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Fenêtres sur le passé

1908

​

Les Apaches à Brest

" La bande de l'As de Pique "

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Source : La Dépêche de Brest 9 juin 1908

 

Un odieux forfait, qui dénote de la part des apaches brestois une recrudescence d'audace et de progrès certain

dans le cynisme, a été commis, l'avant-dernière nuit, rue de la Fontaine, à Recouvrance.

​

La veuve Kerhoas, 39 ans, qui habite au rez-de-chaussée de l'immeuble portant le numéro 6 de cette rue,

s'était couchée de bonne heure dimanche soir.

 

Vers une heure 15 du matin, au moment où elle dormait profondément, elle fut réveillée en sursaut

par un bruit de vitres brisées.

 

C'étaient les carreaux de la fenêtre de sa chambre qui volaient en éclats.

 

Au même moment, et avant qu'elle ait pu se défendre,

la malheureuse était saisie au cou par des mains vigoureuses,

assommée de coups de poing, puis bâillonnée.

 

Malgré la vigoureuse étreinte du bandit qui la tenait à la gorge,

la veuve Kerhoas cria :

« Au secours ! Au secours ! »

​

Ces appels désespérés parvinrent très heureusement aux oreilles

de deux agents du 3e arrondissement, Gentric et Rannou,

qui faisaient une ronde dans le quartier.

 

Les agents prirent aussitôt le pas de course, mais au moment

où ils arrivaient aux abords de la maison d'où les cris étaient partis,

ils aperçurent deux individus qui se dissimulaient dans l'ombre.

 

Ces derniers prirent la fuite à toutes jambes en criant :

« 22 ! 22 ! Vlà les flics ! »

 

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Les deux agents, suivant le chemin qu'avaient pris les apaches, firent irruption dans la chambre de la veuve Kerhoas

au moment où l'un des forcenés outrageait la victime, tandis qu'un autre la serrait violemment à la gorge.

 

Une lutte sérieuse s'engagea immédiatement entre les agents et les énergumènes, qui sortirent leurs armes :

couteaux et rasoirs.

 

Les gardiens de l'ordre public, après s'être longuement colletés avec les bandits, sortirent vainqueurs du combat.

 

Ils arrêtèrent deux des malfaiteurs et laissèrent le troisième prendre la fuite.

 

Les coupables furent incarcérés dans l'une des geôles du poste de police de Recouvrance,

puis les deux courageux agents, aidés de leurs camarades, se mirent à la recherche des autres criminels.

​

Deux d'entre eux étaient arrêtés à leur domicile

à quatre heures du matin, et le cinquième quelques heures

plus tard, à Kéranros, en Saint-Pierre Quilbignon,

par le sous-brigadier de la sûreté Bastard et l'agent Rannou.

 

M. Villa, l'actif commissaire de police

du quartier de Recouvrance,

a interrogé tous les coupables dans la matinée.

 

Ce sont :

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Hippolyte Priolet, 21 ans, sans profession ni domicile fixe ;

Paul Anthois, 19 ans, forgeron, habitant 23, rue de la Fontaine ;

René Cordier, 19 ans, sans domicile fixe ;

Charles Abautret, 19 ans, sans profession, demeurant 13, rue Vauban,

et Jean Le Brun, 18 ans, sans domicile connu.

 

La plupart de ces gaillards, quoique bien jeunes, ont leur casier judiciaire orné de plusieurs condamnations.

 

La veuve Kerhoas, qui exerce la profession de chiffonnière, a eu des malheurs.

 

Elle perdit son mari très jeune, et, n'ayant aucune ressource,

elle se plaça comme bonne dans un débit.

 

Quelques mois plus tard, elle associa sa vie à celle d'un chiffonnier qui, il y a trois mois environ, est mort à l'hôpital

​

La nouvelle de cet horrible attentat a causé une grosse émotion

dans le quartier, à chaque instant mis en émoi

par les exploits de la bande noire (*) actuellement sous les verrous.

​

(*) À lire sur ce site

 

L'arrestation des cinq chenapans, dont un, Anthoy, appartient

à une très honorable famille, a été généralement bien accueillie

par les habitants des rues Neuve, de l'Église et de la Fontaine,

qui étaient terrorisés par ces bandits et n'osaient plus rentrer

chez eux après dix heures du soir.

 

La victime, qui a le visage tuméfié et couvert de contusions,

a été également entendue par M. Villa,

qui poursuivra aujourd'hui

son enquête.

 

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Son procès-verbal clos, ce magistrat mettra les cinq inculpés à la disposition du procureur de la République.

 

Félicitons en terminant les agents Gentric et Rannou de leur heureuse et énergique intervention,

sans laquelle la malheureuse femme Kerhoas aurait très probablement succombé sous les coups de ses agresseurs.

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Source : La Dépêche 27 octobre 1908

 

Sept jeunes apaches, formant une association que l’on appelle à Recouvrance la bande de « l'As de Pique », comparaissent aujourd'hui devant la cour d'assises.

 

Ils sont accusés d'avoir odieusement outragé Mme veuve Kerhoas, 39 ans,

habitant une chambre du rez-de-chaussée de l'immeuble portant le numéro 6 de la rue de la Fontaine.

 

Nous rappelons les faits, qui causèrent à Recouvrance, lorsqu'ils se produisirent, une très-grosse émotion :

Les prévenus : Hippolyte-Eugène Priolet, 21 ans, manœuvre ;

Paul-Auguste-Georges Anthois, 21 ans, forgeron ;

Charles-Julien Abautret, 19 ans, sans profession ;

René-Alexandre Cordier, 19 ans, manœuvre ;

Pierre-Jean-Louis Herrou, 20 ans, sans profession ;

Jean-Marie Le Brun, 19 ans, manœuvre,

et Charles-René Labous, 20 ans, journalier,

menèrent grand tapage par les rues de Brest dans la nuit du 7 au 8 juin dernier.

​

Entre minuit et une heure du malin, ces chenapans pénétrèrent dans le débit tenu par Mme Pennéc,

23, rue de la Fontaine.

Ils se firent tout d'abord servir deux litres de vin,

qu'ils payèrent après beaucoup d'hésitation,

puis ils injurièrent et malmenèrent la bonne de l'établissement.

 

La bonne courut dans l'arrière-boutique, où elle informa

sa patronne de ce qui se passait dans le débit.

Cette dernière intervint aussitôt et réussit, non sans mal,

à mettre à la porte ses odieux clients de passage.

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Sans plus attendre, on ferma la boutique, mais la bande revint bientôt.

 

Les énergumènes frappèrent à coups redoublés sur la devanture :

« J'ai oublié mon couteau et mon porte-monnaie, cria l'un d'eux, ouvrez-moi, où nous brisons tout ! »

 

Mme Pennée, peu rassurée, ouvrit alors une fenêtre ;

mal lui en prit, car les apaches l'injurièrent très grossièrement, et lui firent les pires menaces,

lui reprochant d'avoir fait arrêter, tout récemment, deux de leurs « poteaux ».

 

Avec insistance, ils réclamèrent à nouveau l'ouverture des portes ;

n'obtenant pas de réponse, ils arrachèrent les volets du magasin et s'apprêtaient à y rentrer,

lorsque survint la mère d'un des gredins, Mme Anthois, qui mit les forcenés en fuite.

 

Tout ce tapage n'avait pas été, comme bien l'on pense, sans éveiller l'attention des voisins ;

ils s'étaient portés aux fenêtres et entendirent l'un des apaches dire, en prenant la fuite :

« Nous n'avons plus que cinq « ronds », il nous faut un « pante ».(*)

 

(*)Pante, pantre, pantinois - Bourgeois bon à exploiter ou à voler.

​

C'est alors qu'un des bandits proposa à ses camarades d'aller continuer... la fête, sans bourse délier,

chez la veuve Kerhoas.

 

Ils savaient, en effet, que cette pauvre femme, sans défense,

habitait seule et qu'il était facile de pénétrer dans son logis.

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La porte étant fermée à clef, ils se ruèrent sur la fenêtre, qui ne se trouve qu'à vingt-cinq centimètres du sol.

 

Les volets, maintenus à l'intérieur par une simple corde, cédèrent,

et il ne leur resta plus qu'à faire jouer l’espagnolette, après avoir brisé quatre petites vitres.

 

La femme Kerhoas, réveillée en sursaut, se défendit de son mieux ; elle se roula dans, les couvertures et les draps.

 

Mais les misérables la saisirent immédiatement à la gorge, la jetèrent sur le sol, lui arrachèrent la chemise,

puis lui firent subir, à tour de rôle, d'odieuses brutalités.

 

— A moi ! Au secours ! cria-t-elle. On me tue !

— Laisse-nous, répondit un des criminels, où nous allons te faire la peau !

​

La malheureuse, que l'on étranglait, eut encore la force de crier :

« À l'assassin ! À l'assassin ! »

tandis que celui des agresseurs qui lui serrait nerveusement

le cou disait : « Ne crie plus, où tu es perdue ! »

 

Une seconde plus tard, elle recevait sur l'œil un coup de talon

qui lui fit perdre connaissance.

À ce moment, les agents Gentric et Rannou, mis en éveil

par les habitants du quartier, arrivaient au pas de course.

 

À la vue des uniformes, deux des chenapans, qui faisaient le guet, donnèrent l'alarme en criant :

« 22 ! 22 ! Vlà les flics ! »

 

Mais ces cris ne furent pas entendus par les répugnants apaches

que les agents trouvèrent dans des positions impossibles à décrire.

 

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Une lutte s’engagea aussitôt, dans l’obscurité, entre les représentants de la loi et les bandits.

 

Deux de ces derniers furent pris au collet ;

ils se débattaient et allaient réussir à s'échapper, avec l’aide de leurs trois camarades,

armés de couteaux à cran d'arrêt lorsque les agents mirent sabre au clair.

 

Les gardiens do l'ordre public, après s'être longuement colletés avec les apaches, sortirent vainqueurs du combat.

 

Ils arrêtèrent deux des malfaiteurs et laissèrent le troisième prendre la fuite.

 

Les coupables furent incarcérés dans l'une des geôles  de police de Recouvrance, puis les courageux agents,

aidés de leurs collègues, se mirent à la recherche des autres criminels, qui furent arrêtés peu après.

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Les débats présidés par M. le conseiller Gauducheau, ont lieu à huis-clos.

 

M. Le substitut Brohan soutient l'accusation.

​

Les prévenus sont défendus : Priolet et Herrou par Me Hamon ;

Anthois. Abautret, Cordier et Le Brun, par Me de Chabre ;

Labous, par Me de Trémintin.

 

L'audience continue.

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Source : La Dépêche 28 octobre 1908

 

Ainsi que nous l'annoncions dans notre dernier numéro, les apaches de Recouvrance,

inculpés de s’être introduits par escalade chez la veuve Kerhoas, 39 ans, habitant rue de la Fontine,

et d’avoir odieusement outragés cette femme, ont comparu, hier, devant la cour d'assises.

 

Les débats ont eu lieu à huis clos.

 

Pendant la délibération du jury, les accusés causent et rient.

 

Anthois, faisant montre du plus grand cynisme, lisse ses cheveux devant une glace à main.

 

Tous sont reconnus coupables ;

 

Herrou et Labous bénéficient seuls des circonstances atténuantes.

 

En conséquence, Priolet, Anthois, Abautret, Le Brun et Cordier sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité.

 

Herrou et Labous sont condamnés chacun à cinq ans de réclusion et dix ans d'interdiction de séjour.

 

En entendant le verdict, Mme Anthois, mère de l'un des condamnés, a une crise de nerfs.

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Bagne de Guyane

Abautret Charles

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Départ vers la Guyane

23 décembre 1908

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Décédé le 5 novembre 1910

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Antois Paul

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Départ vers la Guyane

le 9 juillet 1909

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Décédé le 8 janvier 1910

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Cordier René

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Départ vers la Guyane

le 23 décembre 1908

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Évadé le 20 avril 1911

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Le Brun Jean Marie

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Départ vers la Guyane

le 23 décembre 1908

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Décédé le 5 avril 1913

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Priolet Hippolyte

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Départ vers la Guyane

le 23 décembre 1908

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Évadé le 20 juillet 1919

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