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Fenêtres sur le passé

1929

L'île Molène de 1760 à 1793

 

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Source : La Dépêche de Brest 31 octobre 1929

 

On connaît l'étrange prière bretonne que la malignité des gens d'Ouessant prêtait à leurs voisins de l'île Molène, et qui se traduit ainsi :

Madame Marie de Molène,

Envoyez un bon naufrage à mon île,

Et vous, Monseigneur saint Ronan

N’en envoyez pas un seulement,

Mais plutôt deux et même trois,

Afin que chacun en ait sa part.

 

Habitués à vivre de la mer et à tirer d’elle leur subsistance, il est naturel que les insulaires de Molène se soient accoutumés à considérer comme un bienfait du ciel le bris sur leurs rochets de quelque bâtiment bien ventru, chargé de barriques pleines, de caisses de victuailles ou de bois précieux comme ce campêche que les forgerons de Ia Paganie utilisèrent longtemps faute d’autre emploi, pour allumer leurs foyers.

 

L’existence, sur l'île, était assez misérable, et le recteur lui-même n'y subsistait qu’en vendant du tabac, avec un bénéfice brut de 8 sols par livre, aux pêcheurs de l’archipel.

Aussi les magasins de la marine à Brest fournissaient-ils des vivres aux Molénais, « qui sans les bienfaits du Roi ne pourraient vivre, écrivait-on en 1786, et qu’il est important de retenir dans cette île pour la sureté de la navigation dans un passage très dangereux et très fréquenté ».

 

Les registres de catholicité de Molène, déposés aux Archives départementales, nous révèlent quelques détails saisissants de la rude vie de cette population d’à peine 160 âmes, où comptaient parmi les plus notables, vers 1760, les « capitaines de barques » Yves Le Marec, garde-magasin des effets du Roi, Jean-René Godefrin, François-Yves Morice et Yves Le Borgne, sans oublier Jean Le Gall et René Le Borgne, pilotes côtiers au service de Sa Majesté.

 

Le 29 septembre 1776, J. Bégoc, recteur, inhume en terre bénite « un soldat nommé Stranc, de la ville d’Aaken, décédé sur cette isle, parce que son capitaine et son major qui estoient Hollandais, et dont le bâtiment a fait ici naufrage, m'ont affirmé que ledit soldat estoit chrestien et de notre religion et ont esté présens à son enterrement presque tous les isliens ».

 

II n'y avait à Molène qu'un unique fonctionnaire, le sieur Jean-Baptiste Guény, brigadier des fermes du Roi, que sa femme Charlotte Learson rend père d'une fille en 1777.

Au mois d'août de la même année, un service est chanté à l'église pour le repos de Vincent Le Borgne, jeune homme de 24 ans, « lequel, écrit le recteur, on m'a assuré estre mort dans les isles au service de Sa Majesté en qualité de matelot ».

D'autres « proellas » sont pareillement célébrées, à la même époque, pour des matelots morts dans les hôpitaux de Brest, de Lorient et de Toulon, et, le 19 octobre 1780, pour Noël Cariou, noyé dans le naufrage d'un navire de Saint-Malo qu'il commandait en second, et qui avait fait côte aux environs de Port-Louis.

 

L'acte de décès suivant prouve que les femmes de l'île ne reculaient pas devant les fatigues et les dangers de la pêche hivernale en pleine mer.

« Le 3 février 1779, environ les 7 h. 1/2 du matin, un bateau de cette isle où il y avait 5 personnes allant à la pesche fut chaviré en sortant du port même, à la vue d'une grande partie des marins de cette isle qui, moyennant d'autres bateaux, allèrent le plus promptement possible les sauver et les ayant tous peschés et mis dans leurs bateaux à demi-morts, ils en sont tous revenus, excepté une nommée Marie-Josèphe Le Guilcher, jeune fille âgée de 18 ans, qui ne donna aucun signe de vie malgré tous les soins qu'on en eut, laquelle fut le lendemain ensevelie dans le cimetière de l'église de Saint-Ronan. »

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BACONNAIS Jean (1931) - Ile de Molène.jpg

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Baconnais Jean

1931

L'île de Molène

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