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Fenêtres sur le passé

1940

Bretonnes têtues

 

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Sources : La Dépêche de Brest 19 août 1940

 

Nous avons eu si longtemps la fâcheuse habitude de circuler dans les rues sans nous soucier de prendre notre droite plutôt que notre gauche ;

nous avons, depuis tant de générations, joui du plaisir ineffable de nous cogner le nez contre les gens qui allaient en sens inverse, qu'il nous est à tous assez pénible de nous plier au nouveau règlement qui enjoint aux piétons de circuler sur le trottoir de droite.

 

Il nous arrive à tous d'admirer l'ordre qui règne dans nos grandes artères lorsque chacun prend rigoureusement sa droite… et il arrive à chacun de nous de prendre encore, de temps à autre, le trottoir de gauche par distraction.

 

À tout péché miséricorde.

La garde qui veille, tant à la sécurité de la circulation qu'à l'observation des règlements, ne nous fait pas grief de nos absences de mémoire.

Elle se contente de nous rappeler gentiment à l'ordre et de nous inviter à suivre, sinon le droit chemin, du moins le côté droit du chemin.

 

Cette invite aimable du représentant de l'ordre ne rencontre pas toujours, hélas ! un accueil souriant chez ceux auxquels elle s'adresse.

 

Si vous voulez vous en convaincre et si le sort, bon ou mauvais, vous a fait quelques loisirs, allez donc par l'un de ces après-midi d'été, vous asseoir une petite demi-heure sur l'un des bancs qui avoisinent le monument aux morts.

 

C'est le point de la ville où la circulation est la plus Intense.

De nombreux piétons montent vers Saint-Martin ou en descendent.

 

À chaque instant vous voyez des gens prendre malencontreusement le trottoir de gauche au lieu de celui de droite.

Intervention du gendarme qui rappelle gentiment le règlement oublié.

 

Si le contrevenant est un homme, il est rare qu'il ne s'exécute pas à la minute.

On ne saurait en dire autant des dames.

Neuf sur dix prennent, de plus ou moins bonne grâce, la direction indiquée.

Mais il s'en trouve toujours quelqu'une pour essayer de se soustraire à l'obligation imposée à tous.

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Comme il passe fréquemment des camions, des motocyclettes ou des tramways, on feint d'être obligée d'attendre avant de se risquer à traverser la chaussée.

Puis, quand on pense que le gendarme vous a perdue de vue, quand on le croit bien occupé à faire la même objurgation à une autre, on file dare-dare sur le trottoir de gauche...

 

Hélas ! Si la Bretonne est têtue, voire maligne, le gendarme est tout aussi têtu quant à l'observation du règlement, tout aussi malin quand il s'agit de déjouer ruses et malices cousues de fil blanc.

 

Le représentant de la force publique a de bonnes Jambes.

La contrevenante, vite rattrapée, se voit forcée d'exhiber sa carte d'Identité, et voilà un procès-verbal qui coûtera cher, fera verser des larmes, provoquera de tardifs remords, toutes choses amères qu'avec un peu moins d'obstination il eût été facile d'éviter.

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Bretonnes têtues encore, et celles-là plus dangereusement, ces femmes qui, entendant mugir la sirène d'alarme, ne prennent pas la peine de se mettre à l'abri.

 

Et cet entêtement devient criminel lorsque ces femmes qui n'observent pas les prescriptions de la défense passive continuent à stationner dans les rues, et principalement sur les places, avec leurs lignes enfants.

 

Jusqu'ici Brest n'a compté que fort peu de personnes atteintes par des éclats d'obus ou la chute de bombes.

Mais qui garantit ces imprudentes qu'un jour ou l'autre elles-mêmes ou leurs enfants ne seront pas victimes de leur témérité ?

Les éclats d'obus tombent infailliblement sur le sol, et, pour se sauver plus vite, le bombardier poursuivi par la D. C. A. ou les avions de chasse, laisse souvent tomber ses bombes au premier endroit venu.

 

Pourquoi risquer inutilement notre vie et celle de nos enfants alors qu'il est tout à la fois si simple et si sage d'observer les règlements édictés en vue du bien commun ?

 

Le passant.

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Sources : La Dépêche de Brest 2 avril 1941

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Morlaix

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