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Fenêtres sur le passé

1938

Les époux Garandel originaires de Landerneau abandonnent leurs enfants à Lannion
pour aller faire la fête à Brest

1938 - Une pénible affaire d'abandon d'enfants.jpg

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Source : La Dépêche de Brest  11 novembre 1938

 

Mercredi soir 9 novembre, vers 19 h M. Hays, le sympathique contrôleur des contributions directes à Lannion,

se présentait au commissariat de police, et déclarait qu'il venait d'apprendre par la rumeur publique,

que les époux Garandel, demeurant dans une hutte à la Haute-Rive, derrière l'usine à gaz,

auraient abandonné leurs six enfants depuis le 5 novembre, les laissant seuls, sans alimentation et sans surveillance.

M. Le Leyour, commissaire de police ;

le brigadier Gingast et l'agent Menguy se rendirent aussitôt sur les lieux.

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Dans un taudis infect, dont voici les caractéristiques :

trois mètres de longueur, trois mètres de largeur, trois mètres

de hauteur, se trouvaient six misérables petites créatures.

L'ainée de la bande, Marie, âgée de 9 ans, était en train de réchauffer

sur un feu de brindilles, un vague breuvage qu'elle déclara être du café.

La pièce qui n'avait pas de fenêtres, mais une seule porte,

était éclairée par une petite lampe fumeuse, sans verre.

 

Les autres enfants étaient couchés sur les deux uniques grabats

de la pièce, d'une saleté repoussante.

Le dernier-né, la petite Yvonne, âgée de six mois à peine, pleurait.

À la vue des uniformes, les enfants prirent peur,

mais M. le commissaire de police Le Leyour les rassura :

« Nous ne vous voulons pas de mal, mes petites.

Dites-nous où sont partis vos parents ? »

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Le 5 novembre.jpg

 

Marie, l'ainée, raconta alors que vendredi ses parents lui dirent, à 5 heures du matin, qu'ils partaient à Brest

par le train de 6 heures et qu'elle aurait à s'occuper de ses frères et sœurs.

 

— Pour la nourriture, ajouta la petite, ma mère me dit qu'elle avait acheté un pain de dix livres,

une demi-livre de café et une demi-livre de sucre.

 

M. le commissaire de police Le Leyour se rendit chez le voisin des Garandel qui habite également une hutte,

à proximité, seul avec ses trois filles dont l'aînée a 19 ans.

Celui-ci, Toussaint Le Dantec, 52 ans, journalier agricole,

déclara que les époux Garandel lui avaient demandé de « surveiller » leurs enfants.

 

Mais, ajouta Le Dantec, J'ai moi-même trois enfants, et jamais Je n'aurais abandonné ma famille comme cela.

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La femme Garendel est arrêtée.jpg

 

Or, mercredi dans la nuit, vers 10 h la femme Garandel,

qui rentrait de Brest, se présentait au commissariat de police

pour reprendre ses enfants !

M. Le Leyour lui dit que ceux-ci venaient d'être envoyés à l'hospice, qu'ils y avaient reçu des soins et qu'il l'arrêtait...

La femme Garandel avoua alors qu'elle regrettait d'avoir abandonné

ses enfants et « que c'était la première fois que cela lui arrivait ».

Son mari, dit-elle, l'avait entraînée « pour aller faire la bringue » à Brest.

 

Mme Garandel a été, dans la soirée, entendue par le juge d'instruction, qui l'a inculpée d'abandon d'enfants.

 

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Les six petits malheureux ont été conduits cet après-midi à Saint-Brieuc et confiés à l'assistance publique.

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Source : La Dépêche de Brest  12 novembre 1938

 

Nous avons relaté, hier, cette pénible affaire d'abandon d'enfants, survenue à Lannion le 10 novembre.

 

Les époux Garandel, originaires de Landerneau, avaient quitté le 5 novembre le « domicile conjugal »,

constitué en une cabane sordide, pour aller à Brest « faire la fête »,

(Ce sont les termes de la déclaration de la mère au commissaire de police) abandonnant leurs six enfants,

dont le plus jeune n'a que six mois, sans nourriture et sans soins.

 

Sur plainte de M. Hays, contrôleur des Contributions directes, une enquête était ouverte.

Les pauvres enfants furent conduits à l'hôpital-hospice, où ils reçurent des soins, puis dans la soirée du 10,

on les dirigeait sur Saint-Brieuc, où ils furent confiés à l'Assistance publique.

 

La femme Garandel a été arrêtée et incarcérée à la maison d'arrêt de Lannion, mais son mari est toujours introuvable.

On sait seulement qu'il s'est rendu à Saint-Pierre-Quilbignon, chez sa sœur.

​

Aussi hier matin M. Le Leyour, commissaire de police, au cas où Garandel reviendrait à Lannion, prit toutes dispositions pour qu'il soit incarcéré séance tenante.

 

Et M. Le Guen, commissaire de police du 2e arrondissement de Brest, anciennement commissaire de police de Lannion, qui avait eu affaire, à maintes reprises, avec le père indigne, sera qualifié pour l'appréhender...

 

M. Fréminet, juge d'instruction à Lannion,

a lancé un mandat d'arrêt contre Garandel.

Son arrestation est donc imminente.

 

Ajoutons que les six enfants, malgré les privations endurées pendant

huit jours, se nourrissant de café noir et de pain sec,

continuent de se bien porter.

Le bébé de six mois est même fort beau : il a un grand appétit.

La mère-économe de l'hôpital-hospice, qui l'a soigné avec dévouement, déclarait qu'elle avait rarement vu aussi joli bébé.

 

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Quant à la mère, nous apprenons qu'elle commence à se rendre compte des conséquences de son acte inqualifiable :

Dans sa cellule, elle pleure du matin au soir et réclame ses enfants.

Il est certain qu'elle est moins coupable que son mari, qui l'a entraînée.

 

C'était, croyons-nous, la première fois que la femme Garandel quittait Lannion et prenait le train !

En descendant à Plouaret, elle prit la contre-voie et faillit être écrasée par un autre convoi, qui arrivait en gare.

Elle fut même appréhendée par l'inspecteur du district, qui lui notifia un procès-verbal,

mais étant donné son incarcération sous l'inculpation que l'on sait, l'affaire n'eut pas de suites.

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Source : La Dépêche de Brest  13 novembre 1938

 

Nous disions hier que le nommé Auguste Garandel, qui avait abandonné ses six enfants pour aller à Brest

avec sa femme « faire la noce » ne tarderait pas à être appréhendé, un mandat d'arrêt ayant été lancé contre lui.

Or Garandel s'est présenté samedi au commissariat de police.

 

— J'ai appris par la « Dépêche », a-t-il expliqué au commissaire, que vous me recherchiez.

Je me trouvais chez ma sœur, Mme veuve Mauboussin, qui habite au vallon de Keresbian, en Saint-Marc,

et non à Saint-Pierre-Quilbignon, où je m'étais rendu en compagnie de ma femme, pour y chercher du travail.

Je devais même être employé dans une carrière, par M Emile Jestin. du « Coq Hardi », en Guipavas...

​

Vendredi 11 novembre, ma sœur, la veuve Mauboussin, m'a appris, à la lecture de la « Dépêche », que ma femme venait d'être arrêtée et que j'étais recherché par le parquet de Lannion.

Rentré aussitôt par le train de 11 heures,

je viens ce matin me mettre à votre disposition.

 

Garandel a aussitôt été conduit devant M. le juge d'instruction,

qui a transformé le mandat d'amener en mandat de dépôt.

Le père indigne a aussitôt, été écroué à la maison d'arrêt

de la rue Saint-Nicolas, où il a retrouvé sa conjointe, sous la double inculpation d'abandon d'enfants dans un lieu non solitaire,

de privation volontaire d'aliments et de soins à des enfants

de moins de 15 ans,

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Pour sa défense. Garandel déclare qu'il allait à Brest chercher du travail.

Faible argument devant la gravité et les conséquences de son acte.

Et puis il reste que sa femme a avoué au commissaire de police Le Leyour

« que Garandel l'avait entraînée à Brest pour y faire la noce ! ».

C'est une circonstance aggravante, s'il est possible, car seraient-ils allés « en voyage d'affaires »

que ces parents indignes ne mériteraient pas plus d'indulgence :

On ne quitte pas six gosses, dont un bébé de six mois, pendant cinq jours, les laissant sans nourriture,

sans surveillance et sans soins.

Une bête n'abandonnerait pas sa nichée ainsi.

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Source : La Dépêche de Brest 9 décembre 1938

 

Les époux Garandel, demeurant dans une cabane, à la Haute-Rive, en Lannion, sont inculpés d'abandon

de leurs six enfants, dont l'aîné a neuf ans et le plus jeune six mois, et de privation d'aliments.

 

M. Le Leyour, commissaire de police, fait sa déposition.

 

Le mercredi 9 novembre, M. Hays, contrôleur des Contributions directes, vint le prévenir que la rumeur publique accusait les époux Garandel d'avoir abandonné leurs six enfants, depuis plusieurs jours, sans soins, sans surveillance et sans nourriture.

M. Le Leyour se rendit immédiatement sur les lieux.

 

L'aînée des enfants dit que ses parents les avaient quittés depuis six jours pour aller à Brest,

et qu'ils avaient laissé pour la nourriture :

un pain de dix livres, une demi-livre de café et une demi-livre de sucre.

C’est tout.

 

Le docteur Le Goffic fut appelé à visiter les six miséreux, le lendemain matin.

Il affirme que si les cinq aînés n'ont pas trop souffert du régime :

pain sec et café noir, par contre le bébé de six mois était dans un état lamentable.

Si l'absence des parents s'était encore prolongée d'un ou deux jours, elle aurait pu avoir de graves conséquences.

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Auguste Garandel, le père, né à Landerneau, plusieurs fois condamné, déclare qu'il était allé à Brest pour y chercher du travail.

 

Garandel ajoute qu'il n'a pas abandonné ses enfants ;

il avait chargé la petite Le Dantec, 14 ans, qui habite à proximité

dans une cabane semblable à la sienne, en compagnie

de ses deux sœurs et de son père, de s'occuper du bébé de six mois.

 

« J'étais allé chez ma sœur, Mme veuve Mauloussin,

qui habite au vallon de Kéresbian, en Saint-Marc, déclara Garandel.

Et je comptais trouver de l'embauche à la carrière de M. Gestin,

au Coq-Hardi ».

 

M. Fréminet, qui occupe le siège du ministère public,

demande au prévenu pourquoi il emmena sa femme avec lui.

Elle voulait voir sa belle-sœur. répond-il.

 

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La mère semble se rendre compte, aujourd'hui, de la gravité des faits qui lui sont reprochés.

Elle déclare qu'elle est rentrée presque aussitôt...

Or, elle a abandonné ses six enfants, dont le bébé de six mois, pendant six jours.

Elle pleure.

Elle prétend être restée chez sa belle-sœur, la veuve Mauboussin, pour y travailler.

Mais elle est en contradiction avec sa parente.

 

Après le réquisitoire, l'avocat déclare qu'il est scandaleux que dans une ville comme Lannion, en plein vingtième siècle, on tolère que huit personnes cohabitent dans un étroit taudis de trois mètres sur trois, privé d'air et de lumière,

aussi sale qu'une soue à porcs.

« Ne croyez-vous pas, messieurs poursuit l'avocat, que la société a sa part de responsabilité dans cette affaire ? »

 

Après une suspension d'audience, le tribunal condamne Garandel à six mois de prison ferme

et la mère à six mois de prison avec sursis.

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Source : La Dépêche de Brest 14 décembre 1938

 

Nous avons signalé que huit personnes - dont six enfants -

cohabitent dans un étroit taudis de dimensions plus qu’exiguës (trois mètres sur trois mètres).

Cela se passait dans la zone lannionnaise, à la Haute-Rive, derrière l'usine à gaz,

à 300 mètres à peine du centre de la ville...

 

On se rappelle que les époux Garandel avaient abandonné leurs six enfants, dont un bébé de six mois,

pour aller à Brest « faire la fête ».

Rendant compte du jugement correctionnel qui les condamna à six mois de prison, nous disions

que les Garandel avaient pour voisin Toussaint Le Dantec, sans profession, qui vivait seul avec ses trois filles...

 

Toussaint Le Dantec a été arrêté hier mardi, dans les circonstances suivantes :

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Deux policiers qui ont du flair.jpg

 

Sur les conseils du commissaire de police, le brigadier Gingast et l'agent Menguy allèrent, lundi soir,

à la Haute-Rive rendre visite à Le Dantec, histoire d'examiner les lieux.

La cabane, identique à celle des Garandel (trois mètres sur trois), n'était meublée que d'une table,

une espèce d'armoire et deux grabats.

 

Les agents n'insistèrent pas, mais ils revinrent mardi matin, de bonne heure et s'aperçurent bien vite

que Le Dantec partageait sa couche avec sa fille aînée, Céline.

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Celle-ci, convoquée au commissariat de police,

finissait par tout avouer.

Son père avait abusé d'elle, un dimanche d'avril,

profitant de l'absence de sa sœur Françoise, 15 ans,

qui s'était cassé le bras et avait été conduite à l'hôpital.

 

Le commissaire de police entendit séparément les enfants :

Leurs dépositions concordaient.

Françoise affirma que Céline l'avait mise au courant,

tandis que Éliane, 13 ans, avouait que Céline

lui avait interdit de parler.

 

Le docteur Savidan vint examiner la pauvre malheureuse

et constata qu'elle n'avait dit que la vérité.

 

En conséquence, le père incestueux a été mis en état d'arrestation et incarcéré à la maison d'arrêt de Lannion.

 

Nous nous sommes rendus sur les lieux.

Il est impossible de décrire l'état dans lequel

nous avons trouvé le taudis des Le Dantec.

La cabane des Garandel est un palace à côté de ceci !

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Ce Soir _ Une hutte sur la lande bretonne.jpg

Un ruisseau coule au milieu de la pièce et les pauvres gosses avaient constamment les pieds dans la boue

et dans l'eau.

Nous n'exagérons rien.

Nous étions présents au commissariat de police lorsque, sur l'initiative de l'agent Menguy,

on fit changer de chaussures à ces pauvres enfants.

 

Qu'il nous soit permis de remercier ici M. Ollivier, concierge de la mairie Morvan, Cottier et Coatléven,

qui n'hésitèrent pas donner de bonnes paires de chaussures et des bas aux miséreux, qui tremblaient de froid.

 

Le père indigne aura à répondre, devant la Cour d'assises, de son monstrueux forfait.

Il risque le bagne.

 

Quant aux enfants, Céline, 17 ans ; Françoise, 15 ans, et Éliane, 13 ans elles ont été conduites hier soir

à l'hôpital-hospice, où elles ont pu manger à leur faim.

Elles ont reçu des vêtements de rechange.

 

Elles nous ont déclaré qu'elles ne regrettaient pas d'avoir quitté leur cabane et que c'était par peur de leur père,

qui les avaient menacées, qu'elles n'avaient pas parlé.

 

Elles ont une autre sœur, Amélie âgée de 18 ans, qui est bonne chez M. Manach à Pleumeur-Bodou

 

Elles sont nées à Buhulien.

Leur mère, née Gayouat, originaire de Saint-Servan, est morte il y a six ans.

 

Leur père n'avait pas d'emploi et n'en désirait pas.

Il se levait à neuf heures.

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Après l'arrestation du père indigne.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 15 décembre 1938

 

Nous relaté, hier, cette lamentable affaire de l'enfance déshéritée, survenue à la Haute-Rive, derrière l'usine à gaz.

Le père coupable a passé des aveux complets dans la soirée.

Il a été incarcéré à la maison d'arrêt.

La victime, sa fille, et ses deux autres sœurs,

ont été provisoirement confiées à l'hôpital-hospice.

Leur tante a manifesté le désir de les prendre à sa charge.

 

Ces deux affaires de l'enfance martyre a soulevé,

à Lannion et dans la région, une émotion considérable.

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Toussaint Le Dantec après son arrestation.jpg

Ne dit-on pas que notre jeune et courageux commissaire de police ne tarderait pas à aller enquêter du côté

de Buttes, de la rue de la Trinité et de Kérompront ?

Là aussi il y a d’immondes-taudis, foyers de misère et de promiscuité.

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*

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Source : La Dépêche de Brest 19 décembre 1938

 

À L'INSTRUCTION.

 

Toussaint La Dantec, le père indigne, a comparu samedi devant

le juge d'instruction Fréminet, qui a à instruire cette grave affaire.

 

Le Dantec a changé de méthode.

Alors qu'il avait passé des aveux complets devant

M. le commissaire de police Le Leizour,  actuellement il nie.

Mais il nie d'une façon très maladroite et sera pris à son propre piège.

 

Lorsqu'il fut arrêté, après bien des réticences, il finit par avouer

qu'il pouvait bien être coupable, mais qu'il ne se souvenait de rien,

car il était ivre.

 

Confronté avec sa fille Céline dans le cabinet de M. le juge d'instruction, il déclare maintenant que sa victime a menti,

que le jour donné par elle, le 21 août, et non le 21 avril, comme

nous l'avions imprimé par erreur, il n'est pas rentré dans sa cabane.

Mais il lui sera difficile de trouver un alibi.

 

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Ses trois filles, interrogées séparément, ont confirmé leur précédente déposition.

Elles ont même affirmé que leur père n'était pas ivre ce soir-là,

pas plus que les autres soirs où il cherchait affaire à Céline.

 

Enfin, les rapports des quatre docteurs qui ont visité la malheureuse enfant constatent qu'il y a eu violence.

 

Toussaint Le Dantec a écrit de la prison, à Me Mauger, pour lui demander d'accepter de le défendre

devant la Cour d'assises, devant laquelle il comparaîtra à la prochaine session.

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