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Fenêtres sur le passé

1939

Du Créach à la pointe de Pern
Devant Nividic inaccessible

 

Du Créach à la pointe de Pern.jpg

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Source : La Dépêche de Brest 2 mars 1939

 

Le noroît souffle en tempête.

L’Enez Eussa fonce dans la vague.

Non pas bien sûr avec son allure des croisières d'été, mais tout de même il marche bon train.

 

Franchir le goulet dans ces conditions n'est pas toujours chose agréable, surtout quand on redoute le mal de mer.

Les vagues s'écrasent sur le flanc du navire et giclent sur le pont.

L'eau roule entre les jambes des passagers, selon les fantaisies de la houle.

 

Mais la tenue en mer du « courrier » est de celles qui donnent confiance à qui ne serait rassuré par l'attitude placide du capitaine Penaud dont on connaît la grande valeur professionnelle.

 

Enfin voici doublée la Pointe Saint-Mathieu et l'accalmie relative d'une escale au Conquet.

On file à présent sur Molène.

Nouvelle escale.

 

Le navire fait route sur le Stiff.

La baie de Lampaul n'est guère indiquée aujourd'hui.

Encore un coup de tabac pendant la traversée du Fromveur et nous voici au but.

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Canot de Sauvetage de Lampaul.jpg

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La mise en service de la nouvelle lanterne du Créach a attiré vers Ouessant journalistes et cinéastes.

Nous avons, hier, répété ce qu'était la puissance de ce feu qui balaya Paris de ses puissants rayons durant l'Exposition dernière.

 

La mise en marche officielle de la nouvelle lanterne était prévue pour le 1er mars ;

elle était donc allumée mardi soir avec autant de simplicité que tous les jours dès le crépuscule.

 

Certes, le cadre du Créach dressé sur un haut promontoire, peut avec ses rochers géants prêter à bien des développements littéraires, mais quand on a cru pouvoir, là, situer une imposante cérémonie, cela ne suffit pas.

 

Et les confrères se sont tournés vers une autre pointe de l'île, celle de Pern où se produisirent tant de tragiques naufrages.

Poussée très loin dans le sud-ouest de l'île, elle se prolonge par une infinité d'écueils.

 

En dépit de la puissance du Créach, on avait résolu de planter là aussi un feu sur le plus éloigné de ces récifs : Nividic.

L'entreprise était audacieuse.

 

Précisément vers ce point se conjuguent les violents courants du Fromveur et du Florus.

Il en résulte des remous qui ne permettent guère d'accoster souvent cette roche et surtout d'y entreprendre des travaux.

 

La tâche fut longue, patiente, obstinée.

Quand les soubassements de la tour furent établis, on tendit un câble sur des pylônes dressés au sommet de trois roches jalonnant la distance entre l'île et Nividic.

Ainsi put-on désormais transporter à pied d'œuvre personnel et matériel.

 

Et un soir une étoile nouvelle brillait dans le firmament embrasé d'Ouessant.

Sur une tour solide comme celle d'un phare, resplendissait le feu de Nividic qu'alimente par câble aérien la centrale électrique du Créach.

 

Ici point de gardiens.

La visite de la lanterne se fait à l'aide d'un câble épais auquel est suspendue une chaise mobile.

 

La voilà bien l'excursion impressionnante qu'il convenait de faire pour assurer la vigueur d'un « papier ».

Les journalistes se précipitèrent.

Ils n'hésitent jamais, eux, quand il leur faut remplir une mission.

 

Mais à la Pointe de Pern le vent fait rage.

La mer écume.

Les vagues se brisent sur les roches.

En des rejaillissements exacerbés elles atteignent les câbles.

Comment tenir dans un pareil déchaînement !

 

Des confrères voudraient cependant tenter la traversée.

Mais sagement, instruits par tant d'exemples, les techniciens qui ont appris la valeur réelle des impossibilités s'y opposent.

 

Et tandis que le vent continue de rugir et les flots de manifester leur violence il faut battre en retraite et revenir vers l'Enez Eussa.

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Nividic.jpg

© 2018 Patrick Milan. Créé avec Wix.com
 

Dernière mise à jour - Mars 2022
 

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