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Fenêtres sur le passé

1938

La braderie de Brest

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Source : La Dépêche de Brest 11 septembre 1938

 

Du pont national à l'octroi de la rue, Jean Jaurès, une foule considérable n'a cessé de déambuler hier en rangs

de plus en plus pressés, du matin jusqu'au soir.

 

Dans les rues où la circulation avait été interdite aux voitures, les commerçants avaient sorti des comptoirs garnis

de marchandises sur les trottoirs.

Marchands forains et camelots s'étaient installés dans les intervalles laissés libres.

Les places de la Liberté et Anatole France leur avaient, en outre, été réservées.

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Bon enfant, la foule stationnait devant les étalages, s'amusant

aux alléchants boniments des vendeurs au milieu du bruit de haut-parleurs tonitruants ou du cri quelque peu agaçant produit en tirant le fil d'un petit instrument discordant, qu'un habile camelot circulant parmi les piétons, hier rois de la chaussée, vendait à des dizaines d'exemplaires.

 

On cherchait à découvrir des « occasions ».

 

On n'a pas idée du nombre de mouchoirs qui peut être vendu un jour

de braderie, quand des marchands vous en offrent une douzaine

pour dix francs en y ajoutant, comme primes, dix serviettes de table

et dix serviettes de toilette et en ponctuant leur boniment de grands coups frappés du plat de la main sur le linge raidi par l'apprêt.

 

Un rabot minuscule avec lames de rechange vous permet ici, sans effort

ni apprentissage, de rendre des planches ou des semelles de cuir aussi lisses qu'un marbre poli.

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« Outil merveilleux, indispensable au bricoleur », dit le démonstrateur qui fait, au moyen d'une vis,

des copeaux gros ou menus, à son gré.

L'instrument a beaucoup de succès.

 

La pierre à aiguiser n'en a pas moins, car on y ajoute comme prime quatre couteaux et une paire de ciseaux.

 

Voici maintenant le marchand de verres grossissants qui peuvent servir de longue-vue, jumelles de théâtre,

loupe, etc., et sont aussi utiles, dit leur vendeur

« à l'ouvrier qu'à l'artiste, au prolétaire qu'au propriétaire, au riche qu'au pauvre, au navigateur qu'au cultivateur. »

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Ici, on ouvre avec une surprenante facilité les boîtes de conserves ;

là, on vend pour fixer le manche au balai, des attaches très pratiques.

Plus loin, on vous démontre combien il est aisé d'être cravaté élégamment

en vous servant d'un nouveau modèle de fixe-cravates, pendant,

qu'à côté, pour le prix d'un kilo de chocolat,

vous pouvez emporter une dizaine de tablettes d'une marque nouvelle

« à titre de réclame et de publicité ».

 Un monsieur à barbe opulente accompagné d'une dame en costume d'infirmière, après avoir fait un cours savant de médecine,

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vous vend des plantes et des pastilles qui vous préserveront de toutes les maladies.

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On pouvait craindre que dans cette cohue, les pickpockets fissent une fructueuse récolte dans les poches

ou sacs de provisions tentateurs.

Il n'en fut rien, grâce peut-être à la vigilance de la police, qui sous la direction de M. Bonhomme,

commissaire du 3e arrondissement, ouvrait l'œil.

En effet, jusqu'à 18 heures, aucune plainte n'avait été portée dans les commissariats.

Au contraire, une somme d'argent assez rondelette, trouvée par une personne honnête,

avait été rapportée au poste de police-secours.

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Menaçant le matin, le temps s'était maintenu au beau toute la journée.

Si on ne vit pas, comme les années précédentes de vendeurs et vendeuses vêtus de somptueux ou pittoresques déguisements, trois ou quatre orchestres

se joignirent aux haut-parleurs pour déverser sur la foule des flots d'harmonie.

 

L'un, rue Jean Jaurès, fit stationner les curieux qui, tout en écoutant,

s'amusaient de voir Guignol rosser le gendarme ;

l'autre, jouait des airs si entraînants qu'il interrompit complètement la circulation, déjà bien difficile, dans la rue de Siam.

 

Peut-être y eut-il moins d'entrain que les années précédentes.

Peut-être, dans les campagnes environnantes,

se réserve-t-on pour la foire prochaine de la Saint-Michel, mais on ne peut nier

que la braderie ait du bon, puisqu'elle permet aux commerçants de solder

des marchandises défraîchies, aux clients de profiter d'occasions

et à tous d'oublier pendant tout un jour, au milieu des flonflons et du bruit,

les graves dangers qui nous menacent.

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