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Fenêtres sur le passé
1931
Les ouvriers de l'arsenal de Brest
et
le logement
Source : La Dépêche de Brest 8 juillet 1931
Beaucoup de nos lecteurs, sans doute, seront étonnés en apprenant que le nombre des ouvriers de l'arsenal
habitant Brest-Recouvrance n'atteint pas la moitié des effectifs.
Parce qu'ils y sont nés ou s’y sont mariés, parce qu'ils n'ont rien trouvé en ville ou parce qu'ils ont préféré
le confort et le grand air à une plus étroite proximité de leur travail, les autres habitent la banlieue
et parfois même au dehors, à des distances étonnantes.
La banlieue, c'est Saint-Pierre-Quilbignon, Lambézellec, Saint-Marc, où l’ouvrier abonde ;
mais la huitième partie du total, en moyenne, habite bien au-delà.
Kerhuon, Landerneau, Landivisiau, Morlaix, Plougastel, Le Faou, Quimerch, Guipavas, Plouédern, Gouesnou, Plabennec, Plouvien, Plouescat, Bohars, Penfeld, Guilers, Saint-Renan, Milizac, Plouarzel, Plouzané, Loc-Maria,
dans toutes les agglomérations reliées à Brest par la toile d'araignée des routes,
habitent quelques familles des ouvriers de l'État.
N'est-il pas étonnant de constater qu'il s'en trouve jusqu'à Plouarzel, Tréouergat, Plouvien, Lesneven, Plouvorn, Morlaix et Quimerch ?
Comment peuvent-ils faire jusqu'à 60 kilomètres
pour se rendre à leur travail ?
Car tous ne disposent pas du train comme Kerhuon, Landerneau, Landivisiau et Morlaix ou Quimerch ;
les auto-cars ne desservent régulièrement que quelques bourgs :
Guipavas, Lesneven, Landivisiau, Saint-Renan, etc.
Alors la nature reprend non pas ses droits, mais ses devoirs,
et l’ouvrier fait appel à ses muscles :
300 travailleurs en moyenne se rendent journellement à bicyclette
de l'arsenal à leur demeure et inversement.
La plupart d’entre eux habitent le Trez-Hir, Plouzané, Milizac, Gouesnou, et Guipavas surtout, où ils sont 80.
Nous avons parlé dernièrement de l'ouvrier Venneuguès, de Tréouergat, père de six enfants en bas âge,
qui accomplissait ainsi chaque jour 43 kilomètres. ( À lire : cliquez )
Il n'est pas le seul, car un de ses camarades, Petton, habite également Tréouergat et tous les deux sont dépassés
par Jaffrédou, de La Roche, près de Landerneau, qui paraît être actuellement le recordman
avec 50 kilomètres journellement accomplis.
D'autres sont encore plus courageux et font leur route à pied, tout simplement.
Il faut dire qu'ils sont rares à partir d'une certaine distance, mais le cas de ce vieil ouvrier de l'atelier d'électricité
n'est pas isolé :
Celui-ci faisait à pied, matin et soir, depuis plus de dix ans, la route Saint-Renan - Brest, lorsqu'un jour,
un neveu qui avait acheté une motocyclette, lui proposa de le transporter, il refusa et continua seul,
ne se protégeant des averses que de son col relevé.
Il va de soi que ces ouvriers mangent leur repas de midi dans l'arsenal ou ses alentours ;
ceux qui habitent loin, même, ne passent chez eux que la journée du dimanche ;
pendant la semaine, ils mangent dans les petits cafés qui se pressent à l'extérieur des grilles
et couchent dans une pauvre petite chambre sommairement, meublée.
Les Bretons de l'arsenal sont d'excellents ouvriers, mais gardant encore tout le cachet simple et robuste des paysans, amoureux de leur campagne.