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Fenêtres sur le passé

1882

​

La mort du dernier marin du Vengeur du peuple

Source : Le Finistère mai 1882

 

« La mort du dernier marin du Vengeur »

 

N'allez pas au moins, sur la foi de ce titre, imaginer un vaste déploiement de toile, un étalage de groupes belliqueux, bref un échantillon de peinture à grand spectacle.

 

Ce serait une erreur de croire, en effet, que tous les marins qui montaient l'héroïque navire

ont à jamais disparu avec lui sous les flots.

 

La mort n'a pas voulu de quelques-uns ;

comme leur capitaine Renaudin, dont le Finistère rappelait dernièrement l'histoire, ils furent recueillis par l'ennemi,

et allèrent grossir le triste troupeau de nos prisonniers, sur les pontons anglais.

 

Le dernier survivant de ces braves, Yves Le Terrec, est mort à Concarneau, sa ville natale,

âgé de plus de quatre-vingts ans.

​

C'est ce souvenir local que M. A. Guillou a retrouvé

et a eu l'heureuse pensée de consacrer d'une façon durable.

 

Enfant de Concarneau lui-même, il ne pouvait faire un meilleur usage

de son talent, et tous ses compatriotes devront assurément lui en savoir gré.

 

Ceci dit, passons à l'analyse de l'œuvre.

 

Dans un intérieur de masure sombre et tout imprégné de tristesse,

est étendu le corps du vieillard, revêtu de ses habits de fête,

les mains croisées sur sa veste de marin où brille la croix de la Légion d'honneur.

 

Il ne fait plus nuit, il ne fait pas jour encore.

Le feu s'éteint et fume au fond de la cheminée ténébreuse ;

la chandelle grossière placée près du cadavre vacille et commence à pâlir,

les plis du linceul bleuissent sous les rayons incertains du jour naissant.

​

C'est la lutte quotidienne de la nuit et de la lumière ;

Alfred Guillou - Mairie de Concarneau.jp

Alfred Guillou

Mairie de Concarneau

heure équivoque, pleine de sensations étranges et mystérieuses qui répondent admirablement

à la nature d'une scène comme celle-ci.

 

Au pied du lit, un vieille femme est agenouillée, ou plutôt affaissée,

laissant tomber sur poitrine sa tête chenue qui succombe à la fatigue de l'insomnie.

 

Le sommeil près de la mort, n'est-ce point un rapprochement d'une heureuse audace,

et bien fait pour donner à l'œuvre un caractère de dramatique simplicité ?

 

Cette mort, d'ailleurs, n'a rien qui éveille une impression pénible.

 

Il suffit de contempler le calme visage de celui qui repose là, pour se convaincre qu'il a vu venir la mort sans faiblesse, comme l'inévitable dénouement d'une existence bien remplie et qu'il n'a pas plus tremblé devant elle

que devant les canons anglais.

​

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