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Fenêtres sur le passé

1914

La mouche et l'oiseau

 

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Source : La Dépêche de Brest 24 juin 1914

 

La Dépêche vient de publier un article intitulé :

Guerre aux mouches, (à lire ici) où il est donné plusieurs recettes pour supprimer ces hôtes insupportables et dangereux.

Le vrai, le seul, le plus économique moyen de s'en débarrasser, ce serait de protéger les oiseaux insectivores, de considérer ces derniers comme des bienfaiteurs, de respecter leur existence, d'empêcher leur dénichage et même, quand l'hiver est rigoureux, de subvenir à leur nourriture, car l'oiseau meurt plus souvent de faim que de froid, son calorique intérieur lui permettant de supporter de très basses températures.

Mais allez donc obtenir des chasseurs, surtout de ceux du Midi, qu'ils ne brûlent pas de poudre dès qu'ils aperçoivent un être animé.

Plutôt, que de rentrer chez eux bredouille, ils aimeraient mieux mettre leur belle-mère dans leur carnassière, serait-elle d'un poids fort.

Voyez les touristes qui fréquentent nos plages.

Une mouette arrive à leur portée.

Pan !

Et la mouette, morte ou blessée, tombe à l'eau, d'où son meurtrier n'a même pas la satisfaction de la prendre pour en orner le chapeau de son épouse.

Ça ne l'empêche pas d'être très fier de son adresse.

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Tous les ans, les hirondelles — ces précieuses gobeuses de mouches — nous arrivent plus clairsemées.

On les a massacrées au passage.

Je n'en finirais pas, s'il me fallait énumérer toutes les espèces qui nous rendent d'inappréciables services et sont nos victimes.

Il n'est guère d'oiseaux inutiles, même ceux qui commettent certains méfaits.

Par exemple, les granivores, j'en conviens, n'ont pas un respect scrupuleux pour nos semences ;

par contre, ils débarrassent nos cultures de beaucoup de mauvaises herbes.

Les rapaces diurnes ou nocturnes se permettent quelques crimes qu'ils se font pardonner en supprimant une grande quantité de petits rongeurs.

Le seul oiseau dont je n'ose prendre la défense, c'est la pie qui, par son instinct très développé de destruction, se place au premier rang des animaux nuisibles.

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Plus vous aurez d'oiseaux, moins vous aurez d'insectes et par conséquent moins de mouches, dont on vous a signalé ici les inconvénients.

Quant à faire comprendre cela aux gens atteints de la maladie de la chasse, aux gamins dévastateurs de nids, aux stupides collectionneurs d'œufs, je doute fort qu'on y arrive.

Depuis l'Équateur jusqu'aux pôles, les fusils fonctionnent ainsi que les pièges.

Les oiseaux sont tués, soit pour le plaisir, soit pour l'industrie de la plume de luxe.

La nature cesse d'être équilibrée.

Les insectes nous envahissent.

Et tandis que la mouche tsé-tsé fait des ravages dans l'Afrique centrale, nos mouches indigènes nous communiquent tout à leur aise la fièvre typhoïde, le choléra, la tuberculose... uniquement parce qu'on fait une guerre sans pitié aux oiseaux qui s'en nourrissent.

C'est à se demander si vraiment l'homme est le plus intelligent des animaux.

 

Najac

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