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Fenêtres sur le passé

1931

Cinq jours de dérive au large pour un brestois,
goémonier à Quéménès

 

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Source : La Dépêche de Brest Vendredi 25 septembre 1931

 

Un radio émanant du croiseur britannique Durban parvenait, hier après-midi, à M. Marchandeau, capitaine de port il était ainsi conçu :

 

« Croiseur Durban à capitaine de port, Brest.

 

« J'ai sauvé le pécheur Joseph Bourhis, en dérive depuis dimanche dans son embarcation numéro 3117.

Je le débarquerai à Gibraltar dimanche prochain.

Prière informer Mme Bourhis, à Saint-Pierre-Quilbignon. »

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HMS Durban

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Cinq jours de dérive, seul dans une embarcation où vraisemblablement l'eau et les vivres devaient manquer, ont dû considérablement déprimer Joseph Bourhis.

Avait-il des compagnons au moment du départ ?

Les hypothèses les plus tragiques pouvaient s’offrir à l'esprit.

 

Au bureau du port on s'est hâté d'aviser M. le maire de Saint-Pierre, afin que la bonne nouvelle soit rapidement transmise à la famille du sauveté.

 

Peu après, nous accompagnons le garde champêtre chargé de la mission.

Au sortir de la rue Jean Jaurès, des ruelles qui s'entrecroisent, puis à une centaine de mètres, la maison des époux Bourhis, parents du pêcheur, route de Kerraros.

 

Le père, ouvrier de l'arsenal en retraite et la mère sont là. Ils accueillent la nouvelle avec la placidité des fatalistes.

 

Leur fils Joseph, célibataire, a 38 ans.

Depuis longtemps il n'habite plus avec eux, car il a embrassé la rude profession des pécheurs de goémon.

 

Pendant des mois et des mois il disparaît pour aller se fixer dans les îles de l'archipel molénais, d'où il est bien malaisé d'entretenir des relations épistolaires.

Aussi les parents ne s'inquiètent-ils guère au cours de ces disparitions momentanées.

 

Ils savent que Joseph gîte à Quéménès, que son patron est M. Floch, qu'il s'emploie à la récolte du goémon sur les rochers voisins et au labourage de quelques maigres champs, puis attendent sans angoisse ses retours inopinés.

 

Cette fois cependant ils sont quelque peu surpris d'apprendre qu'il lui faudra passer par Gibraltar pour rentrer de Quéménès à Saint-Pierre-Quilbignon.

 

M. Bourhis émet un avis.

Son fils, lassé de voir s'écouler les heures inemployées d'un dimanche sans joie, a sans doute voulu fuir cet îlot.

Pour gagner le continent, il a emprunté une barque et mis le cap vers les falaises du Conquet qu'un clair soleil fait apparaître toutes proches.

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Mais un rude obstacle s'oppose à l'accomplissement de ce projet.

Un courant marin très violent roule entre l'archipel et la terre et il est bien téméraire de vouloir lui faire front avec le simple concours de deux pauvres avirons ou d'une maigre toile.

 

Ainsi Joseph Bourhis se vit sans doute entraîner vers le large et bientôt lassé d'inutiles efforts s'est abandonné au destin…

 

Ce destin ne lui fut pas trop sévère car au cours des nuits, depuis dimanche, errant sans feu sur cette route maritime si fréquentée, il eût pu maintes fois être broyé par l'étrave d'un cargo.

 

Et voici que tout ceci, à prendre pour exacte l'hypothèse du père, se termine pour lui par un voyage à Gibraltar sur un des beaux croiseurs de S. M. britannique.

 

Conclusion momentanée sans doute, car quelque personnage trop curieux ou trop intéressé ne manquera pas de lui demander au retour des nouvelles de l'embarcation.

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