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Fenêtres sur le passé

1939

Un troisième contingent de 111 réfugiés espagnols
est arrivé hier à Brest

Un troisième contingent de 111 réfugiés espagnols.jpg

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Source : La Dépêche de Brest 6 février 1939

 

Dès midi, hier, un service d'ordre composé de gardiens de la paix et d'agents cyclistes, d'inspecteurs de la police spéciale et de la sûreté, de gendarmes des brigades de Brest, Landerneau, Daoulas, Le Conquet, Saint-Renan, Lannilis et Ploudalmézeau surveillait les abords de la gare.

 

Ce service d'ordre était dirigé par MM. Hornez, commissaire divisionnaire de la police spéciale ;

Courtin, commissaire central ;

Guillet, chef de la sûreté ;

le capitaine Meinier, commandant la gendarmerie départementale ;

Verrier, commissaire de police de Lambézellec, etc.

 

Mme Lanlaigne et ses dévouées infirmières à donner leurs soins aux réfugiés attendus et à aider le docteur Mignard, chargé de procéder, à l'infirmerie de la gare, à la vaccination antivariolique.

 

Mmes Boulais et Chabal dirigeaient les dévouées jeunes filles qui avaient ceint le tablier blanc et mis le brassard de la Croix-Rouge, et préparaient, avec diligence, le déjeuner composé de potage aux légumes, sandwichs au pâté et bananes, qu'elles allaient répartir entre les arrivants.

 

Les autorités arrivent :

MM. Le Gorgeu, sénateur-maire ;

Morel, sous-préfet ;

Lullien, premier adjoint ;

Parent, adjoint ;

Guillard et Lottiaux, secrétaires généraux de la sous-préfecture et de la mairie ;

le colonel de Réals, Denis, chef de gare, etc..

 

Le train se range à quai.

De deux wagons descendent des femmes et des enfants, quelques vieillards et jeunes gens.

 

Est-ce la température plus clémente, le soleil presque printanier ?

Les arrivants produisent une impression moins pénible que celle causée par les deux convois précédents.

Ils sont mieux vêtus, ont meilleure mine et, à part quelques-uns qui semblent avoir souffert de longues privations, paraissent moins désespérés.

 

Les vingt-cinq premiers sont conduits à l'infirmerie pour être vaccinés.

Les autres reçoivent les gamelles de potage chaud.

 

Mais on n'assiste pas au spectacle navrant de femmes et d'enfants affamés avalant gloutonnement les sandwichs distribués.

La plupart les mettent en réserve, leur appétit satisfait.

 

Ce sont, en général, des réfugiés paraissant appartenir à la partie aisée de la population catalane.

 

Quelques-uns, cependant, dirent avoir été évacués de Madrid et refoulés, trois ou quatre fois, au fur et à mesure de l'avance de l'armée nationaliste.

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M. et Mme Leixa — honorables commerçants installés depuis plusieurs années à Brest et qui ont recueilli,

il y a deux ans, trois enfants et leur maman, évacués de Bilbao — servent avec quelques autres personnes d'interprètes.

 

De blondes et jeunes Catalanes, habitantes de Barcelone, racontent que la ville a beaucoup souffert des bombardements aériens et que plusieurs quartiers ne sont plus que des amoncellements de ruines.

 

Une Aragonaise, entourée de quatre enfants, deux gentilles fillettes coiffées à l'ange, et deux bébés, dit être sans nouvelles, depuis plusieurs mois, de son mari, artilleur dans l'armée républicaine.

 

Une femme d'employé de chemin de fer déclare qu'elle vivait heureuse et à l'aise avant la guerre ;

elle est aujourd'hui, avec ses quatre enfants, dans le dénuement le plus complet.

Le sac, contenant des vêtements, qu'elle emportait, a disparu pendant son exode et elle n'a plus de manteau ni de vêtements chauds pour ses petits.

 

Une vieille grand'mère à la face ridée prend soin de ses trois petits-enfants dont la maman n'a pas voulu quitter son mari à la frontière.

 

Une gentille fillette s'est refusée à quitter la belle poupée qu'elle porte dans ses bras depuis Barcelone et qu'elle ne confie qu'à sa bonne grand'mère qui paraît en prendre autant soin que des trois enfants dont elle a la garde.

 

Une autre raconte qu'elle a dû, il y a quelques jours, fuir le bombardement de Gérone et, à pied, dans la neige,

elle est arrivée à la frontière et a passé trois jours en chemin de fer.

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La vaccination terminée, tout le monde remonte en wagon pour prendre ses bagages et la laborieuse répartition, par familles, commence.

 

Les 111 arrivants montent dans des autocars qui vont les conduire à Porspoder, Guissény, Landéda, L'Aberwrach, Kersaint-Plabennec, Saint-Pierre-Quilbignon et Bertheaume.

 

Ceux destinés à Porspoder vont, rue de la République, passer sous la douche, ceux de Bertheaume, au Pilier-Rouge.

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Le garçonnet de 15 ans, parlant le français, arrivé par le premier convoi et conduit à la colonie de Beauséjour, est venu à la gare pour servir d'interprète à ses compatriotes. Nous lui demandons s'il est satisfait de son séjour, au Conquet :

 

— Ah ! dit-il, quelle différence avec l'Espagne.

D'abord, chez vous, il n'y a pas la guerre et quand on entend une sirène ou un avion, on n'a pas besoin d'avoir peur.

Ensuite, on mange à sa faim.

Pensez donc, ce matin nous avons eu une excellente soupe, un rôti de veau succulent, des frites dorées et du dessert,

et tous les jours le menu varie.

On peut s'en fourrer jusque-là, plus de restrictions !

Il y en a même qui mangent trop après de longs mois de privation et sont obligés de déverser le trop plein.

On va être, s'ils continuent, a dit le docteur, obligé de les rationner.

 

Tout le monde est content.

On est bien couché.

Des colis de linge arrivent chaque jour, envoyés par des personnes charitables.

 

Tout le monde est bien reconnaissant aux Français de ce qu'ils font pour nous et nous les remercions de tout notre cœur.

 

Les moteurs des autocars pétaradent et le convoi se met en route, en attendant un nouveau contingent dont l'arrivée prochaine est annoncée.

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