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Fenêtres sur le passé
1938
La rentrée des nouveaux élèves
à l'École des pupilles de la Marine
Source : La Dépêche de Brest 13 octobre 1938
En raison des graves événements du mois dernier, l'école de la Villeneuve fut occupée par les recrues
pour faire de la place aux réservistes, à la caserne du 2e dépôt. Les vacances des pupilles furent prolongées
et la rentrée fixée au 22 octobre.
Le calme étant provisoirement rétabli, la date de rentrée des nouveaux fut fixée au 10, comme dans les autres établissements scolaires et, depuis lundi, la Villeneuve a retrouvé une partie de son activité coutumière.
Le nombre de jeunes élèves appelés est, cette année, quelque peu supérieur à celui des années précédentes.
Il a été fixé à 297.
La plupart, des Bretons, sont arrivés depuis lundi.
Mardi, ce furent ceux de la région parisienne, de l'Est et les Alsaciens.
Hier, on attendait 35 jeunes gens venant de la Corse et de l'Algérie.
Dès leur arrivée, ces jeunes garçons de 13 à 15 ans passent une très sérieuse visite médicale.
Une vingtaine ont dû être éliminés.
Il leur a fallu, la mort dans l'âme, reprendre le train pour rentrer dans leur famille.
Les autres, petits gars bien bâtis et trapus, ont une constitution robuste et l'ensemble est très supérieur
aux contingents précédents, enfants plus chétifs, nés pendant la guerre, qui souvent furent victimes de privations.
La visite passée, les « bons pour le service » ont été immédiatement conduits au magasin d'habillement
pour recevoir les vêtements et le linge, soigneusement préparés par Mme Mallégol.
Elle en a vu défiler, depuis 35 ans qu'elle est employée à l'école comme lingère, des générations de gosses,
Mme Mallégol.
Elle aime tous ces gamins et les entoure de soins maternels.
C'est avec joie qu'ont revêtu leur nouvel uniforme tous ces futurs marins, sous l'œil attentif de leurs instructeurs
leur apprenant à s'habiller correctement, rectifiant leur tenue et exigeant que le bonnet à pompon rouge
portant sur le ruban : « École préparatoire de la marine » ne fût pas mis « en casseur d'assiettes ».
Beaucoup étaient venus seuls.
Des officiers-mariniers les attendaient à la gare et les conduisirent, en autocars, à la Villeneuve.
D'autres étaient accompagnés de leurs parents.
La séparation fut parfois pénible. Les mamans retenaient leurs larmes.
Que de recommandations à leur petit avant de le quitter :
« Tu seras bien sage ; tu travailleras bien ; tu nous écriras souvent ».
On présentait au capitaine de frégate Plessis, commandant l'école, l'enfant sur lequel la maman
ne tarissait pas d'éloges ;
on le recommandait à l'abbé Le Bihan, l'aumônier.
Tous deux s'efforçaient de rassurer les parents.
Mais, les mamans disparues, les enfants jouaient déjà, insouciants, avec leurs nouveaux camarades.
De ces scènes attendrissantes, la plus typique fut, sans doute, celle-ci :
Du Pouliguen, son fils étant malade, un vieux grand-père de près de 80 ans avait tenu à venir conduire
à la Villeneuve son petit-fils.
Arrivé trop tard, mardi, l'enfant ne passa la visite qu'hier matin.
Très inquiet, son grand-père dut louer une chambre dans un hôtel de Brest où il passa une fort mauvaise nuit.
Il se rendit à la gare dès la première heure et attendit impatiemment une voiture allant à la Villeneuve
où on lui permit de prendre place.
Il y arriva de bon matin et eut la satisfaction d'apprendre de la bouche de son petit-fils qu'il venait d'être reçu.
Il fallait voir la joie débordante du grand-père:
— Je savais bien qu'il serait pris, disait-Il.
J'ai 78 ans et n'ai jamais été malade.
J'ai eu quatre enfants.
Ils sont tous quatre vivants.
Je me suis marié à 23 ans.
Nous avons fêté il y a quatre ans, ma femme et moi,
nos cinquante années de mariage sans nuages, nos noces d'or.
J'ai onze petits-enfants et onze arrière-petits-enfants.
Celui-ci, mon petit Jean, est très fort pour ses quatorze ans.
Tâtez ses bras...
II a eu à 11 ans son certificat d'études.
Il n'a quitté l'école que pour venir ici et il travaillait bien.
Figurez-vous qu'il nous a fabriqué un bateau de guerre avec ses cheminées, ses canons, ses escaliers et tout, et tout.
C'était magnifique.
Avant de le quitter — le reverrai-je ? — Je lui ai bien recommandé d'être soumis et de bien travailler
pour donner satisfaction à ses chefs.
Il me l'a promis.
Il tiendra parole.
Je suis certain, voyez-vous, qu'il fera son chemin dans la marine.
C'était sa vocation...
Attendri, le brave grand-père Jette, en s'en allant, un dernier regard sur l'école où son petit-fils
va faire ses premières armes et s'en va à regret.
Habillés depuis la veille, près de deux cents futurs matelots ont commencé hier leur instruction militaire.
Levés à 6 heures, après avoir plié draps et couvertures au pied de leur lit, nus jusqu'à la ceinture,
ils ont procédé à leurs ablutions aux lavabos et déjeuné d'une bonne tartine de pain et confiture
arrosée de café au lait.
Après à 7 heures 15, placés tant bien que mal par rangs de trois, un second-maître les a amenés sur l'esplanade, près des superbes terrains de jeux où, chaque matin, ils feront de l'éducation physique et de la gymnastique aux agrès.
Sur le sommet du coteau dominant l'étang, où ils apprendront à se servir des embarcations encore remisées
sous les hangars, ils respirent l'air à pleins poumons, un air pur et vivifiant.
À leur pied, le village de Penfeld et, là-bas, les maisons de Guilers tout illuminées par un rayon de soleil.
Animés d'un excellent esprit, avec une évidente bonne volonté,
les nouveaux écoutent les conseils et les principes que leur dispense patiemment un jeune second-maître, ancien élève de l'école.
Il leur inculque les rudiments de l'école du soldat.
Les commandements :
« garde à vous et repos » alternent.
L'instructeur rectifie les positions défectueuses.
Puis, il commande des « à droite » et des « à gauche »
que quelques étourdis exécutent à contre sens.
En comptant à pleine voix :
« une, deux, une, deux », ils apprennent à marcher au pas cadencé.
Quelques-uns comptent bien « un » sur le pied droit,
mais c'est la première leçon.
Le second-maître se dit satisfait.
— Ce n'est pas mal, dit-il, encourageant.
Si vous faites attention, il ne me faudra pas plus de huit jours
pour vous apprendre à mettre l'arme sur l'épaule.
C'est bientôt l'heure du déjeuner.
Le groupe revient joyeux vers le réfectoire où l'attend un copieux menu.
Source : La Dépêche de Brest 14 octobre 1938
L'emploi du temps prévu ne put être suivi hier, en raison du mauvais temps.
Les jeunes élèves de l'École préparatoire arrivés depuis le début de la semaine,
furent réunis dans les chambres où on leur apprit à plier réglementairement leurs effets et à les ranger.
Dans les salles d'école, ils firent ensuite une composition pour permettre de les classer dans les différents cours confiés à neuf instituteurs, secondés par dix instituteurs militaires, faisant leur service dans la marine.
Leur instruction militaire fut ensuite poursuivie par des théories sur la hiérarchie
et les marques extérieures de respect.
Pendant ce temps, visitons les cuisines où règne la plus grande propreté.
Des machines à éplucher les légumes, à hacher la viande simplifient le travail des aides-cuisiniers.
Autour d'un grand fourneau, sous la surveillance du maître-commis et d'un second-maître coq,
les cuisiniers s'affairaient hier depuis le matin, à préparer le menu.
Pendant que les uns coupaient en tranches le saucisson, d'autres mettaient au four le rôti de porc frais.
Dans de vastes récipients, les frites savoureuses, en s'égouttant, devenaient croustillantes et dorées.
D'appétissants gâteaux étaient rangés sur des assiettes pour le dessert et le percolateur ronflait, préparant le café, complément de ce substantiel déjeuner.
Que les mamans soient rassurées.
Leurs enfants sont bien nourris à la Villeneuve.
Les cuisines sont minutieusement surveillées par le commandant de l'école qui, chaque jour, goûte les plats, toujours abondants et varies, servis à ses jeunes pensionnaires.
Vous voulez connaître le menu d'hier soir jeudi ?
Le voici :
Soupe aux légumes, sardines à l'huile, bœuf sauce Robert, pommes anglaises et bananes.
Enchantés du premier contact avec l'école, après avoir fait leur lit, tous ces jeunes gens, déjà bons camarades, s'endorment le soir en songeant que le métier de mousse est fort agréable.
Si, pendant huit jours encore, jusqu'à l'arrivée des anciens, on se contente de « dégrossir » les nouveaux,
il leur faudra travailler, à partir du 22, et l'emploi du temps sera ainsi réglé :
À 6 heures, branle-bas. Toilette ;
à 6 h. 45, déjeuner ;
à 7 h. 15, appel ;
jusqu'à 8 heures, propreté des locaux ;
de 8 heures à 8 h. 30, gymnastique ;
de 8 h. 30 à 9 heures, casse-croûte.
À 9 heures, inspection des capitaines de compagnie ;
de 9 heures à 11 h. 30, classe ;
de 11 h. 30 à 13 heures, dîner et repos.
L'après-midi :
de 13 heures à 16 h. 15, classe ;
à 16 h. 30, casse-croûte (pain et chocolat) ;
de 16 h. 45 à 18 heures, étude ;
à 18 heures, souper :
de 18 h. 45 à 20 h. 30, étude ;
à 20 h. 30, branle-bas.
Comme on le voit, les journées seront bien employées.
Puisque nous sommes à la Villeneuve, peut-être est-il intéressant de rappeler
comment ces terrains devinrent la propriété de la Marine.
L'origine en est, croyons-nous, peu connue :
Le 31 mai 1767, M. Joseph Duplessis, négociant à Brest, proposa d'établir à ses frais, dans l'anse de la Villeneuve :
« Une forge à martinet pour convertir en fers neufs tous les vieux fers de la marine et un moulin à scies pour scier
tous les bois, bordages ou planches, employés dans le port ».
Les terrains nécessaires à cet établissement devaient être achetés par le roi, mais les prix d'acquisition devaient être remboursés par le soumissionnaire, qui se réservait pendant 20 ans, à partir du 1er janvier 1768, la jouissance
de l'usine et promettait d'opérer, à prix réduit, la transformation des vieux fers et le sciage des bois de la marine.
À l'expiration des vingt ans, l'établissement tout entier, avec ses accessoires: fonds, édifices, outils et matériel devaient revenir au roi en toute propriété et sans indemnité.
Cette proposition fut acceptée par le duc de Praslin, ministre de la Marine.
M. Choquet de Lindu dressa un plan des terrains jugés nécessaires, le 11 juillet 1767.
Le roi acquit pour 142 livres la Garenne-ar-Velin, d'une contenance de 28 cordes,
vendue par M. René Nicol le 25 juin 1770 et différents champs provenant de cessions consenties
par les seigneurs du Chatel et par dame Renée-Louise de Pennancoët de Keroualle, duchesse de Porsmouth, représentée en 1771 par le duc de Lauzun.
L'usine promise par Duplessis fut achevée le 31 mai 1770.
Deux ans après, le 1er mai 1772, sous le prétexte que cette usine ne suffisait pas aux besoins du port,
la Marine prenait possession, au nom du roi, de tous les établissements de la Villeneuve,
y fit des agrandissements considérables qui en changèrent l'aspect et un vaste étang fut formé,
dont les eaux recouvrirent une notable partie des terrains acquis.
En 1783, la Marine fit creuser un canal dans les marais de Bodonou, paroisse de Plouzané,
pour attirer dans l'étang quelques ruisseaux se dirigeant vers Saint-Renan.
Les établissements construits par Duplessis avaient été arasés et remplacés par de nouvelles constructions
pour abriter les forges, fonderies et laminoirs de l'arsenal.
De nouveaux terrains furent acquis en 1822 et en 1851.
Un mur d'enceinte fut édifié sur la rive méridionale de l'anse de la Villeneuve.
Que reste-t-il de ces constructions, qui comprenaient une boulangerie et des habitations pour les officiers ?
Pas grand-chose, sans doute.
On sait les différentes transformations que subit la Villeneuve avant de recevoir les pupilles de la Marine,
alors logés rue de la Mairie, qui cédèrent la place à l'école des mécaniciens,
aujourd'hui remplacée par la caserne Guépin.
Les pupilles, enfants de marins, pris dès l'âge de huit ans, furent supprimés.
Ce n'est aujourd'hui qu'à partir de l'âge de 13 ans que les élèves peuvent entrer, non plus à l'école des pupilles,
comme on persiste à l'appeler, mais à l'Ecole préparatoire de la Marine,
qui les « prépare » soit à l'école des mécaniciens, soit aux écoles de l'Armorique.