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Fenêtres sur le passé

1929

Une visite à la manufacture des tabacs de Morlaix

Article 4 sur 4

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Ici, pas de machines, mais 350 ouvrières réunies dans un immense atelier.

 

Pas de machines perfectionnées, soit !

Mais quelle activité et quelle production !

 

Voici 25 ouvrières qui roulent et habillent des Pilipinos ;

25 des Cyrano ;

25 des Londrecitos ;

250 des Voltigeurs (la grande spécialité de la maison) ;

25 enfin des petits Ninas.

 

Chaque ouvrière fait 1 kilo 300 par jour, la manufacture produit 7.500 kilos par mois ; lorsque vous saurez que chaque cigare pèse en moyenne quatre grammes, vous comprendrez la somme de travail que doivent produire ces cigarières.

 

Elles n'ont pas de temps à perdre, elles sont aux pièces, et, s’il y a parmi elles de Jeunes et jolies Carmen (et il y en a), ce n’est pas à l'atelier qu'elles peuvent rêver longtemps à leur Don José...

 

Tandis que plus d'un œil noir me regarde à la dérobée, M. Carillon, en l'absence de M. Rolland, chef de cette section, me donne des explications sur la fabrication des cigares et me conduit devant divers services.

Actuellement, on ne fabrique ici que des cigares dont l'intérieur est un tabac haché à deux millimètres cinq.

 

Ce sont des tabacs du Brésil, de la Havane, de Java, selon la qualité du cigare.

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Le cigare se compose de trois parties :

1° l'intérieur en tabac haché ;

2° la sous-cape, faite en tabac de Java supérieur ;

3° la cape, faite généralement en Sumatra ou en tabac du Cameroun.

 

Les Indes néerlandaises ont pour le monde entier le monopole de la cape et de la sous-cape.

 

C'est Amsterdam qui fournit toutes les manufactures, sauf pour les cigares de la Havane qui sont capés dans leur pays d'origine.

 

La préparation du tabac qui forme l'intérieur du cigare est la même que pour le scaferlati, à part la torréfaction qui est remplacée par le séchage, les tabacs employés pour les cigares ne supporteraient pas la torréfaction.

 

La sous-cape et la cape, qui sont les deux enveloppes du cigare, sont simplement mouillées et époulardées avant d’être livrées à la cigarière avec le tabac de l'intérieur.

 

Le sous-capage consiste à enrouler une feuille de tabac autour de celui de l'intérieur pour lui faire prendre, dans un moule soumis à une forte pression, le gabarit du cigare.

 

Le capage consiste, lui, à découper la feuille-cape en tanière appelée robe et à l'enrouler autour de la sous-cape dite poupée.

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Ces opérations faites, il ne reste plus qu'à lisser le cigare avec une petite planchette et à fermer le bout.

 

Tous les cigares passent ensuite à un service réception où ils sont vérifiés un par un.

 

Tant pis pour l'ouvrière qui a mal calculé le poids de son cigare ou n'en a pas soigné sa robe, car ici comme dans les autres ateliers, il y a des primes à la production et à l'économie.

 

Disons même que c'est ce système de travail à l'entreprise, aux pièces, qui est une cause de la magnifique production de cette manufacture, comme de son bon ordre et de sa discipline parfaite.

 

Le cigare terminé, il passe au boîtage dans un atelier où les coffrets sont assemblés, cloués ou agrafés par des machines simples et pratiques, puis ces coffrets, garnis avec soins à l'intérieur, sont ornés de vignettes multicolores.

 

Faisons constater, en passant, que nos manufactures des tabacs ont, depuis quelques années, fait de gros efforts pour donner à leurs produits un aspect agréable et de bon goût, ce qui leur manquait totalement il y a encore peu de temps.

 

Ce sont des cigares bien bagués, douillettement couchés, quoique pressés, dans de jolis coffrets ou des étuis élégants, qui nous sont offerts aujourd'hui.

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Il faisait nuit depuis longtemps, lorsqu'ayant visité tous les ateliers des diverses fabrications, je suis descendu dans la cour par laquelle on pénètre dans les salles des machines.

 

Voici d'abord celle de 300 chevaux, produisant la forme motrice, et qui verra sa force augmentée prochainement.

Puis voici les salles d'appareils de chauffage, dont les vastes chaudières emmagasinent la vapeur utile au chauffage des ateliers et aux besoins industriels.

Voici encore les ateliers de tonnellerie, de caisserie, de menuiserie, de vannerie et ceux des tourneurs et des ajusteurs.

 

Partout la même activité, partout la même propreté, partout l'ordre le plus minutieux.

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Mais ce n'est pas tout.

Avant de quitter la manufacture, je visite le laboratoire où s'étudient les dosages ;

la salle de consultation du docteur qui vient tous les jours, à 8 heures,

donner des consultations au personnel de l'usine ;

j'admire la salle d'allaitement où la maman reçoit, pendant les heures de travail,

le nouveau-né qu'on lui apporte de la maison.

 

Tout a été prévu pour cette grande famille qu'est le personnel de la manufacture des tabacs de Morlaix.

 

Quel effort !

Mais aussi quel admirable résultat !

 

Admirable, en effet, puisque le chiffre d'affaires est de deux cent trente millions pour l'année 1929 et que la manufacture paiera plus de deux cent soixante-quinze millions en 1930.

 

Et ce n'est pas fini.

M. Lancien nous apprend qu'un programme d'agrandissement est prévu avec un budget de dix millions, que la première tranche de deux millions vient d'être approuvée et que les travaux sont déjà commencés.

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Je ne voudrais pas terminer cet article sans remercier le sympathique et averti directeur de cette manufacture, M. Germain Lancien, qui, non seulement a reçu de la façon la plus courtoise l'envoyé de la Dépêche de Brest, mais lui a donné toutes les autorisations pour visiter entièrement et en détails les services de son établissement, après lui avoir fourni tous les renseignements nécessaires.

 

Je tiens à remercier aussi les chefs des sections parcourues, où ils m'ont donné toutes les explications utiles pour mener à bien mon enquête, ainsi que MM. Poiraud, Euzen et Boulch,

qui m'ont accompagné pendant cette longue visite.

 

Mais je veux aussi féliciter depuis le directeur jusqu'au plus petit ouvrier, à la plus jeune ouvrière, qui ont fait et continueront à faire de la manufacture des tabacs de Morlaix le temple du travail, du génie de nos inventeurs et de la solidarité dans l'effort.

 

L.Tual

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