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Fenêtres sur le passé

1894

Un cultivateur tue sa femme à coups de faucille
à Gouesnou

Le crime de Gouesnou - Un cultivateur qui tue sa femme à coups de faucille.jpg

Source : La Dépêche de Brest 11 janvier 1894

 

Un crime a mis hier en émoi la commune de Gouesnou.

Un cultivateur du hameau de Kergaëlé, le nommé Labat (Jean-Marie), a tué sa femme à coups de faucille.

La malheureuse, dont le crâne était fendu, a survécu une heure et demie à ses horribles blessures.

 

Kergaëlé, qui est situé à deux kilomètres du bourg et à 1.500 mètres de la route de Brest,

ne se compose que de trois fermes.

Deux d'entre elles sont occupées par MM. Luslac et Morvan, ouvriers au port de Brest, et la troisième, la plus importante, par les époux Labat, qui l'exploitent depuis huit ans pour le compte de M. Quentel, notaire à Gouesnou.

 

Très estimés de leurs voisins, les époux Labat étaient des cultivateurs aisés.

Le mari était même marguillier de la paroisse, et, au dire des voisins, jamais ménage ne fut plus uni.

Rien ne semblait donc faire prévoir le drame sanglant qui s'est déroulé hier et dont voici un récit complet :

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Vers dix heures du matin, la femme Labat, qui venait tous les jours à Brest pour y vendre du lait, rentrait à la ferme.

Son mari étant alité depuis lundi, elle se rend d'abord auprès de lui, puis elle ressort dans la cour pour dételer son cheval avec l'aide d'un de ses garçons, nommé Madec.

 

À peine avait-elle commencé ce travail, que Labat parut sur le seuil, en chemise, et, brandissant une faucille, se dirigea sur sa femme.

Celle-ci recula et essaya de parer les coups, mais à trois ou quatre mètres de la grange, elle s’affaissa le crâne ouvert.

 

Le meurtrier continua sa sanglante besogne.

Il porta de nouveaux coups à victime, puis, la voyant inerte, dans mare de sang, il alla paisiblement se coucher, comme si rien ne s'était passé.

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Le garçon, Madec, qui n'a que dix-huit ans fut tellement épouvanté par ce tragique spectacle,

qu'il n'osa pas intervenir.

Affolé il se sauva à travers champs en appelant au secours et les voisins accoururent à ses cris.

 

M. Quentel, maire de Gouesnou, qui habite non loin de Kergaëlé, arrivé un des premiers,

ordonna de transporter la femme Labat dans la ferme de M. Luslac où, à 11 h ½ elle rendait le dernier soupir.

Pendant' ce temps, le garde champêtre surveillait Labat, qui cognait les cloisons de son lit clos et divaguait.

 

À midi, la gendarmerie de Lambézellec arrivait sur les lieux et commençait une enquête.

De leur côté, MM. Frétaud, procureur de la République, et Guicheteau, juge d'instruction, prévenus, quittaient l'enterrement de Me Souchou et, accompagnés de MM. Combes, commis-greffier, et Marec, interprète, se mettaient en route pour Kergaëlé.

 

Pendant que le parquet se dirigeait sur Gouesnou, Labat racontait à M. Quentel et au garde champêtre qu'il ne savait au juste ce qu'il avait fait, mais qu'il se rappelait bien avoir frappé sa femme.

« Je suis sorti avec ma faucille, leur dit-il, avec l'intention de tuer ma femme.

Je crois bien que je l'ai tuée. »

 

Quelques instants après, le garde et les gendarmes se montrant dans la cour, le meurtrier apparut sur le seuil :

« Je m'en vais », fit-il au garde.

On voulut le calmer, mais il résista et on dut lui mettre les menottes.

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À quatre heures, la voiture du parquet arrive.

M. Grossin, capitaine de gendarmerie, et un gendarme, tous deux à cheval, escortent la voiture.

Après avoir fait saisir la faucille, la coiffe et le serre-tête de la victime, les magistrats s'approchent de Labat,

qui ne dit plus rien depuis qu'il est menotté.

 

Aux questions que lui pose M. Frétaud, procureur de la République, avec le secours de l'interprète, le meurtrier fait des réponses incohérentes :

« Il a dû arriver quelque chose à ma femme, dit-il, je ne sais pas ce qu'elle est devenue. »

Puis, montrant sa tête, il ajoute :

« Je sens que j'ai quelque chose là.

Je n'ai encore rien fait cette semaine et je ne sais pas même quel jour nous sommes. »

 

M. Quentel, maire de Gouesnou, explique alors aux magistrats que, depuis six semaines environ, Labat était d'humeur bizarre et qu'il passait pour avoir l'esprit dérangé ; mais sa femme cachait autant que possible à ses voisins l'état de son mari.

Il semble, en effet, que Labat ne jouit pas de la plénitude de ses facultés.

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Madec, le jeune garçon de ferme qui a assisté au meurtre, interrogé par M. Guicheteau,

dit qu'il n'a remarqué les allures bizarres de son maître que depuis quelques jours.

« Ce matin, dit-il,

il criait dans son lit, disant qu'il avait gagné une victoire sur des ennemis qui se trouvaient au pied de son lit. »

 

Madec ajoute que Labat a frappé à plusieurs reprises.

 

Une voisine, la veuve Jaouen, l'a également vu frappant avec une grande violence.

Elle était à sa fenêtre et a crié au secours.

 

À cinq heures et quart, tandis qu'arrivent de Plourin les parents de la victime et le frère du meurtrier, les magistrats quittent la ferme pour rentrer à Brest.

Un quart d'heure après, Labat, toujours menotté, est monté avec deux gendarmes dans sa propre voiture, qui s'est dirigée sur la prison du Bouguen par la route de Pontanézen.

C'est le frère du meurtrier qui conduisait.

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À son arrivée à la prison, Labat, sur l'ordre de M. Frétaud, a été placé à l'infirmerie, où une surveillance très active a été exercée sur lui toute la nuit.

Ce matin, le brigadier Le Hir, chargé de la voiture cellulaire et muni d'ordres spéciaux, ira prendre le meurtrier et le conduira à la prison du palais, où il sera l'objet d'un examen mental, en vue de déterminer sa responsabilité.

C'est le docteur Anner qui procédera à cet examen.

 

Quant au corps de la victime, il sera transporté ce matin à la morgue de l'hospice civil où, à deux heures, aura lieu l'autopsie.

 

Labat (Jean-Marie) est âgé de 49 ans.

Il habitait Plourin avant de venir s'installer, il y a huit ans, à la ferme qu'il exploite.

Sa femme, qui n'avait que 39 ans, était aussi de Plourin.

Très charitable et très avenante, elle était fort aimée de tous ceux qui la connaissaient.

 

C'est à la justice à dire maintenant si, comme tout semble l'indiquer, la folie a joué un rôle dans ce drame sanglant.

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Source : La Dépêche de Brest 12 janvier 1894

 

Nous avons dit hier que Labat, le meurtrier de Kergaëlé, en Gouesnou, avait été placé, sur l'ordre de M. Frétaud, procureur de la République, à l'infirmerie de la prison du Bouguen et qu'il devait être surveillé toute la nuit très attentivement.

 

La précaution prise par M. Frétaud n'a pas été inutile, car toute la nuit, Labat a été très agité.

À un certain moment, il s'est levé, disant :

« Laissez-moi partir, je veux retourner à ma ferme, où j'ai mes bestiaux à soigner. »

Il n'a pas fallu moins de trois hommes pour le maintenir au lit.

 

Hier matin, Labat, toujours menotté prenait place dans la voiture cellulaire.

Le brigadier Le Hir l'enfermait soigneusement dans l'une des quatre cellules de la voiture,

qui arrivait à Brest à dix heures

 

En attendant d'être conduit à l'hospice Labat a été écroué dans la prison du palais.

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L'avant-dernière nuit, le corps de la femme Labat, resté chez M. Lusiac, fermier à Kergaëlé, a été veillé par les voisins.

Un grand nombre de personnes du bourg sont venues dans la soirée à la ferme où s'est déroulé le drame.

 

Hier matin, à onze heures, le corps a été mis en bière et placé dans le char à bancs des époux Labat, que conduisait le garçon Madec.

Seuls, le garde champêtre de Gouesnou, M. Emily, le frère de la victime et le frère du meurtrier suivaient le triste convoi, qui arrivait à l'hospice civil à 1 h. 1/4.

Là, le corps a été placé sur la table d'autopsie de la morgue.

 

Après le départ du parquet et du meurtrier, le maire de Gouesnou, M. Quentel, et le garde Emily ont visité la ferme des époux Labat.

Dans un tiroir, M. Quentel a trouvé une somme de 17 francs.

Mais on est persuadé que des titres ou de l'argent sont cachés dans un coin quelconque de la ferme.

 

M. Quentel a fermé toutes les portes à clef et a déposé les clefs à la mairie, jusqu'à l'arrivée du juge de paix qui s'est rendu hier, avec son greffier, à la ferme, et qui a apposé les scellés.

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Nouvel interrogatoire Hier, à deux heures, Labat a été conduit à l'hospice civil.

À 2 h. 1/4, MM. Frétaud, procureur de la République ; Guicheteau, juge d'instruction ; Manceau, juge suppléant ; Combes, commis-greffier, et Marrec, interprète, se rendaient également à l'hospice, et aussitôt commence un nouvel interrogatoire du meurtrier.

 

M. Frétaud, avec l'aide de l'interprète Marrec, lui demande s'il a bien dormi.

— Non, répond Labat, j'ai eu mal à la tête toute la nuit ; mais depuis que je suis venu avec le portefaix, je n'ai plus mal.

 

Le portefaix dont parle Labat n'est autre qu'un nommé de Maximy, ancien vétérinaire, qui a été arrêté il y a quelque temps à Landerneau pour escroquerie.

 

D. — Savez-vous où nous sommes ? Continue M. Frétaud.

Sommes-nous à Gouesnou ?

 

Labat répond, en fixant le procureur :

— Nous sommes à Brest.

 

D. — Savez-vous où vous avez couché ?

R. — Oui, j'ai couché à la prison.

D. — Pourquoi êtes-vous en prison ?

R. — Parce que j'ai frappé ma femme avec ma faucille.

D. — Vous savez que votre femme est morte. Voulez-vous la voir, elle est ici ?

R. — Oui, je veux bien, dit Labat en se levant.

Ce matin, je l'ai vue avec une chandelle, puis elle est partie.

 

Et, accompagné des magistrats et du brigadier Le Hir, il entre dans la salle de la morgue, le chapeau sur la tête.

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Sur la table d'autopsie, la femme Labat, enveloppée dans un linceul, est étendue, les pieds vers la porte.

La tête, couverte de sang coagulé, est horrible à voir.

 

En entrant, Labat se penche sur les pieds de la morte, comme s'il voulait les embrasser.

Puis il tourne autour du corps, impassible ; pas un muscle de sa figure n'a tressailli.

 

— C'est bien là votre femme ? lui demande l'interprète.

 

Labat se penche, regarde le cadavre de très près, l'examine très attentivement et dit :

« Oui, c'est bien elle ! »

 

— C'est vous qui l'avez tuée ! lui dit tout à coup M. Guicheteau.

 

Labat, toujours très froid, répond au juge d'instruction :

—Oh ! Non, ce n'est pas moi.

Elle s'était couchée avec moi samedi et elle a bien dormi.

Le matin, je lui ai dit que le curé m'avait dit que j'allais en paradis, et je lui ai dit de venir avec moi.

 

Le meurtrier continue longtemps ainsi.

Le docteur Anner déclare alors que Labat ne parait pas jouir de la plénitude de ses facultés mentales,

« car, ajoute M. Anner, il est absolument insensible. »

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Après cette confrontation, Labat a été reconduit à la prison du palais, pendant que les magistrats et le docteur Anner interrogeaient le frère de Labat et le frère de la victime.

 

Le frère du meurtrier déclare que Labat était très sobre et d'un caractère doux.

« Depuis la dernière foire de Gouesnou, dit-il, je me suis aperçu que mon frère avait l'esprit dérangé. »

Il ajoute que son frère a été autrefois malade et qu'il a eu de fortes fièvres.

 

M. Kerboul, de Plourin, frère de la femme Labat, dit à peu près la même chose.

 

— Pourquoi Labat aurait-il tué votre sœur ? lui demande M. Anner.

— Je ne sais pas, répond-il.

— Allait-il souvent dans les églises ?

— Oh ! oui, répond M. Kerboul.

Il se confessait et communiait souvent, il était très dévot.

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À trois heures, le docteur Anner, médecin légiste, aidé de l'infirmier Aubry, commence l'autopsie.

Le crâne est brisé dans vingt-cinq endroits.

La cervelle est une véritable bouillie.

 

D'après le médecin légiste, Labat a dû frapper et avec le tranchant et avec le dos de la faucille.

La mort, quoi qu'on en ait dit, a dû être instantanée.

 

À priori, le docteur Anner conclut à la folie de Labat, qu'il se propose d'examiner à nouveau.

 

Après le départ du parquet, qui a quitté l'hospice à 3 h. 1/2, les parents de la victime ont fait les démarches nécessaires à la sous-préfecture pour le retour du cadavre à Gouesnou.

 

À cinq heures, le corps a été remis en bière, en présence du commissaire central.

Le cercueil a été replacé dans le char à bancs des époux Labat, qui s'est mis aussitôt en route pour Gouesnou.

 

L'inhumation aura lieu aujourd'hui.

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Source : La Dépêche de Brest 14 janvier 1894

 

Le drame de Gouesnou.

 

Labat, l'auteur du drame de Gouesnou, est toujours à la prison du Bouguen, où il est gardé à vue par trois surveillants.

Par moments, il paraît très surexcité et il prononce des phrases incohérentes.

 

M. le docteur Anner, médecin légiste, procédera dans quelques jours à un examen de l'état mental de Labat.

Si cet examen établit la folie, Labat sera envoyé à l'asile des aliénés de Quimper,

où il recevra les soins que nécessite son état.

 

Le malheureux, nous l'avons dit, était très religieux.

Il quêtait, le dimanche, aux offices et dans les processions il portait la croix ;

mais il ne frayait pas avec ses collègues du conseil de fabrique et, le jour des Rois,

il les quitta brusquement sans vouloir aller trinquer avec eux, comme c'est, paraît-il, l'usage.

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Source : La Dépêche de Brest 15 janvier 1894

 

Le drame de Gouesnou.

 

Labat, l'auteur du drame de Gouesnou, a été extrait avant-hier soir du Bouguen et conduit à l'hospice civil,

où il a été placé dans un des cabanons de cet établissement.

 

Ce transfert avait été jugé nécessaire par le caractère dangereux de la démence dont Labat paraît atteint.

Depuis deux jours, il refusait toute nourriture et menaçait violemment ses gardiens.

 

Sous le péristyle de l'hospice, Labat a eu une nouvelle crise.

Il se jeta sur le brigadier Le Hir, qui le conduisait, et voulut le mordre ainsi que le concierge,

accouru pour prêter main-forte.

On dut lui mettre la camisole de force pour s'en rendre maître.

 

Dans ces conditions, l'administration de l'hospice n'a pas cru devoir garder Labat, qui a été reconduit hier soir au Bouguen, dans une voiture de place.

 

M. Anner déposera demain ou après-demain son rapport, et, une ordonnance de non-lieu intervenant,

Labat sera aussitôt envoyé à l'asile de Quimper.

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Source : La Dépêche de Brest 16 janvier 1894

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Source : La Dépêche de Brest 17 janvier 1894

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Source : La Dépêche de Brest 18 janvier 1894

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Source : La Dépêche de Brest 19 janvier 1894

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