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Chroniques d'un monde paysan à jamais disparu
Louis Conq de Tréouergat raconte ...
 

Source : "Les échos du vallon sourd" de Louis Conq - Brud Nevez

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Remerciements à Lucien Conq

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Mes débuts au collège à Brest
 

Un jour de septembre de l’année 30, j’ai 7 ans,

installé au fond de la carriole bâchée du Markiz,

avec Jopigj’allais « à l’école » à Brest.

Et quelle école !

Bien plus grande à elle seule que trois fois le bourg de Tréouergat.

Rien que sa chapelle était aussi vaste que la pourtant superbe église de notre paroisse.

Et que de monde !

« Mon Dieu, me dis-je, je vais sûrement me perdre

dans tous ces bâtiments, ces cours et ces couloirs. »

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J’essayais de m’accrocher à la veste de Jobig.

Jobig, mon cousin, était un « grand », il était presque à l’âge où l’on peut prendre un engagement

à l’École des Mousses de Laninon.

Tous les garçons l’appelaient « P’tit Sté ».

Quant à moi, je ne tardais guère non plus à devenir le « P’tit Conq ».

En effet à cette époque, je n’étais encore pas beaucoup plus haut,

comme le dit une de nos façons de parler, « qu’un tas de crottin ».

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Je me trouvais placé dans les rangs des « petits »,

au réfectoire pour le souper, à la chapelle pour la prière du soir,

puis enfin au dortoir des Saints Anges.

Je crois bien, c’est encore moi qui fis d’emblée le plus de bruit

au beau milieu de la nuit.

 

Mon lit était en haut, sans aucun creux au milieu du matelas pour m’y nicher, et de plus, il me semblait étroit.

Dans mon lit à la maison, je pouvais me tourner et me retourner à ma guise pour prendre mon sommeil.

Mais ici, ce n’était plus possible, et je fus l’un des derniers à m’endormir.

Brusquement, je fus brutalement réveillé en tombant sur le plancher,

sur le nez, mon matelas encore sur le dos, et le tout « fourré »

maintenant sous le lit de mon voisin.

Comment faire pour me sortir de là ?

Je dus me mettre à pleurnicher, alertant le surveillant qui vint voir,

avec sa lampe de poche, ce qui se passait.

Il me tira de ce piège.

Mais par la suite, parole !

Plus jamais je ne suis dégringolé de mon « plumard ».

 

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On me mit comme à peu près tous les autres « bleus », dans la classe de huitième, pour mesurer mes connaissances, pour voir « ce que je valais ».

Je savais quand même lire et compter.

Mais alors, faire des devoirs ?

Qu’est-ce que c’est que ça ?

Aucune idée !

Apprendre des leçons ?

Pas d’avantage !

La seule matière que je connaissais bien, c’était le catéchisme en breton.

Mais ici, il n’en n’était plus question du breton et il me faudrait maintenant tout recommencer

et l’apprendre en français.

Comme vous le pensez, j’étais fort inquiet, ça se présentait sous de bien mauvais auspices.

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« M. Conq, levez-vous ! Dites-moi … »

« Han ! C’était ça que je devais apprendre ? Si j’avais su ! »

 

« M. Conq, asseyez-vous ! Vous n’êtes qu’un âne !

Si ce n’est pas pour travailler, cela ne va pas durer longtemps, croyez-moi ! »

 

Je repartais en larmes, complètement désorienté et bien malheureux.

 

Janette, la maîtresse, était une très bonne fille qui avait parmi ses élèves,

cinq ou six « andouilles » de ma sorte, et de plus, tous pensionnaires.

 

Que faire pour combler leur retard sans nuire à la bonne marche

de l’ensemble de la classe ?

Quelqu’un eut l’idée géniale de nous confier aux bons soins

de la sœur Philomène à l’infirmerie.

Nous y étions dorénavant tous les soirs en étude studieuse.

Il n’y avait pas le moindre malade chez la sœur Philomène, mais à présent

six « ânes » qui travaillaient d’arrache-pied pour raccourcir leurs « oreilles ».

 

Et le miracle se produisit.

Bien avant Noël, nos efforts avaient fait sentir leurs effets.

À Pâques nous étions tous au Tableau d’honneur.

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