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Fenêtres sur le passé

1879

​

L'industrie et le commerce en Bretagne

​

à la fin du XVe siècle

Source : Le Finistère juillet 1879

 

L’industrie et le commerce en Bretagne à la fin du XVe siècle

 

Par M. DUPUY, professeur au lycée de Brest.

 

Depuis longtemps M. Dupuy, l'un des professeurs d'histoire du lycée de Brest,

prépare un grand travail sur la réunion du la Bretagne à la France.

 

Il nous on donne aujourd'hui comme un avant-goût en livrant au public un chapitre détaché de son ouvrage.

 

Ce tableau curieux et nouveau de l'industrie et du commerce en Bretagne à la fin du XVe siècle,

nous n'y voulons distinguer aujourd'hui que quelques traits, ceux qui ont un intérêt plus spécial

pour le Léon et la Cornouaille, pour notre Finistère d'aujourd'hui.

 

A la fin du XVe siècle, les corporations, sortes de sociétés de secours mutuels garanties par l'État, se livrent à trois industries principales : celles des marais salants, des toiles et des draps.

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Celle-ci est de beaucoup la plus importante.

 

Les marchands bretons fréquentent les foires de Bergues,

de Bruges et d'Anvers ;

parmi eux, ceux de Morlaix ne tiennent pas le dernier rang.

 

D'ailleurs, beaucoup de petits ports de la côte jouissaient

alors d'une prospérité dont ils gardent à peine aujourd'hui le souvenir.

 

Le faible tonnage des navires marchands leur était favorable.

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Bretagne-Le-Conquet-Pecheurs-Naufrage-Le

Pourtant, les obstacles se multiplient, la sécurité du commerce maritime n'est rien moins qu'assurée.

 

Ici, M. Dupuy prodigue les détails précis, inédits pour la plupart.

 

Certes, nous avions tous entendu parler de ce droit de bris

qui donne au seigneur la propriété du navire naufragé sur sa terre.

 

Nous savions que les habitants des côtes du Léon et de la Cornouaille, naufrageurs par intérêt plus encore

que par sauvagerie féroce — quoiqu'en disent les légendes romanesques —

allumaient sans scrupule des feux trompeurs pour perdre les navires et se partager les épaves.

 

Mais il nous plaît de voir confirmer par des exemples authentiques ces récits un peu vagues.

 

Le 20 décembre 1470, un navire espagnol de quatre-vingts tonneaux se brisa près de Pont-Croix ;

sa cargaison se composait de draps, toiles, objets de mercerie et de pelleterie, lapis, etc.,

le tout valant près de soixante mille écus.

 

Tout fut pillé par les riverains.

 

Mais le gouvernement breton, autant par intérêt que par humanité, comme le remarque M. Dupuy,

se montre moins avide.

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Ainsi, d'un navire portugais échoué en 1468 sur les roches de Penmarch, on avait réussi à sauver quarante tonneaux de vin,

avec le mât et les agrès ;

le duc de Bretagne abandonna la moitié au propriétaire.

 

Mais les officiers du duc n'arrivaient pas toujours à temps,

et c'est souvent en vain que les navigateurs payaient des redevances pécuniaires appelées « brieux » pour être exempts du droit de bris.

 

Le vicomte de Léon pouvait délivrer des brieux,

mais à la condition d'entretenir une petite flotte pour protéger contre toute insulte les navigateurs de commerce.

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Gifford,_Robert_Swain_—_The_Wreckers_—_1

Gilbert Robert Swain

1877

Sans cette sanction, tous les règlements du monde n'y auraient rien fait.

 

Mais la partie la plus nouvelle, ce semble, du travail de M. Dupuy, est celle qui concerne la piraterie.

 

On pourrait la subdiviser elle-même en trois parties distinctes :

 

1° Les pirates étrangers ;

2° Les pirates bretons ;

3° Les efforts tentés pour réprimer la piraterie.

Nous n'en pouvons donner ici qu'un très-rapide aperçu.

 

C'étaient de hardis pirates que ces danois qui venaient croiser et faire des captures

jusqu'aux environs du cap Saint-Mathieu.

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Mais plus audacieux encore étaient ces pirates espagnols

qui pillaient jusqu'aux vaisseaux chargés à destination de l'Espagne ; Jean Calloch, de Morlaix en sut quelque chose :

en octobre 1463, sa cargaison de draps, de toiles et de froment arriva dans les ports d'Espagne, mais d'autre façon qu'il n'eut voulu.

 

Bientôt, cette émulation de brigandage s'accroissant de plus en plus, le duc de Bretagne autorisa les officiers des évêques de Léon, Cornouaille, etc., à saisir les biens et marchandises des Espagnols jusqu'à ce que les Bretons se vissent indemnisés de leurs pertes.

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Donald MacLeod

Il est vrai qu'ils n'avaient pas besoin d'autorisation pour s'indemniser eux-mêmes

et prendre leur revanche sur les Espagnols.

 

Vers 1477, deux ambassadeurs, envoyés par Ferdinand le Catholique en Flandre et en Angleterre,

retenus à Crozon par les vents contraires, utilisent leurs loisirs forcés en rendant visite à l'église.

 

Était-ce piété ou simple curiosité ?

 

Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils se repentirent d'avoir été curieux ou pieux hors de propos.

 

Derrière eux ils avaient laissée bord une valeur de sept mille écus d'or confiée à la garde d'une partie de leurs gens.

 

Deux navires, dont un du Conquet, se jetèrent sur cette proie facile,

s'emparèrent de la caravelle espagnole et la conduisirent à Brest, où ils se partagèrent le butin.

 

On ne dit pas ce que devinrent, à Crozon, les ambassadeurs de sa Majesté catholique,

ni si de fréquentes visites à l'église de l'endroit les consolèrent de leur mésaventure.

​

Le seul remède un peu efficace qu'il pût apporter à ce fléau, c'était d'organiser des armements,

destinés à protéger le commerce et décorés du nom de « convois de la mer. »

 

C'est près du cap Saint-Mathieu que se tenait d'ordinaire l'escadre du convoi ;

autour d'elle se ralliaient les navires qu'elle conduisait jusqu'en Guyenne et ramenait en Bretagne chargés de vin.

 

Une taxe établie sur ces vins étrangers venus par mer servait à l'entretien de l'escadre.

 

Mais il y avait d'autres manières de faire entrer, sans taxe aucune, le vin de France en Bretagne,

et la Loire était un chemin tout trouvé pour la contrebande.

 

Celte analyse est nécessairement superficielle, bien qu'elle suive et, en certains endroits, copie le travail de M. Dupuy.

 

Mais nous nous réservons de revenir à ce sujet, si intéressant pour les Bretons,

au jour où paraîtra l'ouvrage considérable qu'on nous fait espérer.

 

Le gouvernement vient d'accorder à M. Dupuy une mission qui lui permettra de compléter ses laborieuses recherches dans les bibliothèques et les archives de la Bretagne.

 

Quiconque connaît le savant professeur du lycée de Brest, sait d'avance que cette confiance sera justifiée,

et qu'il nous donnera, sur l'époque de la réunion de la Bretagne à la France, un livre vraiment définitif.

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Jakob Loutherbourg

1767

Une autre fois, c'est dans le port même du Conquet que disparaît

une hourque chargée de harengs, appartenant à la Hanse-Teutonique.

 

Et ne croyez pas que ces méfaits soulèvent la réprobation publique.

 

Non seulement aucun déshonneur ne s'attache au nom de pirate, mais on estime, on envie, on admire les forbans

les moins respectables, tels que Jean Coatanlem et François du Quélénec, proche parent de Jean du Quélénec, vicomte du Faou,

amiral de Bretagne.

 

Pendant vingt ans, le pauvre amiral vit ce parent compromettant

se jouer de lui et de ses poursuites, peut-être assez molles.

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