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1930 - Audacieuse agression nocturne à Plourin Ploudalmézeau

La Dépêche de Brest – 6 Janvier 1930

AUDACIEUSE AGRESSION NOCTURNE

PRES DE PLOURIN PLOUDALMEZEAU

Un cultivateur a la gorge et la langue coupées à coup de rasoir

DES VOISINS, APPELÉS PAR LA FEMME DE LA VICTIME, 

CRAIGNANT LE RETOUR DES AGRESSEURS,

ONT LAISSÉ LE BLESSÉ SANS SOINS 

JUSQU’À HUIT HEURES DU MATIN 


Un drame sanglant s'est déroulé la nuit dernière,

sur le bord de la route de Plourin-Ploudalmézeau à Argenton 

au lieu dit « Ty Douar » (maison de terre). 

Là, dans une petite ferme, très pauvrement meublée, à laquelle

on accède par un chemin boueux, habitent les époux Prigent Léostic,

le mari âgé de 56 ans et la femme, âgée de 40 ans. 
 

Un appel dans la nuit 


Les deux époux, couchés dans des lits clos, dormaient à poings fermés, lorsque, vers 3 heures du matin, on frappa

à l'unique fenêtre de la maison. 


Réveillé en sursaut, Léostic se leva et cria :

« Qui est là ? Que voulez-vous ? » 


Viens vite, Prigent, répondit-on. 
Cloâtre, de Lann-Bihan, te réclame pour soigner sa vache, qui va vêler. 


Léostic s'habilla en hâte et sortit par une porte s'ouvrant sur un pré. 

 


Cris d'épouvante


Tout aussitôt, Mme Léostic, demeurée au lit, entendit, nous a-t-elle dit,

« les cris d'un homme qu'on égorge ». 


C'était, en effet, son mari qu'où égorgeait et qui s’affaissa près d'un vieux puits, perdant son sang en abondance. 


Affolée, ne prenant même pas le temps de passer un jupon,

Mme Léostic courut en chemise et pieds nus vers le village de Kergastel, distant de 400 mètres environ, où elle réveilla

les époux Cloâtre et Laot. 


D'une voix entrecoupée par des sanglots, elle leur dit que des brigands venaient de tuer son mari et les supplia de la suivre à la ferme. 


François Cloâtre, 43 ans; Eugène Laot, 30 ans, et Jean Sylvestre, ouvrier agricole, 40 ans, se rendirent en effet jusqu'à « T'y Douar ».

Léostic était toujours à l'endroit où il était tombé.

Sans doute sans connaissance, il ne répondait pas aux questions

qui lui furent posées. 


On le crut mort. 

 


Fuite éperdue 


A ce moment, l’un des trois hommes aperçut de la lumière

dans le grenier. 

 

Ils sont encore là, dit quelqu'un. 


Alors, perdant tout sang-froid, sans même se demander

si le malheureux couché sur l'herbe avait réellement rendu

le dernier soupir, ils retournèrent à Kergastel avec la femme Léostic, qui s'installa près du foyer. 


Mais personne ne songea à se coucher. 


Les hommes, portant des lanternes, allèrent de ferme en ferme colporter l'horrible nouvelle.

On informa ainsi successivement MM. Fily, garde-chasse ;

Cadou, Gélébart, Pervès, fermiers; Mengam, maire de Larret;

enfin, le frère et les neveux de la victime. 

 


La gendarmerie est avisée 


C'est l'un de ces derniers qui se chargea d'aller aviser

la gendarmerie de Ploudalmézeau. 


A l'aube, le maréchal des logis-chef Sylvestre, chef de la brigade,

et les gendarmes Fer et Quéméneur étaient sur les lieux. 


Une large flaque de sang rougissait l’herbe, entre le puits et la maison,

mais pas de blessé.

Qu'était-il devenu?

Les portes de la ferme étaient closes. 


Les gendarmes prêtèrent alors l'oreille et perçurent, des plaintes

dans l'intérieur de l'immeuble.


A coups de madriers, les gendarmes enfoncèrent, la porte principale

et trouvèrent le malheureux Léostic dans son lit. 


Ayant repris ses sens, le pauvre homme, perdant toujours

son sang, s'était traîné sur les genoux, avait, barricadé les deux portes pour empêcher un retour offensif des assassins, puis s'était couché, pensant qu'on ne tarderait pas à venir lui porter secours.


Prigent Léostic était méconnaissable, un coup de rasoir, porté par derrière, lui avait fendu la gorge d'une oreille à l'autre;

la joue droite était, tailladée, ainsi que les lèvres et la langue. 


Cette dernière blessure empêchait le blessé de parler.

On crut toutefois qu'il indiquait que son assassin était un jeune homme.

Et, comme avec le doigt il indiquait le grenier, on y monta. 

 


Le vol a été le mobile du crime 


Dans cette mansarde, où couchait jadis la petite Léostic,

âgée de neuf ans, actuellement en pension à Porspoder,

tout, était en désordre. 


Deux grandes armoires avaient été fouillées et leur contenu

était pêle-mêle, sur le plancher et sur le lit. 


Mme Léostic arriva à ce moment et constata que les cambrioleurs

avaient emporté l'argent, qui s'y trouvait.

Peu de chose en vérité : un billet de 50 francs

et deux ou trois billetsde dix francs. 


C'est donc pour voler que les malfaiteurs avaient commis leur crime. 

 


Le blessé est transporté à Brest 


Entre-temps, un vicaire de Plourin était venu adresser quelques paroles, d'encouragement à la victime et M. le docteur Le Meur,

de Ploudalmézeau, après avoir procédé à un pansement sommaire, avait ordonné le transport du blessé à la clinique du docteur Pouliquen, à Brest. 

 


Le parquet sur les lieux 


Avisé du drame, M. Legros, procureur de la République,

s'est rendu dans l'après-midi sur les lieux du crime avec M. Le Meur, juge d'instruction et M. Larny, greffier. 


Le capitaine de gendarmerie Bonnet commandant de l'arrondissement,

arrivé plusieurs heures avant, mit aussitôt les magistrats

au courant de ses constatations.

On les connaît. 

Puis le juge et le procureur, après avoir entendu Mme Léostic,

encore sous le coup de l'émotion causée par les tragiques événements de la nuit, se rendirent à travers champs dans plusieurs fermes,

où ils perquisitionnèrent et interrogèrent les habitants. 


Nous croyons savoir que ces investigations, opérées avec un soin méticuleux par les distingués magistrats du parquet de Brest,

ont permis de recueillir de précieuses indications,

qui vont orienter l'enquête. 


Tout laisse supposer que c'est dans le pays même

qu'il faut chercher les coupables.

 

On croit qu'ils étaient deux ou trois. 


L'accent de l'homme qui appela était celui des habitants du Léon.

D'autre part, l'assassin connaissait très certainement les aîtres

et les habitudes des gens de la maison. 


M. le capitaine Bonnet, dont on connaît l'activité,

le maréchal des logis chef Sylvestre et les gendarmes de la brigade

de Ploudalmézeau poursuivront aujourd'hui leur enquête. 


Cette affaire criminelle a naturellement causé une énorme émotion

dans la région et, hier, à Ploudalmézeau comme à Plourin,

à la sortie des offices, il n'était question que de ce drame,

commis avec une audace inouïe.

 


L'état du blessé 


Le bruit de la mort de Prigent Léostic a couru dans l'après-midi.

Il n'en est heureusement rien. 


Transporté à la clinique de la rue d'Aiguillon, le blessé a reçu les soins

du docteur de La Marnierre. 


Interviewé par nous dans la soirée, ce praticien nous a déclaré

qu'il n'y avait pas de danger immédiat.

Les plaies ont été suturées et si aucune complication ne se produit,

la guérison sera assez rapide. 


E. ABGRALL

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La Dépêche de Brest – 8 Janvier 1930

Le drame de Plourin-Ploudalmézeau

 
Interrogé, hier, M. Prigent Léostic n'a pu faire connaître

le signalement de son agresseur

 
L'état de santé de la victime s'est amélioré 


M. Le Meur, juge d’instruction, accompagné de M, Lamy, greffier, s'est rendu, hier matin, à la clinique de la rue d’Aiguillon, où il a pu s’entretenir

quelques instants avec M. Pigent Léostic, blessé par un malfaiteur

dans les tragiques circonstances que l’on connaît. 


La victime, dont l'état s'est amélioré, a déclaré que la nuit était si noire

qu'il n a pu reconnaître son agresseur. 


Saisi aux épaules par l'homme, qui lui sembla avoir une taille au-dessus

de la moyenne, il fut d'abord terrassé, puis frappé à la gorge

avec un rasoir ou un couteau bien affilé.

Il eut, a-t-il dit, l’impression qu'on lui « coupait le cou »

et perdit connaissance. 


Lorsqu'il reprit ses sens, il rampa jusqu’à son lit et attendit,

qu'on vint le secourir, s’efforçant d’arrêter le sang qui giclait encore de ses affreuses blessures. 


Etant, donné l'état de faiblesse du blessé, le juge n'insista pas

et posa quelques questions à Mme Léostic' accourue au chevet

de son mari avec l'une de ses belles-sœurs, qui habite Brest.

 


L'enquête 


Cependant, le maréchal des logis-chef Sylvestre et tous les gendarmes

de la brigade, de Ploudalmézeau poursuivaient leur enquête

dans le pays, en suivant les directives données par le capitaine Bonnet. 


Nous ne pouvons encore rien dire sur la marche de cette enquête qui,

on l'espère, donnera bientôt des résultats. 


Bornons-nous à ajouter que cette tentative d'assassinat n'a rapporté

à son auteur qu'une somme de moins de cent francs,

alors qu'il y avait dans la même armoire trois ou quatre billets

de mille francs et, au rez-de-chaussée, au fond d'un lit clos,

des bons de la défense, d'une valeur de 23.000 francs. 


Le malfaiteur .connaissait très certainement l'existence du magot.

Mais, s'apercevant que Mme Léostic, alertée par les cris poussés

par son mari, avait précipitamment quitté la ferme pour chercher

du secours, il n'a pas poursuivi ses recherchée et s'est sauvé

avec un très maigre butin.

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Drame Plourin E2.jpg
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La Dépêche de Brest – 17 Janvier 1930

LA SAUVAGE AGRESSION DE PLOURIN-PLOUDALMEZEAU

 

L’agresseur présumé de M. Prigent Léaustic

a été arrêté hier soir et écroué à la prison du Bouguen

 

Il proteste de son innocence

L'étrange et sanglante affaire qui jeta l'émoi dans la région

de Plourin-Ploudalmézeau, au cours de la nuit du 4 au 5 janvier,

sera-t-elle bientôt éclaircie ?

Il est permis de le croire.

L'enquête doit maintenant, à moins que ne se produise un fait nouveau, toucher à sa fin. 


Menant leurs investigations avec clairvoyance et minutie,

l'inspecteur principal Pujol et l'inspecteur Chélin de la 13e brigade mobile, ont perquisitionné chez un neveu de la victime, Sébastien Léaustic, 19 ans, demeurant non loin de Ty-Douar

où fut commise la sauvage agression. 

 


Étonnantes découvertes 


Au cours de leurs recherches, les deux policiers furent amenés à faire d'étranges découvertes, qui déjà font l'objet de tous les commentaires. 


On a, en effet, trouvé dans les objets appartenant à Sébastien Léaustic, un rasoir tout neuf, lequel avait été acheté la veille même du drame,

à la foire de Saint-Renan. 


La lame du rasoir avait été essuyée, mais à sa base elle portait des traces de sang, ainsi que dans la gorge intérieure du manche. 


De plus, les enquêteurs remarquèrent qu'une casquette, le pantalon

et des draps de lit étaient également maculés de taches suspectes. 


Interrogé, le jeune homme contre lequel étaient relevées ces lourdes présomptions ne fournit que des explications embarrassées, 

dont certaines étaient d'ailleurs par trop vagues. 

 


Pourquoi ce geste criminel ? 


On se souvient de la tragique agression : M. Prigent Léaustic était réveillé au cours de la nuit par un homme qui, après avoir frappé à la fenêtre, lui cria : 

« Viens vite! Cloâtre, de Lann-Bihan te réclame pour soigner

sa vache qui va vêler ». 


A cet appel, le fermier se leva, s'habilla et sortit pour tomber

sous les coups d'un forcené. 


Quel avait pu être le mobile de cette agression ?

Sans doute le vol.

A qui pouvait profiter ce vol ?

Telle était la question à résoudre. 


Les soupçons s'égarèrent un instant sur deux hommes, qui n'eurent

pas de peine à se justifier par des alibis facilement vérifiables. 


Peu à peu, le champ de l'enquête se circonscrit.

Enfin, Mme Prigent Léaustic déclara qu'elle avait reconnu dans l'appel nocturne, cause initiale du drame, la voix de son neveu,

Sébastien Léaustic. 


Interrogé sur l'emploi de son temps pendant la nuit tragique, le jeune homme fournit des explications aussi imprécises que contradictoires.

 

Il n'a toutefois pas cessé de protester avec toute son énergie de son innocence, répétant sans cesse : 


« Ce n'est pas moi, je n'ai rien fait ».


A L'INSTRUCTION 


L'accusé persévère dans son système de défense 


Amené hier à Brest, a titre de prévenu libre, Sébastien Léaustic a été, dans l'après-midi, introduit dans le bureau de M. Le Meur,

juge d'instruction. 


A 18 h. 30, après un interrogatoire précis, il en ressortait inculpé,

pour être conduit à la prison du Bouguen par l'inspecteur Chelin. 


Des aveux formels ont-ils été obtenus ? 


Il n'est pas encore possible de le dire, le juge d'instruction observant

à cet égard une réserve absolue, pour cette raison que l'enquête

n'est pas terminée.

Nous croyons toutefois savoir que l'inculpé, sans avouer quoi que ce soit de précis, dit : « Je suis prêt à faire des excuses à mon oncle ! » 


Propos bien étrange en vérité ! 


Sébastien Léaustic, que nous avons entrevu, est un adolescent doué d'un physique d'apparence chétive.

Derrière une arcade sourcilière très avancée, ses petits yeux noirs mobiles n'aiment pas à soutenir un regard direct. 


Une physionomie sèche, maigre, têtue, auréolée de cheveux raides, 

sortis d'une casquette posée sur le sommet du crâne. 


L'inculpé, qui ne paraît pas se rendre un compte exact de ses responsabilités, a l'air tout simplement d'un « monsieur bien ennuyé ». 


Ajoutons  enfin que l'état de santé de la victime ne cesse,

fort heureusement, de s'améliorer. 

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La Dépêche de Brest – 9 Juillet 1930

AUX ASSISES 


Vol qualifié et tentative d'assassinat 


Sébastien Léaustic est accusé de vol qualifié

et de tentative d'assassinat. 


Sébastien Léaustic, jeune homme de 20 ans, cultivateur à Kerlélen,

en Plourin-Ploudalmézeau, est un solide garçon, d'allure froide,

correctement vêtu, et qui, nettement, avec calme, va répondre

aux questions de M. le président des assises et se défendra énergiquement, niant tout ce qui peut l'accuser. 


M. Bertin, conseiller à la Cour d'appel, préside l'audience,

assisté de MM. Dufour et Dubois, juges au siège. 


Ministère public : M. Dramard, substitut.

Défenseur : Me Alizon. 

 


L'acte d'accusation 


Sébastien-Yves Léaustic, âgé de 19 ans, aîné d'une famille

de sept enfants, habitait au village de Kericlen, en Plourin,

avec sa mère, veuve, qu'il aidait dans l'exploitation de sa ferme. 


Dans la nuit du 4 au 5 janvier 1930, vers 20 h. 30, il se rendit

à Ty-Taouach, ferme située à deux kilomètres environ de la sienne,

où demeurait son oncle paternel Prigent Léaustic, âgé de 56 ans,

et son épouse, née Marie Mingam. 


Il frappa au carreau de leur fenêtre, en criant en Breton:

« Prigent! Prigent! Viens aider à vêler une vache à Landes-Kergastel. » 


Prigent Léaustic se leva et s'habilla, et à peine eut-il franchi le seuil

de sa porte qu'il fut assailli par son neveu Sébastien, qui d'une main le saisit, et de l'autre lui taillada la tête et le cou avec un rasoir. 


Prigent Léaustic réussit à deux reprises à arracher le rasoir des mains

de son agresseur, mais celui-ci reprenant son arme continua à en frapper sa victime, qui tomba à terre.

Il lui porta alors un coup de pied sur la tête et il l'abandonna,

le croyant mort. 


L'accusé pénétra ensuite dans la maison d'où la femme Léaustic,

effrayée par les cris de son mari, venait de s'enfuir sans avoir pris

le temps de se vêtir.

Au grenier, il bouleversa et fouilla deux armoires.

Dans l'une qui était fermée à clef, et dont il fractura la serrure

à l'aide d'une forte pression, il s'empara d'un billet de 50 fr. 

et de billets de 10 fr., dont le nombre n'est pas supérieur à cinq. 


La survenance des époux Cloâtre, que la femme Léaustic était allé prévenir, interrompit les recherches de l'accusé, qu'ils entendirent descendre précipitamment l'escalier du grenier, où ils avaient remarqué 

de la lumière et qui disparut. 


La femme Léaustic, de retour elle-même ainsi que MM. Laot et Silvestre, virent à lumière d'une lanterne, Prigent Léaustic, 

étendu à terre entre la porte et le puits, baignant dans son sang

et ne donnant plus signe de vie.

Le croyant mort, ils le laissèrent là. 


Mais revenu à lui, Prigent Léaustic eut la force de rentrer dans sa maison, de s'y barricader et de rejoindre son lit, où les gendarmes, prévenus du crime, le trouvèrent, vers 7 heures du matin. 


Transporté dans une clinique de Brest, il fut examiné par le médecin légiste, qui constata que sa face, son front, son nez, son menton

et son cou étaient sillonnés en tous sens par des incisions plus ou moins longues et plus ou moins profondes, dont les plus graves siégeaient au cou.

La langue elle-même était sectionnée. 


Les blessures se sont cicatrisées, mais Prigent Léaustic n'est pas encore complètement remis.

La culpabilité de l'accusé est nettement établie. 


Etant neveu de la victime, il connaissait parfaitement les aîtres

de la maison. 


En outre, non seulement il est formellement accusé par Prigent Léaustic

et par sa femme, qui l'ont reconnu, à la voix, lorsqu'il les a interpellé

pour le faire sortir de chez lui, mais encore son pantalon, son veston, son rasoir et même le drap de lit étaient maculés de sang humain

et frais dont il n'a pu fournir aucune explication plausible.

L'accusé avait acheté son rasoir pour son usage personnel, a-t-il prétendu, à la foire de Saint-Renan, dans l'après-midi du 4 janvier,

quelques heures avant le crime. 


Interrogé sur l'emploi de son temps au cours de la soirée, il a fourni

des réponses mensongères et contradictoires, prétendant d'abord s'être couché à 20 heures, dès son retour de la foire, puis, 

comme sa mère révéla qu'après le souper il avait fait cuire des betteraves, qu'il s'était couché à minuit. 


Sébastien Léaustic n'a pas d'antécédents judiciaires.

Il est présenté comme violant, brutal et aimant faire la fête. 

L'interrogatoire 


Le rasoir sera à la base de l'accusation.

Cette arme, qui aurait servi au crime, a été examinée par des experts: 

du sang fut trouvé sous des rivets, et lorsque le président pose à Léaustic des questions à ce sujet, l'accusé répond : 

— Je me suis écorché en me rasant ;

— il est possible que ce soit la cause du sang trouvé sur le rasoir. 


Il ajoute sans s'émouvoir :
— Si j'avais commis le crime qui m'est reproché, je n'aurais pas gardé l'arme ou je l'aurais nettoyée avec soin. 


Le président sceptique: 
— Vous n'avez pas pensé aux rivets et a la rainure ?... 


— Je suis innocent... 


On arrive à l'examen des vêtements, et les experts ont trouvé,

sur le pantalon et sur la veste, du sang humain. 


Comment expliquez-vous la présence de sang humain

sur vos vêtements et sur les draps de votre lit ? 


— Je me suis blessé à la jambe d’un coup de faucille,

au mois d'octobre; je me suis pansé moi-même, le sang a pu sauter 

sur ma veste. 


Le président.

— Vous n'avez jamais parlé de cette blessure. 
— Si... De plus, je saignais très souvent du nez... 


Le président s'étonne de ces nouvelles déclarations,

qui ne sont pas consignées dans le dossier.

Il ajoute: 
— Depuis que vous avez été arrêté, avez-vous saigné du nez ? 
— Une fois, a Brest. Jamais depuis ma détention à Quimper. 


Le lendemain du drame, Léaustic aurait assisté au récit de l'attaque

de son oncle et serait resté, dans son lit-clos, sans mot dire, sans se montrer, et les trois personnes présentes dans la maison 
où elles racontaient le drame, n'ont pas vu Léaustic dans son lit. 


Léaustic n'explique rien.

 
Vous saviez que votre oncle avait touché récemment 25.000 francs ? 
— Oui. 


Le voleur est allé directement au grenier, où se trouvait l'argent;

donc il connaissait l'endroit où il était enfermé ;

mais il a été dérangé dans son travail. 


— Je ne suis jamais allé dans le grenier. 
— Ce n'est pas ce que dit votre tante…


L'accusé reste muet. 
 

Les témoins 


Silvestre, maréchal des logis à Ploudalmézeau, qui a fait les premières constatations et interrogé Sébastien Léaustic, signale de nombreuses contradictions dans ses déclarations et celles des témoins. 


Les renseignements recueillis sur l’accusé sont plutôt mauvais. 


Prigent, Léaustic, oncle de l’accusé, fait le récit de l'attentat

dont il fut la victime: 

— Je suis certain que c'est lui qui m'a attaqué; 

cela a toujours été dans mon idée !

 
Sébastien Léaustic, se levant 
— Il se trompe. 


Le président, à Prigent Léaustic: 
— Votre neveu savait-il que vous aviez de l'argent ? 
— Oui, certainement. 


Mme Léaustic, femme de la victime, tante de l'accusé: 
— J'ai bien réfléchi; je n'ai rien dit les premiers temps, j’avais peur ;

mais maintenant, j’affirme que j’ai bien, la nuit du crime,

entendu la voix de mon neveu.

Un incident se produit au sujet des premières déclarations du témoin

à la police mobile, mais Mme Léaustic maintient son accusation.

Le docteur Emile Mignard, médecin légiste à Brest,

a examiné la victime.

Il n’a jamais vu une figure aussi tailladée et de semblables blessures

au cou, dont l’une profonde avait 15 centimètres de long et faite certainement avec un rasoir.

La langue, également, était coupée ainsi que les mains.

L’honorable docteur affirme que la tentative d’assassinat

n’est pas douteuse : seule la mobilité de la lame de l’instrument

a évité que les blessures aient été mortelles.

M. Léon Farey, directeur du laboratoire municipal de Brest,

affirme avoir retrouvé du sang humain sur le rasoir et sur les vêtements.

Il est très formel dans ses déclarations, ce qui amène une assez vive controverse avec la défense. 


Divers autres témoins sont entendus, puis l'audience est levée. 

La Dépêche de Brest – 10 Juillet 1930

Vol qualifié et tentative d'assassinat 


SÉBASTIEN LÉAUSTIC EST ACQUITTÉ

 

Cette seconde audience commença hier matin, à 9 heures,

par le réquisitoire du ministère publique.

M. Framard, substitut, fit un très net exposé des charges relevées

contre Sébastien Léaustic.

En un style élevé, il a, dans une émouvante péroraison, fait appel

aux jurés, dont la décision doit être un frein pour des crimes futurs.

Sans écarter les circonstances atténuantes, l’éloquent substitut

demanda une condamnation juste et nécessaire.

 

La Plaidoirie

Me Alizon avec sa voix chaleureuse, avec sa grande expérience,

a repris, point par point, toutes les accusations portées

contre son client.

Qu’il soit question du rasoir, des tâches de sang, des rapports

des experts, l’habile défenseur se basant sur des documents et des exemples, réduit à néant tous les arguments du ministère public.

Il expliqua les motifs ayant amené des variations dans les déclarations

de certains témoins.

Faisant un magnifique tableau de la famille Léaustic,

Me Alizon implora un verdict de clémence.

Son client doit bénéficier du doute, aucune preuve sérieuse

ne pouvant être retenue contre lui. 


La remarquable plaidoirie de Me Alizon fit une impression très vive

sur les jurés, dont la réponse affirmative, même mitigée

par les circonstances atténuantes, vaudrait à Sébastien Léaustic

un minimum de cinq ans de réclusion.

Me Alizon a prononcé hier une de ses plaidoiries les plus chaleureuses, dont les arguments précis ont été favorablement commentés. 

 


LE VERDICT 


Après une courte délibération, les jurés ont apporté

une réponse négative sur les deux questions qui leur étaient posées. 


En conséquence, Sébastien Léaustic a été acquitté

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Maître Pierre Alizon

Musée Breton de Quimper

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