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Fenêtres sur le passé

1938

Quelques évasions des prisons de Quimper
 

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Source : La Dépêche de Brest 20 novembre 1938

 

Il est des murs qui semblent voués à une éternelle tristesse :

Leurs pierres ont été assemblées pour servir de cadre à ce que le romancier a appelé des « Maisons sans joie ».

 

Dégagées sur le vieux Champ-de-Foire, surplombant la rue Brizeux et l'étroit rectangle de la place Mesgloaguen, les vieilles murailles de l'actuelle maison d'arrêt expriment sourdement la continuité des misères qu'elles renferment depuis plusieurs siècles.

 

Vieil hôpital, jadis léproserie, Mesgloaguen, dont la valeur archéologique ne méritait pas l'avilissement que lui inflige la promiscuité des repris de justice, vit sous le signe de ces « maisons sans joie ».

 

Pendant de longues années, Mesgloaguen partagea avec le vieux couvent des Ursulines, édifié rue du Chapeau-Rouge, aux côtés de l'église Saint-Mathieu, la charge de loger les prisonniers.

En 1917 la maison de la rue du Chapeau-Rouge fut désaffectée.

Les quelques prisonniers perdus dans les larges pièces furent transférés à Mesgloaguen.

Des réfugiés, d'abord, des services publics, ensuite, s'y abritèrent.

Puis l'antique édifice fut rasé.

Les linteaux et les appuis des fenêtres furent transportés à Locronan.

 

À moins de vingt années d'intervalle, on imagine difficilement, à la place des nouvelles halles aux lignes résolument modernes, la vieille prison faisant pendant au corps de l'église Saint-Mathieu.

 

Les amateurs de vieilles maisons eussent été satisfaits, mais le besoin d'utiliser chaque pouce de terrain au cœur de la cité modernisée faisait de ces transformations une impérieuse nécessité.

 

Mesgloaguen devenait la seule prison de Quimper.

La suppression ultérieure de la maison d'arrêt de Châteaulin allait en augmenter l'importance, et accroître la tâche du gardien-chef et de ses adjoints, d'autant plus que la vétusté de l'établissement ne pouvait que faciliter les entreprises de trop hardis professionnels de l'évasion.

 

Des aménagements sont venus remédier à l'insuffisance de cette installation construite pour d'autres besoins.

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On procède actuellement à la construction d'un corps de garde, placé au centre du quadrilatère, qui facilitera la tâche continue des gardiens dont la vigilance a maintes fois étouffé dans l'œuf des tentatives d'escapades.

Dans la lutte qu'ils ont à livrer à l'ingéniosité des détenus, les gardiens ont à faire preuve d'une surveillance sans relâche et de méfiance.

Les annales quimpéroises relatent certaines évasions dont la moins originale, en raison des faits qui l'entourèrent et de la personnalité de l'intéressé, n'est pas celle de Le Cat, l'assassin de Yves-Marie Audren,

évêque constitutionnel du Finistère.

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Le 19 novembre 1800, la diligence de Quimper à Brest, où avait pris place l'évêque constitutionnel

Yves-Marie Audren, était attaquée à deux lieues de la ville par une douzaine de gens armés.

L'évêque était arraché de son siège et fusillé sur place après une courte résistance.

L'enquête fut vite aiguillée du fait des agissements d'un certain chef de bande « chouan », Charles-François Le Cat, appelé La Volonté, âgé de 24 ans et se disant écrivain à Quimper.

 

Son arrestation s'effectuait le 23 janvier dans une auberge de Pont-Aven, chez l'aubergiste Julien Le Bot.

Le Cat fut conduit à la maison d'arrêt de Quimper en attendant le jugement.

Mais quinze jours avant celui-ci, il disparaissait le 29 juillet 1801 et, selon le récit recueilli par M. Prosper Hémon dans sa biographie d'Yves-Marie Audren,

« il avait revêtu des habits de femme que lui avait procurés sa sœur admise à le voir, durant une absence du geôlier ».

 

Le tribunal, par contumace, le condamna à la peine de mort.

Mais Le Cat courait.

Le 15 décembre 1801, il était arrêté à Coray.

Voulant dégager sa sœur de toute responsabilité, il affirma être sorti en militaire, mais n'indiqua pas la façon dont il s'était procuré cette tenue.

 

Le tribunal spécial confirmant la première peine, le condamnait à mort le 28 décembre.

Le surlendemain, il était exécuté à 2 heures de l'après-midi.

Le concierge de la prison, coupable de négligence, était condamné à un an d'emprisonnement.

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Dans la nuit du 26 au 27 avril 1920, vers 2 h. 30 du matin, deux malfaiteurs dangereux, Alfred Barthet, 31 ans, originaire de Saint-Mandé, et Léon-Ladislas Le Péhive, 37 ans, originaire de Paris, s'évadaient en compagnie d'un forçat, Vincent Gouez, que les jurés du Finistère venaient de condamner à la peine perpétuelle pour incendies volontaires.

 

À l'aide d'un grelin destiné à faire de l'étoupe, ils étaient parvenus à forcer les barres de fer de la fenêtre.

Ils se rendirent dans le local où se trouvaient leurs vêtements, après avoir forcé la serrure à l'aide du manche d'une cuillère.

Pour escalader le mur, haut de cinq mètres, ils mirent bout à bout deux bancs et ils en franchirent le faîte.

L'alerte avait été donnée, mais le trio fuyait.

Deux évadés furent retrouvés, dont Barthet qui se fit appréhender à Forest-les-Bruxelles, en Belgique.

 

On note qu'à ce moment les 30 détenus étaient surveillés par un gardien-chef et deux gardiens, dont l’un était malade.

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« Francesco Boschi, dit l'Américain », jouissait auprès de ses compagnons d’infortune d'un grand prestige que lui valaient ses qualités de débrouillard.

 

Il n'eut pas la patience d'attendre le jugement du tribunal et, le 27 mars 1934, il décidait de prendre le large.

 

Il était 18 heures.

Occupé à l’atelier commun, il confectionna en toute hâte, a l'aide du rafia qui sert à la fabrication des semelles de sandales, une corde.

Puis s'aidant d'un banc — les bancs sont précieux pour les aspirants à l’évasion — il creva le plafond de la pièce.

Un autre prisonnier lui passa la tresse de raphia.

Il fit une brèche dans le toit mais l'alerte avait été donnée et « l'Américain » fut cueilli.

 

Deux jours plus tard, le tribunal correctionnel le condamnait à un an de prison.

Son complice, le manœuvre Barthélémy, se voyait infliger trois mois de la même peine.

 

Boschi était un professionnel malheureux de l'évasion.

Au cours de transferts à Châteaulin, il tenta de s'enfuir en retirant les vis de la glace de la voiture cellulaire.

À chaque voyage il occupait la même cellule.

Sur les huit vis, six avaient été enlevées à l'aide d'un minuscule tournevis qu'il avait fabriqué avec un clou.

Mais les gendarmes ne le laissèrent pas achever son travail.

 

Il fit bonne figure et il avoua :

« Si j'étais allé une fois de plus à Châteaulin, je ne serais pas revenu. »

 

Réclamé par le parquet de Pontivy, il tenta encore de s'enfuir, avec les chaînes, en faussant compagnie aux gendarmes qui l'escortaient dans le compartiment.

Mais il se blessa grièvement et il fut rattrapé aussitôt.

 

Pauvre « Américain » !

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