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Fenêtres sur le passé

1939

Un convoi de 100 nouveaux réfugiés espagnols
est arrivé à Brest

Un convoi de 100 nouveaux réfugiés espagnols.jpg

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Source : La Dépêche de Brest 4 février 1939

 

Entassés dans deux wagons de la compagnie du Midi, cent deux nouveaux réfugiés arrivaient hier,

à midi trente, en gare de l'État.

 

Ils étaient attendus par MM. Morel, sous-préfet ;

Lullien, premier adjoint ;

Parent, adjoint ;

Belin et Simon, conseillers municipaux ;

Guillard, secrétaire général de la sous-préfecture, et Lottiaux, secrétaire général de la mairie ;

Canévet, adjoint au maire de Lambézellec ;

Berthelot, secrétaire départemental des syndicats confédérés, etc.

 

MM. Hornez, commissaire divisionnaire de police spéciale ;

Courtin, commissaire central ;

le capitaine Meinier, commandant la gendarmerie départementale, dirigeaient le service d'ordre, composé d'agents cyclistes, gardiens de la paix, gendarmes et gardes mobiles.

 

Mme Laulaigne, présidente de la Société des blessés militaires et ses dévouées infirmières recevaient les instructions du docteur Mignard, chargé de procéder à la vaccination antivariolique des arrivants.

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Mme Boulais et Mme Chabal, présidente et vice-présidente de l'Union des femmes françaises, s'apprêtaient à distribuer, aux malheureux affamés, potage chaud, sandwiches et bananes, fournis par le buffet de la gare.

 

Quand le train entre en gare, des visages hâves et souffreteux apparaissent aux portières.

Par groupes de vingt-cinq, comme la première fois, encadrés des infirmières, les réfugiés sont conduits à l'infirmerie de la gare, où le docteur Mignard procède à leur vaccination et à un rapide examen de leur état.

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Les réfugiés arrivés hier sont dans un état pitoyable.

Ils sont plus mal en point que ceux du premier convoi.

Il y a plus d'enfants, pas de vieillards, mais quelques jeunes gens maladifs.

 

Le temps est maussade, un brouillard glacé rend l'arrivée plus triste et, à peine vêtus, ces femmes et enfants, fatigués par un long voyage, la plupart jambes nues et chaussées de mauvaises espadrilles, grelottent.

 

Avidement, ils absorbent le potage brûlant qui leur est distribué.

Les enfants mangent gloutonnement sandwiches et bananes et il faut que, maternellement, une infirmière modère la fringale d'un petit garçon qui, mordant successivement au sandwich qu'il tient d'une main et à la banane qu'il a de l'autre, ne prend pas le temps de mâcher et avale trop rapidement dans la crainte sans doute,

qu'on lui retire les aliments.

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je ne veux pas me séparer de mes enfants.jpg

 

On assiste à des scènes lamentables.

 

Épuisée, malade, une pauvre femme ne peut quitter le coin du wagon où elle est accroupie.

Le docteur Lemoyne décide de l'envoyer à l'hôpital. On fait appel à l'ambulance municipale.

 

Elle refuse de quitter le wagon :

« Je ne veux pas aller à l'hôpital, traduit-on, sans mes enfants.

Je ne veux pas que l'on m'en sépare. »

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malade avec enfant.jpg

 

Elle a cinq petits.

On les cherche.

D'autres femmes les ont pris sous leur protection.

En pleurant, ils viennent embrasser leur mère, qu'un ambulancier a pris dans ses bras pour la descendre du wagon sur un brancard, où on la couche.

Mais la malade se défend si bien que l'on consent à lui laisser le plus petit de ses enfants, un bébé de dix-huit mois.

 

Farouchement, la femme le serre contre elle sous la couverture du brancard, que deux ambulanciers déposent dans la voiture, pendant que, cédant à la faim, ses autres enfants sèchent leurs larmes et se décident à manger, à demi consolés par les personnes charitables qui s'efforcent de calmer le chagrin d'une séparation que tout le monde souhaite de courte durée.

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le coq et le petit garçon.jpg

 

Un petit garçon, de sept ou huit ans, a dans les bras un superbe coq de petite race.

Il ne le quitte pas et ne l'a pas lâché depuis Barcelone.

 

Le volatile semble reconnaissant à son petit maître.

Il lui dispute le pain qu'il mange avidement et en picore des miettes jusque dans sa bouche.

Le petit sourit de plaisir.

En vain, on essaie de lui faire poser son compagnon.

Il s'y refuse énergiquement.

Il serait cruel d'insister.

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Le récit d'une réfugiée.jpg

 

M. Leixa, marchand forain, vient d’arriver avec ses deux filles.

Comme dans le convoi aucun Espagnol ne connaît notre langue, tous trois servent complaisamment d'interprètes.

 

Deux femmes, la mère et la fille ont de superbes manteaux, trop amples et trop longs, de faux astrakan. Mlle Leixa veut bien traduire leur récit:

 

— Nous avons, il y a quelques mois, disent-elles, été évacuées de Madrid.

Depuis, au fur et à mesure de l'avance de l'armée nationaliste, nous avons, peu à peu, été refoulées jusqu'à Barcelone.

 

Là, nous avons subi de nombreux bombardements par avions.

Nous avons échappé à la mort, mais voyez cette femme qui porte un bandeau sur l'œil, une bombe est tombée si près d'elle avant le départ, que la terre a été soulevée et qu'elle a reçu un caillou qui lui a cruellement tuméfié la paupière.

 

Tantôt à pied sous la pluie, tantôt en camion, nous avons mis onze jours pour gagner la frontière française.

Enfin, nous sommes arrivées à Cerbère et avons pris le train à Port-Bou.

Nous avons passé 48 heures dans ce wagon.

Vous voyez dans quel état de malpropreté !

Nous voilà enfin ! au but de notre voyage.

 

Nous sommes très reconnaissantes, mes malheureuses compagnes et nous, de l'accueil que nous avons reçu en France.

Nous avons mangé depuis que nous sommes sur la terre française à notre faim, car, en Espagne, il fallait nous contenter le plus souvent de maigres rations de pois chiches et d'un maximum de 150 grammes de pain par Jour.

 

Pendant onze jours, quand il n'y avait plus de place dans les maisons où nous faisions halte pour prendre un peu de repos, nous dormions sur le bord des chemins.

Quelle délivrance en foulant votre sol hospitalier !

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Les enfants mangent de bon appetit.jpg

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Mlles et M. Leixa sont d'un secours précieux pour grouper les membres d'une même famille et quand ce laborieux travail est fait, que tous les réfugiés, avec leur maigre bagage, sont sur le quai, les autocars arrivent :

40 sont envoyés à Beauséjour, 39 à Bertheaume, 13 à Saint-Renan et le surplus à Plouguerneau

 

Un autre contingent de réfugiés est encore attendu très prochainement.

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