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Fenêtres sur le passé

1934

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Ouessant paie ses impôts en nature

Source : Le Monde illustré 7 avril - page 271

 

Ouessant paie ses impôts en nature

 

Ouessant, c'est, en breton, Heussa Enez, l’île de l'Épouvante, ainsi nommée à cause des terribles tempêtes,

des courants dangereux, et des récifs qui en défendent l'accès ;

et aussi parce que, dans ses parages, au cours des siècles, d'innombrables navires ont péri.

 

De hautes falaises rocheuses lui font une ceinture pittoresque et grandiose.

 

La nature, qui est d'une singulière âpreté, se montre là plus farouche qu'ailleurs.

 

Les habitants sont de la plus pure race armoricaine : rudes, énergiques, infatigables à la besogne,

ils sont — hommes et femmes — robustes comme les rocs qui défendent l'île contre la mer.

 

Tous les travaux de chaque jour incombent aux seules femmes, tous, même les travaux de la terre :

ce sont elles qui labourent, qui sèment, qui fauchent et rentrent la récolte.

 

Ce sont elles qui, pour payer l'impôt, se soumettent aux prestations consistant à ramasser et à charrier des galets.

 

Car l'argent est rare à Ouessant ;

on n'en a point à donner au percepteur et c'est pourquoi les Ouessantines préfèrent s'acquitter

de leurs contributions par le travail.

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Ces vaillantes femmes ont un costume pittoresque

dont la partie la plus typique est une coiffure plate

assez semblable à celle des Transtévérines de naguère, et, détail remarquable, cette coiffure ne se retrouve

nulle part en Bretagne.

 

Quant aux hommes, ce sont des gars solides et courageux qui font des marins incomparables.

 

Ce sont aussi des sauveteurs intrépides qui n'hésitent jamais à sortir dans leur barque au premier appel,

pour tenter d'arracher au danger les malheureux

que la tempête jette sur les écueils.

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Ouessant _ Le monde illustré _03.jpg

Les naufragés trouvent toujours à Ouessant une hospitalité désintéressée.

 

Pourtant, l'aisance ne règne guère dans les maisons de l'ile.

 

Ils ont conservé une curieuse coutume que Pol de Courey a rapportée :

« Un marin d'Ouessant vient-il à périr en mer, sa parenté et ses amis portent dans sa maison

une petite croix figurant la dépouille du défunt et lui rendent, avec l'assistance du clergé,

tous les honneurs funèbres qu'on eût rendus au corps s'il avait été retrouvé.

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Pendant ce convoi, la petite croix occupe la place du cercueil, et, l'office terminé, le porteur, qui est,

autant que possible, le parrain du naufragé, va, suivi de la foule, déposer dans un coffret,

aux pieds de la statue de Saint Pol. ce triste et glorieux symbole de la douleur et de l'espérance. »

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Jean Lecoq

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