top of page

Fenêtres sur le passé

1939

La fugue d'une fillette de 15 ans
 

La fugue d'une fillette de 15 ans 21 fev 1939.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 21 février 1939

 

Samedi dernier, M. Douguet, propriétaire à Térénez, en Rosnoen, signalait à la brigade de gendarmerie du Faou la disparition de sa fille Suzanne, âgée de 15 ans, élève dans un établissement scolaire de Brest.

 

Des renseignements recueillis, il semble que la jeune fille, dont le travail avait laissé à désirer, se montra très affectée quand elle connut les notes qui lui avaient été données.

 

Jeudi matin, après avoir passé rue Yves Collet, dans la Pension de famille où elle logeait, elle se présenta chez M. Saliou, marchand de cycles, rue Anatole France, y loua un vélo et prit la route du Faou.

 

Elle s'était munie de quelques objets de lingerie qu'elle avait renfermés dans un panier en osier qu'elle attacha sur le guidon de son vélo.

​

Quimerch entrée du bourg.jpg

​

Le soir, vers 14 heures, elle fut aperçue sur la route du Faou à Térénez, près de Gouarimic,

mais au lieu de poursuivre son chemin vers le domicile de ses parents, elle fit demi-tour après avoir causé

à plusieurs personnes qui la connaissaient.

 

Vers 15 heures, elle fut aperçue près de Toulahoat-Brigant par M. Pouliquen.

À 16 heures, elle s'arrêtait à Quimerch, au débit Kernéis, où elle but une limonade.

Depuis, plus de nouvelles.

 

On suppose que la jeune fille, n'osant pas rentrer chez ses parents, s'est dirigée vers Lorient, où elle a de la famille.

 

Toutes les brigades de gendarmerie ont reçu son signalement : 

Taille. 1 m. 40 environ ; cheveux châtains, coupés à la Jeanne d'Arc ; sourcils très marqués ; nez petit ; yeux gris.

 

Elle portait au moment de sa disparition :

Un manteau bleu marine, une robe en tricot marron, un imperméable à capuchon de même couleur, des bas de sport, voyageant en vélo.

 

M. et Mme Douguet, très inquiets, prient les personnes qui pourraient fournir des renseignements sur le passage de leur fille de vouloir bien les aviser.

​

 

Source : La Dépêche de Brest 22 février 1939

​

Avis de Recherche et Film " Les disparus de Saint-Agil " à l'affiche sur Brest cette semaine là

​

Fugue fillette _ Suzanne Douguet.jpg
Les Disparus de Saint Agil 22 février 1939.jpg
La fugue d'une fillette de 15 ans 24 fev 1939.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 24 février 1939

 

On conçoit l'inquiétude des parents de cette fillette de 15 ans, dont nous avions annoncé la disparition,

il y a une semaine.

Depuis on était sans nouvelles de Suzanne Douguet et on craignait le pire quand, hier matin,

l'enfant fut retrouvée à Rosporden.

 

Élève à l'école pratique de jeunes filles, où elle était entrée très jeune, Suzanne Douguet avait dû redoubler la classe de troisième année.

La directrice, Mlle Doyen, et les professeurs s'intéressaient a cette fillette, ne portant pas plus de douze ans, bien qu'elle en eût quinze, et l'encourageaient à travailler

 

De bons résultats avaient été obtenus mais depuis son entrée en deuxième année, depuis trois mois surtout l’enfant travaillait moins.

 

La semaine dernière, ses notes, n'étaient pas brillantes.

On lui fit quelques remontrances, sans sévérité cependant.

 

L'enfant avait un caractère assez sombre et assez « renfermé ».

Elle ne se plaignit pas, ne laissa percer aucun dépit et rien dans son attitude ne pouvait laisser prévoir la détermination quelle avait déjà dû prendre.

 

Suzanne Douguet était en pension rue Yves Collet, une pension pour grandes personnes où cette enfant n'était évidemment pas surveillée comme dans un pensionnat.

L'attention des parents avait d'ailleurs été attirée sur ce point.

​

Route du Faou à térénez.jpg

​

Dimanche, Suzanne Douguet avait passé l'après-midi au cinéma du Foyer du soldat.

Elle avait dîné à la pension, heureuse, disait-elle, d'avoir pu embrasser son frère, plus jeune qu'elle de deux ans,

élève au lycée.

 

Lundi, elle se rendit en classe avec sa petite amie Jeannette.

 

Elle déjeuna, comme chaque jour, à la cantine de l'école et rentra dîner le soir à la pension.

 

Mardi, elle alla en classe le matin, mais à 11 h. 30, au lieu d'aller déjeuner à la cantine, elle rentra à la pension et s'enferma dans sa chambre.

 

À l'école, on fut surpris de son absence le mercredi.

Dans l'après-midi on se rendit à la pension.

Suzanne Douguet était toujours enfermée à clef dans sa chambre et n'ouvrit qu'a son amie Jeannette, après que celle-ci eut longuement parlementé à travers la porte.

​

Route du Faou à térénez 2.jpg

​

Le soir, Suzanne avait quitté sa chambre et ne rentra pas de la nuit.

On l'aperçut, le jeudi matin, près de l'octroi.

Elle prétendit avoir une course à faire.

 

Elle se rendit chez M. Saliou, marchand de cycles, rue Anatole France, et loua une bicyclette pour aller, prétendit-elle, passer les vacances des Gras chez ses parents habitant à Térénez, à cinq kilomètres du Faou.

 

Vers 14 heures, on la vit près de Gouarimic, sur la route du Faou, mais au lieu de se rendre chez ses parents, elle se dirigea vers Quimerch, où elle but une limonade au débit Kernéis, vers 16 heures.

 

Depuis on avait perdu sa trace.

Une lettre de la directrice de la pension avait prévenu les parents de la disparition de la jeune fille, après que l'on eût constaté qu'elle ne s'était pas réfugiée chez sa sœur Christiane, habitant le quartier avec une amie.

​

Fugue fillette _ Suzanne Douguet 2-001.jpg

​

M. Douguet, retraité de la marine, et sa femme habitent avec leur fils une coquette maison isolée à Térénez,

près de la rivière, non loin du mouillage des bâtiments de guerre.

 

Affolée, la pauvre mère vint à Brest courut à la pension, puis chez la directrice de l'école.

On ne put lui fournir aucun renseignement susceptible d'aiguiller ses recherches.

Elle n'eut que la ressource de signaler la disparition de sa fille à la gendarmerie.

 

Le signalement de la fugitive fut diffusé dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats de police,

mais la petite Suzanne restait introuvable.

​

Une future championne.jpg

​

Hier matin, vers 10 heures, le maréchal des logis-chef Lagadec et le gendarme Guellec, de la brigade de Rosporden, faisaient une ronde sur la route nationale, quand ils virent une fillette à bicyclette, venant de la direction de Lorient, se dirigeant vers Quimper.

 

Grâce à la photographie publiée dans la Dépêche, nous dit le maréchal des logis Lagadec, je la reconnus tout de suite.

Son signalement répondait exactement à celui donné :

Taille, 1 m. 40 ; imperméable marron, bas de sport.

 

Nous l'arrêtâmes.

Elle ne fit aucune difficulté pour reconnaître qu'elle était bien Suzanne Douguet, de Térénez.

 

Nous la conduisîmes à la brigade et lui donnâmes à manger.

Elle dévora les aliments avec avidité et très polie, nous remercia gentiment.

​

Route du Faou à térénez 3.jpg

​

Par téléphone, nous avions prévenu nos collègues du Faou pour qu'ils avertissent les parents que leur fille était retrouvée.

 

À nos questions, la petite nous confia qu'elle avait roulé à l'aventure.

Avec la quinzaine de francs qu'elle possédait, elle avait acheté en cours de route des petits pains pour ses repas et elle passait les nuits à la belle étoile.

 

Elle avait été ainsi au-delà de Vannes et ce matin elle avait fait une cinquantaine de kilomètres, venant de Lorient, aussi était-elle exténuée et ne paraissait pas trop mécontente que nous ayons interrompu sa randonnée.

 

— Mais pourquoi avez-vous fait cette fugue ? Lui demandai-je.

— Je ne voulais plus rester à l'école où je m'ennuyais.

 

— Alors, pourquoi ne pas rentrer chez vos parents ?

— J'ai eu peur d'être grondée.

​

Au Faou.jpg

​

À midi, les gendarmes du Faou recevaient de Rosporden le coup de téléphone les prévenant que Suzanne Douguet était retrouvée.

 

Ils se hâtèrent d'apprendre l'heureuse nouvelle aux parents et ceux-ci s'empressèrent de partir dans l'auto

de M. Thomas, marchand de vins, pour, accompagnés du frère aîné et de la sœur de la fugitive,

aller chercher l'enfant prodigue.

 

À 16 h. 30, ils arrivaient à Rosporden.

Suzanne tomba, en larmes, dans les bras de sa maman qui la couvrit de baisers.

Elle avait eu si peur de la perdre qu'elle ne songeait guère à gronder la fillette qui promit de ne pas renouveler

un exploit... sportif — 200 kilomètres à bicyclette, le ventre creux — mais qui avait causé bien du chagrin et des tourments à ses parents.

​

bottom of page