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Fenêtres sur le passé
1939
Les bancs huîtriers de la rade de Brest
par Charles Léger

Sources : La Dépêche de Brest 29 mars 1939
La richesse de la rade de Brest en gisements coquilliers est un fait depuis longtemps reconnu.
Les plus récentes explorations l'ont une fois de plus démontré.
Mais qu'eût-ce été si les principaux intéressés s'étaient bornés à l'exploiter rationnellement ?
De jour, de nuit surtout les huîtrières sont draguées avec un acharnement qui a ruiné plusieurs d'entre elles et cependant on peut encore constater certaines reconstitutions.
Evidemment, une surveillance s'exerce ;
la vedette garde-pêche Elorn, patron Porsmoguer, s'emploie avec toute son activité dans ce but, mais la tâche est difficile.
Les bancs sont dispersés aux quatre coins de la rade, le nombre des dragueurs est considérable et beaucoup d'entre eux disposent aujourd'hui de moteurs.
En hâte, on embarque tout ce que l'on ramasse pour aller opérer un tri sur un point isolé de la côte.
Les coquilles vides, si précieuses sur les bancs où elles remplissent le rôle de collecteurs, le naissain, tout est abandonné à terre, ce qui amplifie singulièrement la dévastation.
Nous allons faire le tour de la rade en examinant un à un les bancs huîtriers qui, après avoir été complètement ruinés il y a vingt ans, dans les conditions que l'on sait, se sont peu à peu reconstitués.

Voici dans l'Elorn, le banc de Saint-Jean qui s'étend à 500 mètres en amont et 500 mètres en aval de la tourelle Saint-Jean.
Les fraudeurs y ont opéré avec acharnement et cependant comme le dragage était laissé libre sur tous les bancs, le 20 octobre dernier, de 11 h. à 16 h., 130 bateaux à voiles et à moteur des quartiers de Brest et de Camaret sont parvenus à recueillir chacun de 300 à 600 kilos d'huîtres.
Ceci indique, certes, une sérieuse vitalité mais il conviendrait de se souvenir de l'exemple de la moulière voisine.
À 800 mètres en amont de la tourelle Saint-Jean se trouvait un banc de moules très important, celui de Beau-Repos.
On le ratissa avec une telle frénésie que depuis vingt ans il n'y reste plus rien.
Le banc huîtrier de Daoulas, situé en la rivière du même nom, assèche malheureusement aux grandes marées, c'est dire avec quelle facilité on le pille.
Aussi au cours du dernier dragage autorisé on ne s'empressa guère de ce côté.
Les quelques barques qui s'y rendirent ramenèrent tout au plus une centaine de kilos.
À l'entrée de la rivière du Faou, entre Tibidy et l'île d'Arun s'étend le banc de Prioly.
Bien réduit également celui-là, à telle enseigne que les dix bateaux qui y vinrent en octobre l'abandonnèrent au moment du flot pour faire route sur Trégarvan.

Ici, dans l'Aulne, le banc se trouve situé entre le pont de Térénez et le passage de Dinéault.
En bon état, il permit aux dix équipages déçus de Prioly de récolter en peu de temps de 100 à 150 kilos.
Là aussi existent des moulières importantes.
Les dragages étaient opérés par un maximum de 20 bateaux désignés par voie de tirage au sort.
Mais depuis trois ans cette limitation a été supprimée.
Seuls sont interdits les dragages au moteur.
Autre banc d'huîtres à Landévennec près du Sillon des Anglais, mais très peu étendu et pas abondant.
Au Poulmic était un banc très riche.
À l'époque des dragages à outrance, pendant et immédiatement après la guerre, un bateau pouvait quotidiennement y recueillir jusqu'à trois tonnes d'huîtres.
Evidemment il lui fut impossible de supporter longtemps un pareil rythme.
À présent il est très appauvri, mais du fait de la création de la base aéronautique, l'accès de la baie est interdit aux dragueurs.
Dans ces conditions, on peut espérer une reconstitution du banc qui, cependant, ne formerait plus qu'une réserve.
Ce qui démontre mieux l'importance des ressources de la rade, explorée par tant de pêcheurs, c'est que l'on a découvert de nouveaux bancs huîtriers.
Le premier est situé à un kilomètre environ en aval du banc de Saint-Jean ; depuis le quai de Saint-Nicolas jusqu'à la pointe du Dreff.
Son existence fut révélée par des marins qui péchaient la crevette au chalut.
On y a recueilli de belles huîtres de trois et quatre ans.
L'autre banc était découvert au début du mois courant en baie de Roscanvel.
Il s'étend de l'île des Morts à Quélern.
Il comprend des huîtres assez grosses mais peu de naissains actuellement.
Il y avait eu à quelque distance, plus au nord, une huîtrière que des dragages trop intenses avaient ruinée.
La zone qu'elle occupait avait, par suite du déclassement, été livrée à la pêche du goémon.
Et cela est bien fait pour démontrer la valeur des eaux de notre rade.
Les ostréiculteurs l'ont si bien compris et constaté que le nombre de leurs parcs se multiplie aux abords de tous les estuaires.
