauvres types-là !
Il n’est pas du tout étonnant que cette terrible habitude ne démolisse jusqu’aux meilleures fermes.
Soaz, que j’ai bien connue, avait trente-cinq ans en la première année de ce siècle.
Mais bien qu’elle fût encore jeune, elle avait les traits tellement fatigués qu’elle semblait atteindre la soixantaine.
Ses vêtements étaient sales, sa figure déteinte et la mélancolie lui marquait profondément un front buriné de rides.
Sur le dos elle portait un bissac, dans les bras une toute petite fille adorable, tandis qu’un autre petit la suivait de près, bien accroché à son coin de tablier.
Et nous dit le narrateur de l’époque :
« Complétement interloqué, je lui demandais car nous nous connaissons fort bien.
« Tiens ! Soaz ! Mais où donc vas-tu ainsi ? »
« Où est-ce que je vais ? Mais quémander la charité d’un morceau de pain pour ces deux petits et pour les trois autres qui sont à la maison ! »
« Oh Soaz ! Tu plaisantes sûrement ! »
Elle riposta aussitôt, en éclatant en sanglots :
« Plaisanter ? Oh que non ! Je ne le fais pas.
L’envie de plaisanter m’a quittée depuis bien longtemps !
« Regardez, » fit-elle encore en essayant de s’essuyer les yeux, et en montrant la belle auberge au milieu du Bourg.
« C’est là … dans cette hostellerie damnée-là qu’elle est allée, entièrement, toute ma ferme, et même mes sept-cents livres de propriété ! »
Elle était vraiment pitoyable à voir, dans ses pleurs et aussi ceux de ses petits.
Elle hoqueta encore :
« Avant que Job devienne mon mari, c’est vrai qu’il perdait son temps, il faut bien l’avouer.
Vous savez combien on a cherché à me dissuader et à m’empêcher d’aller « avec lui » !
Mais à quoi tout cela a servi ?
Il me fallait Job !
Eh bien, je l’ai eu !
Et alors on a planté de la sagesse en moi ! »