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Fenêtres sur le passé
1914
Guerre aux mouches
Source : La Dépêche de Brest 22 juin 1914
Auteur : Docteur Alix – Directeur du bureau d’hygiène
II est une notion scientifique incontestée à l'heure actuelle, c'est que la plupart des maladies infectieuses :
Fièvre typhoïde, diarrhée infantile, choléra, dysenterie, nous sont communiquées souvent par les mouches, qui sont de véritables porte-virus.
Les anciens le savaient déjà.
Dans la Bible, Dieu menace Pharaon, par la bouche de Moïse, des pires calamités par l'envoi de mouches venimeuses et pestilentielles ; c'est une des sept plaies d'Égypte.
En voltigeant des fumiers à la cuisine, du cabinet d'aisances à la salle à manger, en se noyant dans le lait, en se posant sur les aliments cuits de la veille et mangés froids le lendemain, ainsi que sur les pâtisseries et charcuteries exposées dans les magasins, on voit de quels méfaits cet insecte est capable.
Il faut donc lui faire la guerre, le détruire dans l'œuf, car une seule mouche pond, en quelques semaines, des milliers d'œufs qui donnent naissance à des milliards de rejetons.
Le regretté docteur Barillé, qui vient d'être enlevé si brutalement à la science, et dont les études à ce sujet avaient été très remarquées, affirmait que tuer une mouche en mai et juin, c'était en tuer trois cent mille en juillet.
Pendant l'été de 1911, qui fut exceptionnel comme chaleur, la fièvre typhoïde sévit avec intensité et, chose remarquable, elle frappa surtout les locataires logés au rez-de-chaussée dont les cours et cabinets d'aisances étaient remplis de mouches.
La diarrhée infantile, qui enleva tant de nourrissons à cette époque, est due pour beaucoup à la même cause.
Le microbe habituel de cette affection, le proteus, est commun dans les déjections des animaux, surtout du cheval, et c'est ce qui explique que les maisons avoisinant les fumiers d'écurie ont surtout été frappées.
Les expériences de Chantemesse et de Borel sur les vibrions du choléra et le bacille de la tuberculose, qu'ils ont trouvés dans l'intestin et les excréments des mouches, ne laissent aucun doute au sujet de la transmission de ces deux redoutables fléaux par ces diptères.
Il nous faut donc lutter sans merci contre les mouches, et les mesures à prendre peuvent se ranger en trois groupes :
Le premier, comprend les moyens de protection ;
le second les moyens de destruction des larves et des insectes adultes ;
le troisième, la lutte par des substances septiques.
Pour empêcher l'accès des mouches sur les aliments, il n'y en a qu'un :
c'est le garde-manger grillagé ou le couvercle sur tout récipient où sont exposés les aliments destinés à être consommés froids ou sans cuisson ultérieure.
En temps d'épidémie, il est indispensable de ne jamais manger de viande froide cuite de la veille.
La recommandation de recouvrir tout ce qui est aliment, devrait s'appliquer aux magasins qui exposent des pâtisseries ou de la charcuterie.
Malheureusement, il est loin d'en être ainsi.
L’Italie vient, à ce propos, de nous donner un exemple d'hygiène que la France devrait bien suivre.
Une ordonnance spéciale enjoint à tous les pâtissiers, charcutiers et même boulangers, d'avoir à protéger contre toute contamination les denrées alimentaires, soit par des vitres ou par des voiles de mousseline, empêchant les poussières et les mouches de s'y déposer.
Le moyen de détruire les larves est simple et peu coûteux, mais il doit être employé au mois de juin au plus tard.
Il consiste à mélanger un litre d'huile de schiste, qui coûte de 0 fr. 25 à 0 fr. 30, à un litre d’eau, et à jeter le tout dans la fosse d'aisances.
La couche d'huile, qui surnage détruit les larves et en arrête l'éclosion.
L'huile de pétrole est aussi à recommander, mais l'évaporation est un peu trop rapide.
Sur les fumiers, il suffit de saupoudrer la surface avec du chlorure de chaux.
Enfin, pour se défendre contre les mouches quand elles sont venues, les moyens sont nombreux, ce qui prouve leur peu d'efficacité.
Pour les animaux d'abord, le docteur Barillé préconise de les frotter avec des feuilles de noyer écrasées ;
à la campagne, on a le remède sous la main.
Dans nos maisons, on peut jeter, le soir, de la poudre de pyrêtre, qui, malheureusement, coûte un peu cher, et le lendemain, balayer les cadavres de mouches.
Une assiette pleine d'eau, dans laquelle on met une cuillère à soupe de formol du commerce, est un moyen infaillible ; malheureusement, les mouches qui vont s'y abreuver vont tomber et mourir sur les aliments, et peuvent occasionner des malaises.
Le papier à la glu est encore ce qu'il y a de plus pratique.
Le marc de café passe aussi pour éloigner les mouches :
Il est facile à expérimenter
La guerre aux mouches est devenue un véritable sport aux États-Unis, où on a compris le danger qu'elles font courir à la santé publique.
C'est aux instituteurs à inculquer aux jeunes générations les notions de propreté qui sont la base de l'hygiène, et cela vaudra tout autant que de leur apprendre la liste des rois mérovingiens.
L'année dernière, j'avais mis en garde la population contre la consommation des légumes frais, salades, cressons, radis, consommés sans cuisson ultérieure et qui, hélas ! Souvent, sinon presque toujours, sont arrosés avec le résidu des fosses d'aisances, ou, comme le cresson, sont récoltés dans des ruisseaux où coule l'eau des lavoirs.
Le docteur Loir, le distingué directeur du bureau d'hygiène du Havre, a fait des expériences à ce sujet, et particulièrement sur le bacille de la fièvre typhoïde, qui est le plus à craindre.
Le bacille n'aime pas l'acidité ; il meurt dans l'eau vinaigrée.
Et Napoléon 1er qui, sans être médecin, était un hygiéniste de première force, donnait à ses soldats du vinaigre, en leur recommandant d'en mettre une cuillerée par pinte dans l'eau qu'ils devaient boire.
Or, le docteur Loir a trouvé que le bacille typhique, qui vit normalement dans l'eau ordinaire, meurt au bout d'une heure dans l'eau qui renferme une cuillerée de vinaigre par litre.
Le résultat pratique est facile à tirer de cette expérience, il suffit de laver la salade, radis, cresson et autres légumes crus, dans un récipient contenant de l'eau dans laquelle on a versé une cuillerée de vinaigre par litre, et de les laisser tremper pendant une heure environ.
Après ce bain antiseptique, tout danger de ce côté a disparu.
L'expérience a été faite avec d'autres produits, tels que ail haché, poivre, etc.:
Le bacille typhique a résisté à tous ces condiments.
Pour les huîtres, le vinaigre ou le jus de citron qu'on y met, détruit le bacille typhique s'il le rencontre, mais dans l'eau seulement qui baigne l'huître ;
le vinaigre ne pénètre pas dans le canal intestinal du mollusque qui, souvent, renferme des microbes, et alors le but n'est pas atteint.
Il faudrait en mettre quelques minutes à l'avance, mais le liquide ramollit l’huître et la rend peu agréable à manger.
Le moyen si on veut se mettre à l'abri, c'est de ne consommer que des huîtres stabulées, c'est-à-dire ayant séjourné quelques heures dans de l'eau de mer filtrée, où elles se débarrassent de leurs impuretés tout en conservant leur saveur.