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Fenêtres sur le passé
1869
Des orphelinats agricoles
Source : L’Électeur du Finistère juillet 1869
DES ORPHELINATS AGRICOLES
Les campagnes se dépeuplent, et beaucoup de propriétaires rencontrent de sérieuses difficultés
pour louer convenablement leurs terres.
Une société a été fondée récemment, dans le but de favoriser le développement
des orphelinats agricoles dans toute la France ;
elle espère conserver à l'agriculture, par des moyens spéciaux, les orphelins pauvres et les enfants assistés,
dont l'État est le tuteur jusqu'à leur majorité.
Aujourd'hui, les administrations hospitalières confient leurs pupilles d'abord à des nourrices,
puis à des familles d'ordinaire peu aisées.
Cette méthode présente de graves inconvénients, qui se résument par la mortalité et l'immoralité de ces enfants.
Il s'agit de mettre en pratique, d'abord dans quelques départements,
puis sur une plus vaste échelle, un système nouveau et complet d'après lequel
les orphelins, confiés dès leur naissance à des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul,
puis placés dans des orphelinats agricoles fondés sur des bases spéciales, resteraient, à leur majorité, sous la tutelle bienveillante et officieuse de comités locaux composés de personnes charitables, et surtout de grands propriétaires,
qui leur faciliteraient le moyen de s'établir à la campagne.
L'asile rural peut être fondé aisément dans tout département où le conseil général et les administrations hospitalières, secondés par la bienfaisance privée, s'entendent pour fournir un local suffisant à des sœurs de charité qui,
avec les allocations ordinaires, y élèvent les garçons depuis leur naissance
jusqu'à l'âge de dix ans, et les filles jusqu'à l'âge de sept ans seulement.
L'orphelinat agricole s'ouvre pour les orphelins lorsqu'ils ont atteint au moins leur dixième année.
Trois éléments bien distincts concourent à la formation de ces établissements : les grands propriétaires
ou les administrations hospitalières, qui fournissent les terrains ;
les enfants, qui les cultivent ; enfin les religieux chargés de la direction, avec le concours de contremaîtres laïques.
L'exploitation d'une centaine d'hectares de terres labourables se fait avantageusement
par une famille de vingt à trente enfants dirigés par trois frères.
Les colons, jusqu'à l'âge de quinze ans, n'ont droit à aucune rémunération ;
à dater de cet âge, ils reçoivent non-seulement un gage fixe,
mais une part proportionnelle dans les bénéfices de l'exploitation.
L'orphelinat destiné aux filles les reçoit dès leur septième année.
La direction de quinze à vingt enfants y est confiée â trois sœurs :
l'une supérieure, la seconde maîtresse d'école, et la troisième converse, spéciale pour les travaux des champs.
La classe communale peut faire partie de l'établissement,
auquel les fondateurs abandonnent l'exploitation
et la jouissance de trois à quatre hectares.
Les colonies agricoles n'ont pas, jusqu'à présent,
donné les résultats qu'on en attendait,
parce qu'on a voulu trop faire à la fois,
et qu'au lieu de prendre l'agriculture pour point de départ
de ces fondations, on s'en est servi d'une façon
nullement pratique pour élever et moraliser des enfants.
Économie, association, équilibre dans la consommation et les produits,
telles sont les bases sur lesquelles doivent être assis tous les orphelinats agricoles, si l'on veut
qu'ils se suffisent à eux-mêmes et qu'ils ne soient pas une charge pour les personnes charitables qui s'en occupent.
La Société de patronage des orphelinats agricoles est appelée à mettre en lumière la question
si importante des enfants assistés et des orphelins pauvres.
Son programme est vaste, sa mission peut être féconde.
Pour cela il faut que, laissant de côté tout préjugé, les administrations hospitalières et départementales fondent,
avec le concours de la charité privée, des asiles ruraux là surtout où mortalité sévit le plus sur les enfants en bas âge.
Il faut que les fondateurs et directeurs d'orphelinats agricoles évitent les écueils sur lesquels,
jusqu'ici, tant d'établissements de ce genre sont venus sombrer.
Il faut que les possesseurs du sol, bien persuadés que l'éducation des orphelins à la campagne
doit servir de base au remède réclamé par leurs intérêts si gravement compromis,
s'identifient à une œuvre qui pour eux doit primer toutes les autres.
Il faut, avant tout, que des établissements spéciaux se fondent
et se développent, pour fournir aux propriétaires prêts à entrer
dans cette voie des contre-maîtres laïques ou religieux capables
de moraliser des orphelins et de diriger leurs travaux.
Il faut enfin que les personnes charitables,
animées du désir de travailler à la moralisation des classes pauvres, comprennent que si c'est déjà beaucoup de soulager une misère, c'est assurément davantage de la soulager d'une manière
conforme aux besoins du moment
et aux intérêts du pays tout entier.
En s'associant à l'œuvre des orphelinats agricoles,
les propriétaires ruraux travailleront pour eux tout en faisant le bien ;
aussi ne saurions-nous trop les encourager à prendre part aux efforts tentés en ce moment
pour donner à cette idée l'importance et le développement qu'elle comporte.
Comte DE GOUVELLO