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1937 - Horrible crime à Porspoder

Devenu fou furieux,

un goémonier tue un enfant de deux ans à coups de hache,

blesse grièvement deux personnes

et tente de se noyer dans un puits.

Source : Le Petit Breton 18 juillet 1937

C’est en revenant de l’enterrement d’un de ses neveux

que le père découvrit le corps de la petite victime.

C'est une véritable tragédie qui a eu lieu vendredi dernier,

dans un paisible village de goémoniers, à moins de deux kilomètres

de Porspoder.

Ce hameau a pour nom Kermerrien.

Il est planté dans le cadre à la fois dramatique et grandiose

du rivage marin hérissé de récifs.

Jean Vaillant, 37 ans, célibataire goémonier, vivant avec sa mère à Kerizella, dans une crise de démence, a tailladé à coups de hache

le corps d'un garçonnet de deux ans, Joseph Conin, son petit cousin, tandis que le père de celui-ci assistait aux obsèques de son neveu,

un bébé enlevé à l'âge de deux mois par une méningite.

Auparavant, le meurtrier s'était rué sur un voisin, M. Laurent Crozon,

âgé de 56 ans, maître principal en retraite et lui avait donné plusieurs coups de couteau et avait blessé également une voisine accourue

à son secours, M me Perrine Gléo, née Le Lann, âgée de 54 ans.

Après quoi, ayant répandu le sang partout, le forcené avait essayé

à deux reprises de se détruire.

On avait réussi à le ligoter et une auto l'emmenait vers la gendarmerie

de Ploudalmézeau.

Dans une cour, des gens sont rassemblés.

Nous remarquons parmi eux un goémonier dont la douleur est encore plus amère, plus manifeste que celle des autres : c'est le père de la victime.

M. Alexandre Conin, âgé de 30 ans, a eu quatre enfants : René, 5 ans ; Marie-Louise, 3 ans ; Joseph (la victime), 2 ans et Germaine, 1 an.

Il partage la ferme avec son frère, M. Jean Conin, âgé de 37 ans,

père lui aussi de quatre enfants.

La mort rôdait déjà autour de cette maison.

M. Jean Conin ne venait-il pas de perdre son dernier né,

un bébé de deux mois ?

Précisément, alors que le terrible drame se jouait entre ce fou dont la force, à ce moment, était décuplée et quelques femmes mortes

de frayeur, tous les hommes du pays assistaient aux obsèques

de cet enfant enlevé par la méningite.

Avant le crime

Le meurtrier, Jean Vaillant, âgé de 37 ans, est le cousin

de M. Alexandre Conin.

Il y a six ans, très exactement, le 10 juillet 1931, Jean Vaillant avait demandé la main d'une jeune fille du pays, Mlle Richard.

Cette démarche avait été malheureuse.

Par dépit amoureux, l'homme malmena la demoiselle.

Il fut condamné pour violences à une amende, mais, trois mois après, Vaillant présentait des signes de démence.

Après un scrupuleux examen médical il fut interné à Quimper,

mais son séjour là-bas fut de courte durée.

Revenu à la ferme maternelle, le jeune homme, bien que neurasthénique, reprit vaillamment ses occupations.

Le drame

Vaillant, vers midi, s'était rendu à Kermerrien chez son cousin Alexandre qui l'avait prié de conduire ses chevaux aux champs.

A cette heure, toute la population des alentours se préparait à assister

à l'enterrement du neveu de ce dernier.

A 14 heures, le cortège s'ébranla dans la direction du cimetière.

Où se trouvait alors Vaillant?

Un témoin le dira plus tard puisqu'il le croisait dans les parages,

l'air inoffensif.

Pendant leur absence, les frères Colin avaient confié la surveillance

des deux plus jeunes enfants, encore au berceau, à des femmes

du village, Mme Perrine Gléo, née Le Lann, 54 ans, Mme veuve Salaün Louis, 50 ans, et à une jeune fille, Mlle Anne Venneguès,

qui tenait compagnie au petit Joseph qu'on ne pouvait,

en raison de son jeune âge, emmener à l'enterrement.

Mais laissons la parole à Mme veuve Salaün :

« Je remettais les choses du ménage en ordre après le départ du convoi,

quand soudain Jean Vaillant rentre dans la maison comme un fou.

Il vient droit à moi et me fixe de ses yeux hagards.

Il me dit sèchement : « Je suis un homme damné ! »

« Oh ! Non,  Jean », répliquai-je timidement, tant ma peur était grande. « Tu te trompes ».

«  Veux-tu boire quelque chose ? »  

Il prend un bol sur la cheminée.  

Je l'avertis que le café que Mme Gléo prépare pour le retour

de l'enterrement n'est pas encore prêt :

« Ça ne fait rien, répond-il, je vais aller plus vite ».

Il sort.

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Le petit Joseph le suit en zézayant en breton quelques mots que je ne comprends pas.

« Partons d'ici », dis-je terrorisée à Mme Gléo et à Mlle Venneguès,

« Il est capable de nous tuer ».

La jeune fille, sur ma prière, va prévenir un voisin, M. Laurent Crozon, 56 ans, maître principal en retraite.

Entre temps, Jean Vaillant s'était jeté dans le puits.

Le voyant tout trempé, M. Crozon lui fait retirer son veston et lui conseille de rentrer à la maison pour se changer, mais soudain le fou se recule.

Il sort un couteau de sa poche, l'ouvre et dit à M. Crozon :

— « Tiens, Laurent, tue-moi donc ? »

— « Tu n'es pas fou. Jean ».

Le malade se jette alors sur le maître principal et lui décoche sur la poitrine et la tête quatre coups de couteau.

Surpris par cette attaque, M Crozon trébuche et roule à terre ; mais il oppose à son adversaire une vive résistance.

Le forcené, avec toute la vigueur dont il est capable, redouble ses coups et la lame vient trancher

les pouces de son antagoniste.

Le sang gicle.

C'est alors que Mme Gléo, qui est une forte femme, croyant que M. Crozon va succomber, entre dans la mêlée

et essaie de désarmer le meurtrier.

Elle est blessée cruellement au visage, une entaille lui fend la joue droite,

une main est également atteinte profondément.

Mais, poursuit-elle, j'éprouvai une telle défaillance que je ne me souviens que de ceci maintenant :

c'est que, quelques instants après la scène, je me retrouvai chez Mme Quellec avec l'ouvrière de celle-ci,

Mme veuve Jean Salaün faisant par la fenêtre du grenier des signaux et des appels aux gens du voisinage 

pour maîtriser le forcené.

Il s'écoula bien un quart d'heure.

Nous nous aperçûmes à certain moment de l'absence du petit Joseph.

L'enfant devait être resté avec le fou.

Nous prêtons l'oreille et n'entendons rien.

Tout à coup, nous voyons Vaillant quitter précipitamment la ferme de Colin.

Il tient à la main une hache rouge de sang et un rideau de fenêtre.

Sa haute silhouette s'efface bientôt derrière les dunes.

Des hommes arrivent.

M. Crozon et Mme veuve Gléo ont peur et se réfugient chez eux, mais nous n'osons encore bouger,

tant nous avons été effrayées.

Le calvaire d'un père

L'enterrement était à peine terminé que la nouvelle de l'agression dont avaient été victimes M. et Mme Gléo,

parvenait au bourg de Porspoder.

Détail douloureux, M. Colin, le père de la victime, vit passer l'homme qui allait prévenir le maire de la commune

de la scène qui venait de se produire.

Il ignorait encore cependant la mort affreuse du petit Joseph.

M. Colin eut un terrible pressentiment.

Écartant de la main les parents et les amis qui entouraient son frère, il se dirigea rapidement vers sa ferme.

Tout au long du parcours de Poullour-Pris à Kermerrien, du sang étoilait la route.

En entrant chez lui, M. Jean Colin ne vit personne.

La pièce était vide, mais, au bas d'un lit clos, au rez-de-chaussée, il existait une large flaque de sang.

En deux enjambées le malheureux père fut au premier étage :

les enfants n’étaient pas là...

De plus en plus Inquiet, il redescendit au rez-de-chaussée et aperçut alors deux jambes qui dépassaient sous le lit, entre deux rangées de chaudrons.

Sur le moment, M. Colin pensa que le petit Joseph, ayant eu peur de son cousin, s'était dissimulé là.

Hélas! La vérité était plus terrible...

Tout doucement, l'infortuné papa attira à lui son enfant.

Ses yeux s'agrandirent d'horreur :

la tête du pauvre petit avait été presque détachée du tronc par la hache du criminel.

Trois entailles béantes mutilaient ses épaules et son cou.

L'enfant avait encore un souffle de vie.

Reconnaissant son père, il leva son bras

— un bras trop faible pour se défendre contre une odieuse brute — poussa un soupir et rendit l'âme...

Avec des soins quasi maternels, M. Colin alla déposer le cadavre de son fils dans son berceau, au premier étage, après quoi, la tête vide, le regard douloureux, il voulut aller chercher du secours...

Le père terrasse le meurtrier de son enfant

Alors que M. Jean Colin, ayant fait la triste et épouvantable découverte que l'on sait, allait donner l'alarme,

il aperçut, venant à lui du fond des dunes, le meurtrier.

 

Laissons-le narrer lui-même cet épisode qui ne figura jamais dans les tragédies de Corneille.

M. Venneguès m'avait accompagné jusqu'à la ferme.

Il m'attendait dans la cour.

Alors que j'allais le rejoindre, je vis arriver mon cousin Vaillant.

Le sang lui tombait du front.

Il était armé d'une hache qu'il avait prise chez moi, au-dessus d'une vieille armoire.

Auparavant, M. Guillemont, facteur des P.T.T., qui était accouru avec lui, était reparti pour aller chercher

le docteur Clech, de Lanildut.

Il s'avança vers mol, menaçant.

Je sautai sur ma fourche, bien décidé à défendre chèrement ma peau.

— « Laisse ta hache, je laisserai ma fourche ! »

Il jeta au loin son arme.

J'en fis autant, mais ce fut pour me jeter sur lui et le terrasser.

Cependant, dans le village on s'était ressaisi.

Des hommes accoururent et nous pûmes ligoter le forcené.

M. le Maire de Porspoder réquisitionna les automobiles de MM. Simon et Quillien, représentants de commerce

à Brest qui transportèrent le meurtrier à la caserne de gendarmerie de Ploudalmézeau.

Le Parquet sur les lieux

Il est 17 h, 30 quand le Parquet de Brest, composé de MM. Hébert, substitut du procureur de la République,

Crenn, juge d'instruction, Cocagne, greffier, et accompagné de M. le docteur Mignard, arrive sur les lieux.

L'adjudant -chef Coupât, de la gendarmerie départementale de Brest, le chef de brigade Roué, de Ploudalmézeau, les gendarmes Quimper et Grannec l'ont précédé de quelques instants.

Tandis que le médecin légiste procède à l'examen du cadavre du petit Joseph Conin, les magistrats se font expliquer par le père de la victime, les circonstances du drame.

D'ores et déjà, il apparaît que l'autopsie ne sera pas nécessaire.

Les aveux du forcené

Depuis son entrée dans la caserne de gendarmerie de Ploudalmézeau, Jean Vaillant s'est assagi.

D'ailleurs ses blessures l'ont épuisé.

Les gendarmes lui ont Installé un lit sur un bat-flanc d'une chambre de sûreté.

M. le docteur Laudrain, de Ploudalmézeau, lui a donné ses premiers soins.

A 18 heures 30, on Interroge le meurtrier qui revient peu à peu à la raison.

De fil en aiguille, on parvient ainsi à reconstituer le drame.

Vaillant se souvient avoir conduit les chevaux de ses cousins aux champs,

— En revenant vers 14 heures du Poullou-Pris , a-t-il dit d'une voie faible, je me suis senti mal à la tête ;

je ne savais plus ce que je faisais, j'ai appelé mon cousin pour qu'il me tue, il ne m'a pas répondu .

Je suis entré dans une maison. Il y avait trois femmes.

J'ai demandé à Mme Gléo de me détruire et sortis mon couteau.

Je suis allé au puits...

Je suis rentré à nouveau...

Le petit Joseph était seul.

J'ai saisi une hache sur une armoire et j'en ai donné des coups sur la nuque de l'enfant.

Après, j'ai voulu me noyer dans le puits, mais il n'y avait pas assez d'eau.

Je me suis alors dirigé vers la grève de Porsguen.

Là, sans témoin, je me suis donné des coups de hache sur tout le corps, mais je n'ai pas réussi à me détruire.

Alors je suis revenu vers la ferme de mes cousins et, après, je ne me souviens plus de ce qui s'est passé.

Dans la soirée, les membres du Parquet ont vainement essayé d'interroger le meurtrier.

Celui-ci a été transporté, dans la nuit, à l'Hospice civil de Brest.

Son état est très sérieux.

Nous avons pris des nouvelles de Mme Gléo et de M. Crozon ;

leurs blessures, quoique graves, ne mettent pas leurs jours en danger.

LE MEURTRIER EST TRÉPANÉ

Au cours de la nuit de vendredi à samedi, à l'hospice civil de Brest,

M. le docteur Pouliquen a fait subir au meurtrier du petit Joseph Colin, l'opération du trépan, Jean Vaillant a été conduit à la salle Saint-Jean.

Il repose paisiblement parmi d'autres malades.

Les infirmiers surveillent toutefois ses moindres gestes :

Il est l'homme qui a tué...

Au surplus, M. le juge d'instruction Crenn l'a inculpé de meurtre

et de coups et blessures.

M. le docteur Mignard, médecin légiste, qui l'a examiné à la caserne

de gendarmerie de Ploudalmézeau, a conclu à son irresponsabilité.

Vaillant est plus fou que ceux qui tuent dans un accès de rage.

Son cas ne relève guère que de l'asile d'aliénés.

C'est du reste le sort qui l'attend.

En effet, l'homme ne quittera (l’hospice) de la rue Traverse

que pour être conduit, par l'ordre du Préfet du Finistère,

à l'asile de Saint-Athanase, à Quimper, où il a déjà fait un séjour,

comme nous l'avons dit, en août 1936.

 

APRÈS LE MEURTRE DE PORSPODER

Vaillant le meurtrier du petit Colin, sera interné à l’asile Saint François

à Quimper, M, le Préfet du Finistère,

par un arrêté en date du 19 Juillet, a prescrit l'internement

à l'asile d'aliénés de Saint-François, à Quimper, de François Vaillant,

ce cultivateur de Porspoder qui tua, le 9 juillet dernier,

dans les circonstances épouvantables que l'on sait, le jeune Jean Colin, âgé de 3 ans.

Auparavant, le misérable avait blessé dangereusement ses voisins,

M. Crozon et Mme Gléo.

Son forfait accompli, Vaillant avait tenté de se suicider en se donnant

à la tête des coups de hache ;

Il n'avait réussi qu'à se fracturer le crâne.

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Depuis, il était en traitement à l'hospice civil, où les gens de la maison d'aliénés viendront le chercher

dès que son état de santé se sera amélioré.

En établissant le dit arrêté, M. le Préfet n'a fait qu'exécuter une simple formalité administrative.

Vaillant étant reconnu irresponsable par M. le médecin légiste Mignard.

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