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Fenêtres sur le passé
1941
Une nuit d'orgie à Ouessant
se termine par un drame
Source : La Dépêche de Brest 24 février 1941
Nous avons annoncé vendredi qu’un enfant de 3 ans était mort lundi
à Ouessant dans des circonstances suspectes.
M. le docteur Aubry médecin de l'île, ayant refusé de délivrer le permis d’inhumer, le maire M. Le Breton, envoya un express à la brigade
de gendarmerie du Conquet qui avisa aussitôt M. le capitaine Meinier.
Le parquet fut informé et M. Le Bras, juge d’instruction,
commit M. Le docteur Teurnier pour procéder à l’autopsie.
Le médecin légiste se rendit vendredi matin à Ouessant à bord
du vapeur Enez-Eussa.
Il était accompagné du maréchal des logis chef Cozic
et du gendarme Burreler, du Conquet.
Voici ce que l'enquête a révélé :
La femme Foezon, née Marie-Anne Avril, 21 ans, dont le mari est matelot-mécanicien dans une batterie de D C. A.
à Casablanca, habite le paisible bourg de Lampaul.
La jeune femme s'énivre fréquemment et, privée des bons conseils dont elle aurait tant besoin,
elle mène une vie de débauche.
Cette jeune femme eut deux enfants, mais il ne lui en restait qu’un :
Jacques-Alexis, né le 26 décembre 1937.
L’autre, une fille, Marie-Josèphe, est morte à l'âge d'un mois et demi,
il y a environ deux ans, dans des circonstances assez troublantes.
La mère ne fut cependant pas inquiétée.
Le dimanche 16 février, Anne-Marie Avril avait décidé — cela lui arrivait souvent — de faire la « bombe ».
Elle alla chercher sa mère, ses deux sœurs, deux cousins et une cousine.
Ça se passait, on le voit, en famille.
D'autres invités arrivèrent ensuite et apportèrent du vin, de l'alcool et du tabac.
À la vue des bouteilles encapuchonnées de papier d'or et d'argent,
les « Filles de la pluie » poussèrent des cris de joie.
On ne boit pas tous les jours du champagne
dans les maisonnettes d'Ouessant.
La fête commença à 16 heures et se poursuivit fort avant dans la nuit.
Interrogée par les gendarmes, la femme Foezon, reconnaît qu'au cours de cette nuit d'ivresse,
qui devait se terminer par un drame, on avait vidé :
Deux litres de vin blanc, quatre litres de vin rouge, deux bouteilles d'apéritifs, du rhum
et sept bouteilles de Champagne.
On imagine l'état dans lequel devait se trouver tout ce monde après l'absorption d'un pareil mélange.
Le pauvre petit Jacques, qui assistait à cette orgie, avait lui-même bu deux verres de vin et deux verres de rhum.
Le soir, on ne pensa même pas à lui donner à dîner.
L'enfant se contenta d'une simple tartine.
Puis, vaincu par le sommeil, il s'endormit à table.
Trois heures du matin venaient de sonner au clocher de Lampaul quand la plupart des bambocheurs
se décidèrent à rentrer chez eux.
En titubant, sous la pluie, ils gagnèrent leur logis, tandis que dans la modeste pièce, enfumée ou l'orgie
s'était déroulée, la femme Foezon, sa sœur Jeanne et sa cousine, Martine Le Lann, prenaient un dernier verre.
La tête lourde, les membres engourdis, elles allèrent enfin se coucher, après avoir déposé l'enfant dans son lit.
Vers 9 heures du matin, le petit Jacques se réveilla :
« J'ai soif ! » cria-t-il.
Sa mère se leva.
Elle prit une bouteille de rhum, placée au pied du lit, et emplit un verre à moutarde.
— Tiens, bois et dors.
Le pauvre petit avala cette forte dose d'alcool d'un seul trait et sa tête retomba sur l'oreiller.
Quelque temps plus tard, l'enfant, l'estomac en feu, cria et réclama de l'eau.
Mais, cette fois, la femme Foezon ne répondit pas et le bambin finit par se rendormir.
Hélas ! il ne devait plus se réveiller.
Ce n'est que le soir, vers 20 heures, enfin dégrisée, que la jeune femme s'inquiéta du sommeil prolongé de son enfant.
La pâleur du petit Jacques la frappa.
Elle le secoua puis, affolée, fit appeler le docteur Aubry.
Le praticien accourut.
Se rendant compte de ce qui s'était passé,
il fit prendre un vomitif à son petit malade.
Trop tard, hélas !
Jacques entra dans le coma et rendit le dernier soupir
vers 23 heures.
Appelé de nouveau le lendemain matin,
le médecin constata le décès et refusa le permis d'inhumer.
C'est alors que le maire, M. Le Breton, mis au courant
de ce qui s'était passé, alerta la gendarmerie puis le parquet.
Pendant que le maréchal des logis-chef Cozic et le gendarme Burreler procédaient, à la mairie,
à l'interrogatoire de la femme Foezon, qui leur conta l'orgie qui s'était déroulée chez elle, puis l'agonie de son enfant, M. le docteur Teurnier procédait, au cimetière, à l'autopsie du corps de la jeune victime.
Le médecin légiste constata d'abord que l'enfant bien constitué, manquait de soins.
Puis, passant à l'examen de l'estomac, il préleva 14 centimètres cubes d'alcool environ.
C'est certainement la forte quantité de rhum absorbée par l'enfant dans la soirée qui a occasionné sa mort.
Mise en état d'arrestation, la mère coupable a été embarquée samedi après-midi à bord de « l’Enez-Eussa ».
Elle passa la nuit à la gendarmerie du Conquet et fut conduite hier matin au parquet de Brest.
Portant un petit béret et enveloppée dans un ample châle noir, elle fut aussitôt interrogée sommairement
par M. Le Bras, juge d'instruction, qui l'a inculpée d'empoisonnement.
À 11 heures, accompagnée par le gendarme Laot, elle prenait, à pied, le chemin de la prison du Bouguen.
Source : La Dépêche de Brest 24 février 1941
C'est une lamentable affaire qui est évoquée devant le tribunal.
Une Jeune femme de 21 ans, Anne-Marie Foezon, née Avril, demeurant à Ouessant, est inculpée d'homicide involontaire et rendue responsable de la mort de son enfant, le petit Jacques Foezon, 3 ans.
Pendant l'absence de son mari, marin à Casablanca, la femme Foezon menait dans l'île d'Ouessant
une vie de débauche.
Cependant elle avait un enfant qui hélas ne connaissait ni les caresses, ni les soins maternels.
Anne Foezon avait eu déjà un autre enfant, une fillette, qui décéda dans des circonstances suspectes.
Une scène particulièrement odieuse se déroula dans la journée
puis presque toute la nuit du 16 février, au domicile de l'inculpée,
à Ouessant.
À cette orgie participaient la mère et une parente de l'inculpée.
Les convives du sexe masculin étaient nombreux.
Durant l'après-midi on vida maintes bouteilles de liqueurs,
de rhum et de vin.
Pendant ce temps la femme Foezon ne s'occupait pas
du petit Jacques.
L'enfant ayant réclamé à boire, la mère indigne lui versa un verre de rhum.
Le soir venu elle le coucha tout habillé sur son lit, elle disposa près d'elle un verre à moutarde qu'elle remplit d'alcool dans la crainte d'avoir encore soif.
Le lendemain matin, vers 8 heures, la mère indigne constatait que le verre était vide, son enfant en avait bu
le contenu.
Elle ne s'en préoccupa pas et continua à vaquer à ses occupations.
Vers 17 heures, cependant, s'apercevant que le petit Jacques ne bougeait plus, la mère finit par s'inquiéter.
Elle alla chercher un médecin mais, quand il arriva, il était trop tard.
Tous soins étaient inutiles.
Le bambin succomba peu après des suites d'une congestion, occasionnée par une absorption d'alcool excessive.
Au cours de l'enquête, l'inculpée affirma qu'elle n'avait pas donné un verre d'alcool à son enfant,
et que c'était lui qui l'avait pris à son insu.
La lourde faute qu'on lui reproche aujourd'hui est d'avoir délaissé complètement le petit être, livré à lui-même, pendant qu'elle faisait la fête.
M. Hébert, substitut, requit avec sévérité.
Me Le Loue prit la défense de l'inculpée.
A. Foezon est condamnée à 15 mois de prison.