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Affaire Jaffrès​

Gwerz de Louis Breton

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Remerciements à :

Annick Le Douget

Le musée de Rennes

Daniel Giraudon pour la traduction

Récit terrifiant au sujet de deux grands forfaits

commis dans la paroisse de Sizun

Entre le 7 et le 8 août dernier

​

 

Père, fils et Esprit Saint, trois personnes de la Trinité,

Et vous aussi bienheureux qui êtes couronnés dans la Gloire

Je viens de tout coeur vous invoquer

Pour que vous m’aidiez à raconter cette histoire.

 

Mon esprit est troublé, mon sang se glace

Quand je pense aux malheurs qui se produisent

Surtout dans le Finistère depuis peu de temps

On en vient à commettre un grand nombre de crimes.

 

C’est pour cela que je viens vous prier tous, Bretons

De venir écouter les circonstances de deux forfaits

Tout cœur inhumain qui règne dans ce monde

Sera touché, je crois, d’entendre cela.

 

Ces crimes ont été commis par un homme sans fortune

Le sept août dans la paroisse de Sizun,

Pour être précis, l’année mille huit cent

Quatre-vingt-quatorze, moins cinq mois.

 

Jaffrès était veuf avec quatre jeunes enfants

Il avait envisagé de leur trouver une marâtre

Il voulait épouser la fille d’une veuve

Mais celle-ci noua avec un autre les liens du mariage.

 

Depuis ce jour-là, Jaffrès avait conclu

Une promesse fervente avec le prince des démons (le diable)

Il avait dit dans son cœur au prince Belzebuth

Qu’il serait un jour plus cruel que les animaux muets.

 

Oui, les bêtes qui vivent au milieu des bois

Portent plus d’amour dans leur cœur

Que les chrétiens dans nos pays

Malgré notre baptême dans la maison de Dieu.

 

Jaffrès, peu après dix heures de la nuit, hélas

Pensant que tout le monde était couché

Monta sur le cheval de Lucifer pour se rendre au village de Kerbrat

Où il frappa sur la porte avec son sabot.

 

La veuve Le Menn quand elle entendit que l’on frappait sur la porte

Demanda de son lit qui voulait qu’on lui ouvre ainsi.

Quand elle reconnut la voix de celui qui aurait pu être son beau-fils

Elle lui ouvrit la porte sans penser à mal.

 

Aussitôt le barbare est entré dans la maison

Il a tiré son sabot de son pied

Il a frappé un coup terrible sur la tête de la pauvre femme

Qui l’a fait tomber aussitôt sur le sol de la maison.

 

Ce cœur cruel n’était pas tout à fait satisfait

Il prit en main un couteau

Et il frappa sur le couteau avec son sabot

Pour fendre le crâne de cette pauvre veuve Le Menn.

 

Comme le fait un charcutier ou encore boucher

Quand il tue les bêtes, en plusieurs morceaux

Il a mis le corps, hélas, de cette pauvre femme-là

Sans que son sang ne se glace.

 

Car les portes de l’enfer étaient grandes ouvertes

Et tous les mauvais esprits en étaient sortis

Et ils ont déchaîné toute leur méchanceté infernale

Dans le coeur de Jaffrès pour qu’il accomplisse son deuxième forfait.

 

Un fils de huit ans dormait dans son lit

Pendant que l’on tuait sa mère et il s’est réveillé

Il s’est mis à crier, à pleurer, à sangloter,

Si bien que le sauvage (tyran) est accouru

 

Pour sortir l’enfant de son lit rapidement

Et le frapper de coups mortels.

Il a été tué aussi par la main de cet homme impie

Comme sa mère sur le sol de la maison.

 

Oh mon Dieu, mon Dieu ! Quelle pitié !

De voir la terre baignée du sang pur de deux chrétiens

Du sang mis à couler par le tyran Jaffrès

Parce que la veuve n’avait pas voulu lui donner sa fille.

 

Après avoir commis ses forfaits

Il alla le cœur gai se coucher

Le cœur gai, cette nuit-là, chrétiens

Car personne ne l’avait vu commettre ses crimes.

 

Dieu n’est pas vengeur puisqu’il n’avait pas fait

S’ouvrir la terre pour l’engloutir

Lui faire place pour descendre dans le puits de l’enfer

Qu’il reste brûler là, corps et os.

 

Pour rendre d’abord justice, on trouve le poltron

On le conduit à la prison de Morlaix

Et là, le monstre cruel a avoué

Qu’il avait commis deux crimes au village de Kerbrat.

 

Il a dit clairement à la justice en peu de mots

En quelles circonstances il avait commis ses crimes

Il avait tué le fils comme la mère

Et de tous ces crimes il est bien le seul responsable.

 

Je crois maintenant que le tribunal de grande instance de Quimper

Viendra juger l’affaire en peu de temps

Et ordonnera à la ville de Morlaix, par la force de la guillotine

De mettre fin peut-être à sa mauvaise vie.

 

Pour finir, je vous prie chrétiens maintenant

De ne pas suivre l’exemple de Jaffrès tant que nous serons de ce monde

Suivons l’enseignement de Jésus et ses commandements

Et nous serons un jour récompensés dans la gloire.

 

 

Propriété de l’auteur tout droit réservé

Louis Le Brun

 

Mss.pp. 189-191.

Recit terrubl

Daou torfed bras

Commetet e paros Sisun

Entre ar seis ag an eis a vis eost diveza

 

Tad, Map a Speret Santel, tri ferson an drindet,

A c’hui sperejou evrus so er Gloar curunet,

Me a deu a wir galon, breman da invoki,

Da rein din ho c’hasistans ma c’hellin declari.

 

Va speret a so troublet, va goad deu da frima,

E compren er maleuriou a gometer breman,

Dreist oll bars e Finister un nebeut amzer so,

E teuer da gometi un nomb bras a grimou.

 

Dre-ze teuan do pedi breman oll bretonet,

Clevit oll corconstansou deumeus a zaou torfet,

Kement calon dinatur so o ren er bed man,

A gredan vezo touchet, o clevet kement man.

 

(2)Ar c’hrimou so cometet gant un den ep fortun,

D’ar seis demeus a vis eost, bars e paros Sizun,

Bars er bloavez trivac’h cant vit rei scler da gompren

Pevarzec pevar ugent, nemet pe(m)p mis ouspen.

 

Jafres a oa intaon gant pevar bugel vian,

A laket en he ide caout dezhe eur lesvam,

C’hoant en devoa d’eureuji, gant merc’h un intanves,

Mes homan rez gant un all scoulm a briadeles.

 

Jaffres abaoue an deiz se a devoa contractet,

Eur bromesse gouel fervant gant prins an droug speret

Lavaret en he galon d’ar prins Belzebut,

Vije un deiz cruelloc’h vit m’eo a(l) louenet mud.

 

Ia ! al louenet so e veva bars en creis (ar) c’hoajou,

Zouk muioc’h a garantez en ho c’halonoù,

Vit ne ra ar gristenien ebars en hor c’hontre,

Goude momp bet badeset, ebars en ty Doue.

 

Jaffres prest goude dec heur, sioas demeus an nos,

Pa sonje oa et an dud da gemer ho repos,

A c’ heas var marc’h Lucifer, da villajen Kerbrat,

Leac’h ma scoas var an nor, kre gant he voutes coat.

 

Intanves Menn pa glevas, skei vel se var an nor,

C’houlenas eus he gouele piou so c’houl digor

Pa neus bet anavezet, mouez he mab kaer manket,

Zigoras dezhan an nor, ep sonjal droug ebet.

 

Kerkent ma oa ar barbar, bars en ty antreet,

He droad ous he voutes coat ractal neus bet tennet,

Scoet var ben ar plac’h kes un taol cruel ganthi,

Ma neus bet ranket couez(a) ractal var a(l) leur zy.

 

Ne oa ket peur gontantet, calon an den kruel,

Lakat a reas en e zorn neuze c’hoas eur gontel,

A var he gontel scoas, gant he voutes,

Vit digeri he fen, d’intanves Menn tud kes.

 

Evel ma ra eur c’higer, pe ivez eur boucher,

Pa (ve) o lac’ha louenet ebars e pep kartier

He devoa laket he c’horf, sioas d’ar plac’h paour man,

Ep ta na deue he oad nep feson da frima.

 

Rag dorojou an ifern, a oa oll digoret,

Ag an oll drouk sperejou outhan oa sortiet,

Ag ho malis infernal o deus bet allumet,

Ebars e calon Jaffrès d’ober he eil torfet.

 

Eur mabik eis vloas devoa en he vouele kousket,

Pa oat o lac’ha he vam a so bet difunet,

Commans a reas da grial, da vouela pe le(n)va,

Ma teuas c’hoas an tirant gant eur galon a joa.

 

Da denna ous he vouele, neuze pront ar buguel,

Vit rei dezhan ar maro dre he tolliou cruel,

Bet neus ivez ar maro dre zorn an den impi,

Vel ma neus bet he vamm baour eno var a(l) leur zy.

 

O va Doue ! va Doue na pebeus ta anken,

Gouelet arosi douar gant goad pur daou gristen,

Goad bet losket da redek, gant an tirant Jaffrès,

Dre nevoa ket bet he merc’h, digant an intanvez.

 

Goude nevoa ar barbar he grimou commetet,

C’heas gant ur galon gontant d’he vouele da gousket

Laouen e oa he galon, en nos se chistenien,

Rag e c’hober he grimou ne (voe) gouelet gant den.

 

(4) Doue n’eo ket venjansus pa nevoa ket bet gret,

D’an douar pront digueri, vit ma vije lonket,

Gret plas dezhan da zisken bars e puns an ifern,

Ma vije losket eno, buan corf ag eskern.

 

Vit commans ober justis, e kever ar poueltron,

E zeo da gaer Montroulez conduet d’ar prison,

Ag eno neus declaret ar mostr brass ag ingrat,

Devoa commetet daou grim, e bilajen Kerbrat.

 

Declaret scler d’ar justis, ebars e ber gomzou,

Dre bez seurt occasion devoa gret he grimou.

Lavaret nevoa lac’het, ar mab couls (hag) ar vam,

Ag an holl ous ar c’hrimou, nemetan zo divlam.

 

Breman me meus ar greden ar c’hour bras e Quimper

Deuio da varn an affer, ebars e ber amzer,

Ag a urs ker Montroulez, dre nerz ar guillotin,

Marteze deui da lakat, de vouell vuez ar fin.

 

Me ped oll cristenien breman neur finisa,

Neuillomp ket buez Jaffrès tre ma vemp e(r) bed-man,

Heuillomp aviel Jesus, ag he c’hourc’hemenou,

Ag e vemp recompanset eun dervez er joaiou.

 

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Propriété de l’auteur tout droit réservé

Louis Le Brun

 

Mss.pp. 189-191

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