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Fenêtres sur le passé

1941

Ouverture du restaurant ouvrier du port de commerce

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Source : La Dépêche de Brest 11 février 1941

 

Sous les auspices du Secours national et du Comité d'entr'aide, M. l'abbé Ricou (*),

vicaire de Notre-Dame du Mont Carmel, a eu l'heureuse idée de créer, au port de commerce, un restaurant ouvrier, appelé à rendre à la population laborieuse de ce quartier les plus grands services.

(*) À lire bio sur site "Mémoires des Résistants et FFI du pays de Brest.

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Une enquête ouverte dans le quartier avait permis de se rendre compte que le prix d'un repas atteignait

en moyenne de 10 à 12 fr.

Certains restaurants arrivaient à consentit le prix de 7 fr. 50, minimum quasi impossible à ne pas dépasser

avec les difficultés du ravitaillement, le prix élevé de la viande et des légumes, sans parler des restrictions.

 

Cependant, au port de commerce, de nombreux travailleurs des deux sexes, ne disposant que d'un salaire irrégulier et modeste, ne peuvent, faute de temps, regagner leur domicile.

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Le restaurant ouvrier a été créé pour eux.

Ceux qui ont la possibilité de payer pourront, pour un prix modique — provisoirement fixé à 5 fr. 50 — être assurés de trouver à midi — s'ils se sont fait inscrire à l'avance — un repas chaud avec un menu substantiel, préparé avec soin et comportant un potage et un plat de viande garni de légumes avec du pain à discrétion.

 

Mieux, ceux qui préféreront emporter chez eux, pour déjeuner en famille les plats du jour, pourront venir y chercher les portions.

 

Enfin, sur présentation de leur carte de chômage, les sans-travail — heureusement, fort rares à Brest — pourront obtenir une réduction de prix, ainsi que les familles nombreuses.

La gratuité des repas pourra même êtes accordée aux nécessiteux.

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Le restaurant est installé 2, rue des Colonies, dans les vastes locaux de l'école libre, provisoirement désaffectée,

près de la chapelle qui eut à souffrir d'un bombardement.

Les 125 carreaux brisés de l'école ont été remplacés par du « vitrex » et les pupitres,

dans les salles de classe par des tables et des chaises provenant d'un foyer militaire actuellement occupé.

 

Tout est propre et net.

Chaque table est disposée pour recevoir quatre convives.

Pour ce premier jour, 85 personnes se sont fait inscrire : 60 hommes et 25 femmes.

Demain, le nombre des convives sera doublé :

Il y a de la place pour 200 personnes.

 

Dès midi, les clients commencent, à arriver.

Ils paient, en entrant, à une jeune femme installée à un petit bureau qui leur délivre un ticket,

détaché d'un carnet à souche et pénètrent dans la salle à manger des hommes ;

les femmes ayant une salle réservée.

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Par quatre, ils s'installent aux petites tables.

La serveuse reçoit leurs tickets et apporte une soupière fumante exhalant une bonne odeur de pot au feu.

Les tranches de pain qui surnagent sont abondantes.

 

— Ça va déjà nous en boucher un coin, dit en riant à ses trois compagnons,

en emplissant leurs assiettes un ouvrier jovial, un « costaud » au vigoureux appétit.

 

Quand le plat garni de « frites » croustillantes et dorées, sur lesquelles reposent quatre larges tranches d'un rosbif saignant, succède au potage, un sourire de satisfaction illumine les visages.

 

— Vous êtes satisfaits ? s’inquiète l'abbé Ricou.

 

— Oui, lui répond-on, c'est excellent.

On reviendra.

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Mais M. l'abbé Ricou nous confie ses inquiétudes.

C'est un jeune aux idées larges ( il est, de surcroit, décoré de la croix de guerre 1940 ).

 

— J'ai été récemment démobilisé.

J'étais maréchal-des-logis-chef au 183e d'artillerie à Fontainebleau.

Nous avons fait la campagne avec des pièces de 155 G. P. F. (grande puissance Filiaux).

J'ai été gérant du mess des sous-officiers pendant la dernière année de mon service actif ;

cela m'a donné ayant quelque compétence, l'idée de créer ce restaurant.

 

Aidé par le Comité d'entr'aide qui reçoit des subsides du Secours national, dont M. Paul Thierry, commissaire-priseur. est le délégué à Brest et Mlle Février, l'assistante sociale, j’espère mener à bien la tâche que j'ai assumée.

 

Il nous faudra une semaine ou deux pour nous rendre compte si le prix des repas, estimé à 5 fr. 50, est suffisant pour en couvrir uniquement les frais.

Nous ferons de notre mieux pour satisfaire notre clientèle, varier les menus et lui donner une nourriture saine et abondante, au prix le plus réduit possible.

 

La boisson, pour le moment, est de l'eau, mais nous fournissons du vin moyennant un supplément,

à ceux qui en désirent.

 

Le soir et le dimanche, nous ne délivrerons que des repas « à emporter », mais tous les jours, de midi à 14 heures,

tous ceux qui se seront fait inscrire, trouveront ici table ouverte.

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Des jeunes gens du patronage apportent à l'abbé Ricou leur concours bénévole.

À la cuisine, cinq femmes, recrutées parmi celles sans emploi, s'affairent.

 

Sur une long fourneau une grande marmite ronronne.

 

La cuisinière, en pestant contre la mauvaise qualité du combustible — des boulets qui font plus de cendres et de fumée qu'ils ne dégagent de chaleur — plonge dans la friture bouillante les pommes de terre coupées en tranches et les passe, ensuite, au four.

 

Du deuxième four, sont sortis les énormes rosbifs saucissonnés de tours de ficelle, appétissants et saignants.

Ils sont découpés en tranches et servis chauds.

 

Chacun s'efforce d'apporter tous ses soins à la confection du repas dans ce restaurant ouvrier du port de commerce et d'y créer une atmosphère familiale.

 

Les .convives semblent s'y trouver à l'aise et on constate avec plaisir que l'appétit ne leur manque pas

 

C'est maintenant la récolte des tickets détachés des cartes d'alimentation.

Les premiers convives se retirent satisfaits, d'autres vont prendre leur place.

 

Le restaurant ouvrier du port de commerce connaîtra, sans nul doute, un succès croissant.

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