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Fenêtres sur le passé
1938
Grands travaux à Ouessant
- Article 2 sur 3 -
Source : La Dépêche de Brest 23 août 1938
Le phare du Créach, qui est le plus beau du monde est mutilé.
Ses yeux se sont éteints.
Mais ils vont bientôt revivre, pour le salut de tous ceux qui sont à la merci des dangers de la mer.
La lumière brille actuellement au sommet d'un pylône en bois comme on en voit
dans les grandes exploitations pétrolières.
Nous l'avons dit dans un précédent article.
Il serait en effet impossible à l'heure actuelle d'éteindre le phare du Créach que tous les navigateurs guettent.
Ouessant, que l'on a justement nommé « La perle des îles » est à l'avant-garde du vieux monde,
au milieu d'un enfer de récifs.
Les moutons si réputés de l'île, ces moutons si petits qu'ils semblent toujours être des agneaux,
vont à l'aventure à travers les maigres pâtures cernées de vagues écumantes.
Sur les hauteurs, des moulins qui font penser à une réduction de ceux de Haarlem, tournent lentement dans le vent.
Ces moulins tournent par nécessité sur un sol aride et morcelé jusqu'à l'extrême.
Telle parcelle de terre mesurant environ 60 mètres carrés,
appartient à huit ou dix propriétaires.
Il y a sur l'île 3.000 habitants, qui travaillent et qui peinent.
La vie est dure à ceux-là bien plus qu'aux autres.
Ce qui frappe le visiteur, c'est le souci de propreté,
et même de coquetterie du bourg et des villages.
Comme elles sont belles ces maisons peintes à la chaux,
si blanches et souvent parées de fleurs ou de verdures.
« Enez-Eussa » est bien la perle des îles, la belle entre toutes.
Il n'est peut-être pas en France de terre plus inconnue
et qui mérite mieux de l'être.
Mais ceci nous éloigne beaucoup des grands travaux entrepris
au phare du Créach.
Ce jour-là, M. Sallio, administrateur de la marine, en retraite,
avait bien voulu me piloter sur la route, ornée de calvaires blancs,
de maisons basses et de moulins d'un autre temps.
Au loin la mer grondait sur la côte, couronnant la pointe de Pern
de gerbes emperlées d'écume, hautes de 10 mètres.
Il serait difficile d'imaginer une communion plus proche avec la nature.
Jamais je n'ai vu rien de plus beau que ce que j'ai vu ce jour-là.
Je sais bien que plusieurs autres ont découvert Ouessant bien avant moi — la beauté de Ouessant —
mais cela ne peut pas m'empêcher de rendre hommage à cette île faite véritablement pour conserver les rêves
et les légendes du monde, si vieux.
Le phare de Créach est, avec sa haute tour cernée de noir et de blanc, assez rébarbatif d'aspect.
« Défense d'entrer », lit-on à la porte.
Et Dieu merci, car si l'on devait pouvoir entrer là comme dans un moulin de la Beauce, ce serait la fin de tout,
comme disent les marins.
Ne peut-on pas dire que l'on est « à bord » quand on est dans un phare ?
M. Sallio avait un ami là-bas : M. François Latour, maître de phare ; M. Latour, « le maître de la lumière ».
Il me le présenta, avec M. Bernard, l'un des gardiens du Créach.
M. Latour est l'un des hommes les plus sympathiques que l'on puisse rencontrer, mais il faut aller dans ce désert pour le connaître.
— Monter dans le phare ? Impossible avec les travaux en cours, dit-il.
Mais nous pouvons voir bien des choses qui vous intéresseront...
M. Latour a sous ses ordres — outre M. Bernard — MM. Vaillant, Malgorne, Le Noret et... Créach, le bien nommé.
Des hommes de devoir qui savent combien sont grandes
leurs responsabilités.
Le phare est couronné de bois.
Près de lui le pylône de 20 mètres qui supporte le feu est bien petit, tout comme celui où a été montée la sirène de brume.
Dans la brise aigre qui couche l'herbe rase on entend le mugissement de la bouée sonore de Basse Callet,
bercée au gré des houles..
P.-M. LANNOU.
(À suivre).