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Fenêtres sur le passé

1908

Bagarre mortelle à Kermaria - Pont l'Abbé

Les drames de l'alcool

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Le Bellec et Scouarnec sont assistés de Me Alizon ;

les autres défenseurs sont : Me Verchin pour Cariou ; Me Le Diberder pour Le Nours et Me Hamon pour Le Bolzer.

 

Voici le détail des faits qui leur sont reprochés.

 

Dans la nuit du 5 décembre 1907, quatre jeunes hommes de la commune de Tréméoc,

les nommés Bolloré, Canévet, Pérennou et Berréhouc, revenant de la foire de Pont-l’Abbé, entraient,

vers 5 heures du soir, dans le cabaret Thomas, situé sur la route de Quimper, à la sortie de la ville.

 

Peu d’instants après, quatre jeunes garçons de Combrit :

Le Bellec, Cariou, Pierre Le Nours et René Scouarnec, y pénétraient à leur tour.

Légèrement excités par l’alcool, ils se mirent à chanter bruyamment et, ayant été invités à se taire par Bolloré, ils échangèrent avec lui quelques propos sans aucune gravité, puis sortirent de l’auberge.

 

Quelques minutes après, Bolloré et ses camarades prirent à leur tour le chemin de leurs domiciles ;

mais, arrivés à quelques centaines de mètres du village de Kermaria, où s’embranche la route de Combrit,

ils se heurtèrent aux mêmes jeunes gens qu’ils avaient rencontrés à l’auberge Thomas et qui leur barraient le chemin ; une légère bousculade se produisit et ceux de Combrit se retirèrent vers Kermaria où ils allaient trouver du renfort.

 

Au moment où les jeunes gens de Tréméoc arrivent à ce village, ils trouvent, en effet,

à la hauteur du cabaret Diquélou, un groupe d’une dizaine de garçons de Combrit qui les attendent

et leur barrent le passage en criant : « Ceux de Tréméoc ne passent pas ici ! »

 

« Nous passerons malgré vous », répondent les autres, et la mêlée s’engage.

 

Le Bellec, qui a tiré sa veste pour être plus à l’aise et qui a à la main un couteau ouvert,

se jette sur Bolloré et le frappe à la gorge d’un coup qui lui tranche la veine jugulaire interne.

 

Bolloré se dégage cependant et peut encore faire quelques pas avant d’aller tomber mort dans le fossé de la route

par suite de l’abondante hémorragie déterminée par sa blessure.

Source : Le Finistère avril 1908

 

Bagarre mortelle à  Kermaria - Pont l’Abbé

Cinq hommes sont assis sur le banc des accusés ; ce sont :

Jean Le Bellec, 17 ans, garçon meunier ;

Pierre-Louis Cariou, 20 ans, aide-cultivateur ;

Pierre-Jean Le Nours, 20 ans, aide-cultivateur ;

Joseph Le Bolzer, 17 ans, cordonnier ;

Louis Scouarnec, 19 ans, aide-cultivateur,

tous de Combrit.

 

Le Bellec et Le Bolzer sont accusés de coups mortels ;

les autres, et en outre Le Bellec, de coups et blessures volontaires.

 

Leur attitude est bonne.

 

Ils pleurent abondamment et essaient de se dissimuler

aux yeux du public.

 

M. le procureur Le Marc’hadour soutient l'accusation.

 

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Pérennou et Berréhouc peuvent s’échapper en se dissimulant le long du fossé, mais Canévet, frappé à la tête par Le Nours

de coups redoublés du couteau fermé qu’il tenait à la main,

va tomber au bord du chemin de l’embranchement de la route de Combrit où il est entouré et violemment frappé par

Le Bellec, Cariou, Le Nours, Pierre Scouarnec,

et surtout par Le Bolzer.

 

Il reçoit notamment à l’estomac un coup dont le résultat

est une hémorragie qui amène la mort

au bout de quelques minutes.

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La fureur de ces jeunes gens excités par la lutte et l’alcool est telle qu'un malheureux vieillard, le nommé Hascoët,

qui arrive à ce moment sur la route et que son état d’ivresse empêche d’éviter la bagarre,

est frappé à son tour et reçoit de Cariou en plein visage un coup de couteau qui lui fend l’aile gauche du nez

et la partie supérieure de la lèvre.

 

Aucun des accusés n’a d’antécédents judiciaires et les renseignements recueillis à leur sujet ne sont pas défavorables.

 

À l’audience, sauf Le Bellec qui reconnaît avoir frappé avec son couteau, ils nient les faits qui leur sont reprochés.

 

Il est évident qu’il est assez difficile d’établir comment la scène du meurtre s’est déroulée.

 

Il faisait nuit noire, et les accusés eux-mêmes seraient peut-être incapables de dire

quel a été leur vrai rôle dans l’affaire.

 

Les témoins ne peuvent fournir de renseignements que sur les à-côtés du procès ;

du meurtre même ils ignorent à peu près tout.

 

En réalité, s’il est établi que les cinq accusés ont pris part, une part active, à la bagarre,

il parait difficile de doser leur responsabilité, sauf encore une fois en ce qui concerne Le Bellec

dont les aveux déchargent ses co-inculpés.

 

M. Le Marc’hadour prononce un réquisitoire très serré, mais aussi très modéré.

Il dit la tristesse qu’on éprouve forcément en présence

d’un tel drame, devant la mort de deux hommes pleins de vie

et de force, fauchés à la fleur de l’âge, dans une bagarre stupide, et qui avaient l’avenir devant eux,

et aussi devant la jeunesse des accusés.

 

Le procureur de la République requiert donc un verdict

de culpabilité, car il ne faut pas que la justice laisse impunis

de tels actes, et on doit enfin comprendre que les rivalités

de commune à commune, qui ont pu avoir naguère

leur raison d’être, ne peuvent être tolérées à notre époque.

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Mais il est le premier à demander aussi aux jurés un verdict de pitié.

 

Me Alizon présente alors la défense de Le Bellec, et, après une suspension d’une heure,

l’audience est reprise à huit heures et demie du soir.

 

Mes Hamon, Verchin, Le Diberder, Alizon plaident la jeunesse de leurs clients.

 

Après une heure de délibération,

le jury rapporte à onze heures du soir un verdict en vertu duquel Scouarnec est acquitté.

 

Le Bellec, déclaré coupable des coups ayant entraîné la mort de Bolloré

sans intention de la donner, est condamné à 2 ans de prison sans sursis.

 

Le Bolzer, Le Nours et Cariou, coupables de coups et blessures simples,

se voient infliger de leur côté chacun 1 an de prison, mais avec sursis.

 

Voilà donc où mène l’alcoolisme !

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Maître Alizon

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Source : Le Finistère avril 1908

 

Jeunesse antialcoolique du Finistère.

 

La réunion mensuelle s’est tenue lundi soir, au Gymnase municipal, devant un nombreux public.

Dans une causerie familière, M. Marcel Allier a entretenu les sociétaires de l’Alcoolisme et la criminalité bretonne, question bien suggestive puisqu’il y a dans notre département 55 % d’alcooliques parmi les criminels et les assassins.

 

Il a rappelé dans leurs détails les crimes de Kermaria et de Clohars-Carnoët et s’est élevé contre le fatal alcool

qui a conduit sur les bancs de la Cour d’assises de malheureux enfants de 16 ans.

 

M. Roger Mathelier démontre ensuite par quelques tableaux saisissants comment les unions

et les ligues protégeront l'adolescence contre l'alcoolisme.

 

Puis l’ordre du jour suivant est adopté à la majorité :

 

« Après les retentissants débats devant la Cour d’assises de Quimper des meurtres de Kermaria

et de Clohars-Carnoët, la Jeunesse antialcoolique du Finistère attire l’attention sur l’importance croissante

du rôle de l’alcoolisme dans la criminalité bretonne ;

Pense que l’opinion publique n’a pas le droit de rester indifférente devant de tels actes de sauvagerie commis

sous l’influence funeste d’un poison qui transforme en brutes assoiffées de sang des enfants de 16 ans ;

Fait un appel pressant à toutes les bonnes volontés qui, enfin conscientes du péril social de l’alcoolisme,

ne doivent pas hésiter plus longtemps à encourager de leur aide pécuniaire les efforts des antialcoolistes. »

 

Adresser les adhésions (1 franc par an), au siège social de la Ligue : 24, impasse de l’Odet, Quimper.

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