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Fenêtres sur le passé

1938

Le vieux Brest
La Melpomène

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Source : La Dépêche de Brest 20 novembre 1938

 

C'était un spectacle bien évocateur que celui qui s'offrait du grand pont, il y a seulement une trentaine d'années,

au passant que ne laissait pas insensible la belle histoire maritime de notre vieux port.

La nuit surtout accusait l'impression en noyant d'ombre les aménagements nouveaux des quais de la Penfeld.

 

La haute mâture de la frégate La Melpomène, issue des profondeurs imprécises avoisinant le quai de Brest,

se silhouettait dans la nue au-dessus des lignes médiévales du château de Brest.

 

C'était la fin de la voile dans notre marine militaire.

 

La Melpomène a laissé chez nous un souvenir doux et profond.

Elle représentait l'ultime survivance d'un passé glorieux.

 

Quand, après une campagne de cinq mois dans l'Atlantique, la frégate rentrait à Brest,

c'était un événement considérable.

Et ce n'était point seulement les familles des membres de l'équipage ou des élèves gabiers qui voulaient y assister, mais encore les vieux marins qui venaient rechercher là des impressions de jeunesse.

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Beau spectacle en vérité que cette frégate aux voiles frémissantes empanachant la ligne blanche de ses sabords de la fumée des 21 coups de canon de salut.

 

Et des hauteurs du cours Dajot ou des remparts de Recouvrance

on suivait à la jumelle les moindres évolutions du beau navire.

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À quelles terribles critiques étaient soumises les manœuvres dernières et quelles évocations de souvenirs personnels ne déterminaient-elles pas !

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La Melpomène avait les caractéristiques suivantes : longueur 53 m. 30, largeur 13 m. 84, creux 7 mètres,

déplacement 2.000 tonneaux, surface de voilure 1.769 mq, équipage 500 hommes.

Elle était armée de huit canons de 14 en batterie et de quatre canons-revolvers de 37 placés dans les hunes

et sur les pavois.

Elle fut mise en chantier à la fin de 1883 et lancée à Rochefort, le samedi 20 août 1887.

 

La Melpomène vint remplacer La Résolue, école des gabiers et timoniers.

 

Les apprentis gabiers, avant leur embarquement, étaient placés sur le ponton Saône.

Sur la frégate, ils étaient environ 200 répartis en quatre escouades commandées chacune par un lieutenant de vaisseau.

 

La Melpomène, en quittant Brest, son port d'attache, mettait généralement le cap sur Madère,

puis touchait Dakar, les Açores, Quiberon et revenait à Brest en septembre et en mars.

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Les jeunes gabiers, justement fiers d'un brevet laborieusement obtenu, organisaient le bal de la Saint-Épissoire,

l'un des plus célèbres de la salle de Venise.

On tenait à les fêter, car on connaissait bien les dangers de leur rude existence.

 

Supporter le balancement d'un navire soumis à toutes les inclinaisons imprimées par la fantaisie des vagues n'était rien alors.

Il fallait encore savoir grimper le long des mâts à des hauteurs vertigineuses et se glisser à bout de vergues, en dépit des oscillations les plus désordonnées.

 

Le gabier qui, sa vie durant, se livrait à ces acrobaties entre ciel et mer était le roi de l'équipage.

Le vent pouvait souffler, la mer écumer, la mâture gémir et s'ébrouer avec les pires violences, le gabier tenait bon.

Il le fallait, il le savait; une négligence, une faiblesse, et c'était pour lui la mort.

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Du pont montaient vers lui les modulations du sifflet de la manœuvre qui, en disciplinant ses gestes, réglaient la marche du navire.

L'existence était rude et le vieux chant plaintif en disait la grande cause :

 

Il vente...

C'est le vent de la mer

Qui nous tourmente...

 

Mais aussi le vent était l'unique moyen de propulsion du navire et le rôle du gabier avait l'importance de celui du mécanicien d'aujourd'hui.

Pour fournir des hommes de cette trempe il fallait une rude école.

La dernière en date fut La Melpomène.

 

Dès 1894, on réclamait le désarmement de la frégate, car, soutenait-on l'entretien de cette école devenait onéreux en raison du nombre élevé des instructeurs.

Et l'on ajoutait que si les gabiers ainsi formés étaient habiles dans la manœuvre des voiles sur les grands bâtiments,

ils se montraient généralement insuffisants dans la conduite des embarcations.

La Melpomène, en effet, partant pour d'incessantes campagnes ne faisait que de trop courts séjours sur rade pour permettre de former des patrons d'embarcations.

 

En 1903, le désarmement fut ordonné et les élèves placés sur des bâtiments ordinaires où ils trouvaient les ressources voulues pour apprendre à travailler les filins de chanvre et d'acier, la manœuvre des embarcations à voiles ou à vapeur, la manœuvre des ancres, à gouverner au compas, etc...

 

Ainsi, tour à tour, le Diderot, le Condorcet, le Voltaire formèrent des contingents de gabiers.

 

La corvette La Galatée était aussi un bâtiment école.

C'était une annexe du Borda et de l’Austerlitz.

On la voyait évoluer en rade d'où elle ne sortait guère.

Elle termina sa carrière avant La Melpomène.

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