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Fenêtres sur le passé

1933

Madame Saluden et les expositions d'art

1933 – Madame Saluden et les expositions d’art.jpg

 

Source : Chronique Brestoise avril 1933

 

À une époque plus heureuse trois petits garçons se plaisaient, quand ils étaient en vacances

et qu'ils avaient le rude courage de se lever avant midi (ô temps ! ô mœurs! ô honte !)

à parfaire leur instruction en contemplant les vitrines de certains magasins.

 

C’était le même tour de rues tous les matins, les mêmes comparaisons, les mêmes admirations silencieuses,

les doigts pointés avec de soudains, enthousiasmes vers les mêmes peintures, les mêmes photographies,

les mêmes livres...

 

À leur insu, les trois petits frères formaient leur goût artistique et littéraire, usant des faibles ressources

que leur offrait la petite ville dans un rayon — qui leur semblait immense — de cinq cent mètres au maximum.

 

Depuis, ces autodidactes ont étudié les doctrines et les musées :

ont-ils joui jamais comme lorsqu'ils étaient trois minuscules bonshommes en sarrau noir ?

 

Cette préface est pour vous dire quel rayonnement peut avoir une « Galerie » garnie,

meublée et décorée par une personne de tête et de goût, par un connaisseur formé aux meilleures disciplines,

doué certes du sens commercial, mais plus encore animé du feu sacré.

 Un homme bien renseigné nous dit alors :

« — Cela tiendra.

Une main ferme, une tête claire, un sens esthétique naturel et cultivé, l’affabilité, la délicatesse du goût féminin

avec l’appui désirable et obtenu de « lumières » amies, — ne craignez pas, tout, tout ira bien. »

 

Tout va bien en effet.

Les expositions succèdent aux expositions, les miniatures aux portraits, les marines aux natures mortes,

les fleurs aux sous-bois ;

les visiteurs ne se lassent point, Brest n'étant pas chef-lieu de Béotie ;

les autres se réjouissent de trouver en Madame Saluden une collaboratrice avertie, dévouée,

qui paie de sa personne et qui sait les faire valoir.

Et notre éducation artistique, continue, tout comme si nous pouvions fréquenter, par exemple,

la Galerie Georges Petit, chère aux collectionneurs parisiens.

Ainsi apprécions-nous Madame Saluden.

 

Son maitre ès arts fut son regretté mari, ami et soutien de maint artistes, artiste lui-même et critique sagace autant qu'indulgent.

Il avait créé un foyer lumineux et chaud où professionnels, amateurs

et chalands pouvaient fraterniser dans le culte de l'art pour la joie

et pour l'avantage des uns et des autres.

« Peinture, vitrerie, décoration », oui, bien sûr, et il le fallait bien.

Mais surtout, patrie spirituelle des amis du Beau,

si nombreux et si avertis en notre ville.

 

Un coup soudain et cruel enleva M. Saluden.

La « Galerie » qu’allait-elle devenir ?

 

Des mains défaillantes du fondateur, madame Saluden recueillit bravement l’œuvre déjà solide.

Plus d’un crut devoir s'étonner:

« Соmpétence ? Esprit de suite ?

Et les habitués auraient-ils confiance ? Et n'est-ce pas hasardeux ? »

 

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Portrait au Pastel d’Anna Saluden

https://www.galerie-saluden.fr/

L'œil vif extraordinairement, la parole facile et nette et diverse,

le geste retenu mais expressif, le pas rapide,

madame Saluden vous accompagne au rez-de-chaussée,

vous indique les salles de l'étage.

Elle s'apitoie sur les tableaux qu'un sort injuste

et un prix de mécène empêchent de conquérir la note « vendu »,

si douce au cœur.

 

Elle détaille avec une complaisance maternelle les beautés

de ses toiles préférées.

Elle les détache de la vitrine ou de la cloison mate.

Elle les caresse du regard.

Elle les soumet à votre jugement affectueux.

Elle rappelle les souvenirs des triomphes et des échecs,

sensible aux joies et aux peines de ses exposants,

comme aux regrets des admirateurs impécunieux.

 

Elle s’arrête pour noter une commande de vitres, de papiers peints, de fournitures de dessin.

Elle revient.

Elle vous laisse, heureuse et vous êtes heureux …

 

Et c’est elle qui vous remercie …

 

Galerie Saluden pdf.jpg

Madame Saluden a bien mérité des artistes et de leurs amis, même profanes.

© 2018 Patrick Milan. Créé avec Wix.com
 

Dernière mise à jour - Mars 2022
 

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