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Fenêtres sur le passé

1927

​

Une vieille bonne égorge quatre enfants à St. Thégonnec

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Source : La Dépêche de Brest lundi 14 novembre 1927

 

J'ai été le témoin attristé de bien des drames dans ma carrière déjà longue de journaliste.

 

Mais jamais encore je n'ai eu à rapporter forfait aussi odieux que celui commis, hier,

au village de Kerorven, en Saint-Thégonnec, par Marie-Jeanne Pouliquen, 61 ans, domestique de ferme.

 

Profitant de l'absence de ses patrons, cette mégère s'est emparée d'un long coutelas et a froidement égorgé

les quatre pauvres petits enfants confiés à sa garde.

 

Elle avait communié le matin

 

Née à Guiclan, Marie-Jeanne Pouliquen était employée depuis trois ans par les époux Alain Pouliquen —

le mari a 45 ans et la femme 35 — fermiers au village, de Kerorven.

 

Marie-Jeanne était fantasque — elle avait des manies de vieille fille, dit-on dans le pays —

Mais elle était courageuse à l'ouvrage et jamais ses patrons n'avaient eu de fautes graves à lui reprocher.

 

Hier matin, elle quitta la ferme au petit jour et se rendit au bourg pour assister à la première messe.

On la vit assister pieusement à l'office, et, lorsque tinta la clochette annonçant la communion,

elle s'avança à pas lents vers le chœur, s'agenouilla devant l'autel et accepta l'hostie que lui tendit le prêtre.

 

Personne n'aurait pu croire, à ce moment, que cette, femme allait commettre, une heure plus tard,

un quadruple assassinat.

 

À sa sortie de l'église, elle s'entretient avec ses amies.

Sa conversation ne révèle aucun trouble.

 

Les quatre kilomètres qui la séparent de Kerorven sont vite franchis.

 

La voici à la ferme.

 

Elle déjeune, procède à la toilette des quatre enfants :

Jean, 7 ans ;

Marcel, 6 ans ;

Anne-Marie, 4 ans ;

Antoinette, 18 mois.

​

L'attitude de cette domestique est la même que celle de chaque jour.

 

Elle vaque aux soins du ménage avec un calme parfait,

et c'est en toute tranquillité que M. et Mme Pouliquen

quittent à leur tour leur domicile, à 9 h. 30, pour aller à la messe au bourg.

 

Le drame

 

Que se passa-t-il alors ?

 

On ne le saura exactement que lorsque le petit Jean, l'aîné des enfants, pourra conter l'horrible tragédie dont il a été le témoin et la victime.

 

Mais lorsqu'on a vu les lieux on peut reconstituer la scène.

 

L'unique pièce du rez-de-chaussée de la ferme des époux Pouliquen

est longue, basse, meublée de lits clos et de vieilles armoires

grossièrement sculptées. 

Le sol est en terre battue. 

Aux poutres enfumées pendent des salaisons. 

À gauche, devant l'étroite fenêtre, une table ronde. 

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Au fond, la grande cheminée ; une crémaillère en fer forgé en occupe le centre.

 

Voilà le cadre.

 

Et c'est là, devant cette cheminée, que s'est déroulé le drame.

Brusquement, sans motif connu, Marie-Jeanne quitte le banc-coffre sur lequel elle était assise.

 

Elle prend un bout de bois et cale le loquet de la porte, pour que personne ne puisse ouvrir.

Le village de Kerorven se compose, en effet, de plusieurs immeubles.

Tous les fermiers du lieu vivent en parfaite intelligence et il leur arrive souvent d'entrer l'un chez l'autre, en voisins.

 

Horrible boucherie

 

Seule dans la maison avec les quatre enfants, l'ogresse choisit dans le tiroir de la table un solide couteau « Pradel », arme à manche de corne dont la lame a près de 10 centimètres.

 

C'est vers l'aîné, Jean, qui s'amuse avec son frère et ses sœurs, qu'elle se dirige, le poignard en main.

Elle le saisit à la tête, et, sans trembler, enfonce la longue lame dans le cou de l'enfant, sous l'oreille.

Croyant sans doute avoir tué le pauvre petit, elle enlève l'arme de la plaie et s'attaque à Anne-Marie.

​

Elle frappe avec la même sûreté de main.

Un flot de sang jaillit.

L'enfant, tombe et ne se relèvera plus.

 

Une seconde plus tard, Marcel, saigné de même façon,

s'écroule sur le cadavre de sa sœur.

 

Tout fait supposer que Jean crie,

supplie l'ogresse de cesser son horrible boucherie.

 

Ivre de sang, elle continue.

 

Et cette fois c'est la petiote de 18 mois, Antoinette, qu'elle égorge

 

La pauvre enfant, frappée deux fois, s'affaisse et s'étale au milieu

de la large flaque de sang qui grandit de minute en minute.

 

Satisfaite de son œuvre, Marie-Jeanne Pouliquen se lave soigneusement les mains, essuie le couteau, qu'elle remet à sa place habituelle,

et repart vers le bourg.

 

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Au presbytère

 

C'est vers la cure que la criminelle se dirige.

Elle frappe, demande à parler au recteur.

 

M. l'abbé Conseil, atterré, entend la confession de celle à laquelle il a donné la communion le matin même.

Il ne peut en croire ses oreilles.

 

— Vous avez fait cela ? Mais c'est impossible. Vous êtes folle...

— Non, j'ai dit la vérité, et je viens vous demander si vous pouvez me pardonner.

— Un crime semblable ne peut être pardonné, répondit le prêtre.

Allez tout de suite chez le maire et répétez-lui ce que vous venez de m'apprendre.

C'est affreux !

 

Alors, du même pas assuré, Marie-Jeanne gagne la demeure du maire, M.Pouliquen, un cousin à elle.

 

Le premier magistrat de la commune écoute le sinistre récit en se demandant s'il rêve.

 

Les détails donnés par la mégère sont si précis qu'il ne doute plus et fait enfermer la criminelle,

en attendant l'arrivée de la gendarmerie.

​

La découverte du crime

 

Mme Pouliquen rentre chez elle à midi un quart.

La pièce est sombre.

Elle n'aperçoit d'abord que son fils Jean, assis sur un petit banc, dans le fond de la cheminée.

 

Voyant le sang qui coule de la blessure de l'enfant,

elle se précipite :

« Qu'as-tu ? »

 

Les cadavres de ses enfants lui barrent le passage.

 

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La pauvre mère pousse alors un cri terrible, entendu dans tout le voisinage,

et tombe à genoux devant Marcel et Anne-Marie, dont la face, maculée de sang, est horrible à voir.

Antoinette, couchée sur la pierre du foyer, a perdu connaissance.

Mais le cœur bat encore.

 

Le village est en émoi. 

De tous côtés on arrive.

 

— Qui a fait cela ? demande-t-on à Jean.

— C'est Marie-Jeanne.

 

On cherche Marie-Jeanne, qui demeure introuvable.

 

Les blessés sont transportés à Morlaix

 

Le docteur Prat de Pleyber-Christ, arrive peu après avec le maréchal des logis-chef Pellerin et le gendarme Nédellec.

Le praticien ne peut que constater la mort de Marcel et d'Anne-Marie.

Il fait un pansement sommaire aux deux petits blessés, puis il les couche sur les coussins de son automobile,

qui file à toute vitesse vers l'hôpital de Morlaix.

 

Durant le trajet, les pauvres enfants sont assistés par M. le docteur Martin, venu spontanément offrir ses services.

On apprendra, dans la soirée, que leur état s'est amélioré.

On espère les sauver.

​

La veillée funèbre

 

Les routes sont peu fréquentées, la nuit, en cette saison,

et ce n'est pas sans mal qu'on accède au village de Kerorven.

 

J'aperçois heureusement deux gendarmes à l'extrémité

d'un chemin défoncé et boueux.

 

C'est ici.

 

Un brave cultivateur, un fanal d'écurie à la main, nous guide.

Toute la famille Prigent, silencieuse,

est assise autour de la table ronde.

Une bougie, placée dans un chandelier de cuivre, éclaire faiblement cette grande pièce humide et froide.

 

Une large mare de sang s'étale devant la haute cheminée.

Je porte les yeux vers les lits clos.

Aucun- d'eux n'est ouvert.

 

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C'est sur le sol, recouverts d'un drap et d'une couverture de laine verte, que reposent les deux cadavres.

 

— Nous sommes désolés, nous dit la pauvre mère.

Mais les gendarmes, ne m'ont pas autorisée à faire la toilette de mes deux pauvres -petits.

Ce n'est que demain, après l'arrivée du parquet, que nous pourrons les mettre dans leur lit.

 

— Nous les veillerons toute la nuit, ajoute le père.

 

Ces pauvres gens font effort pour ne plus pleurer, et c'est d'une voix mal-assurée

qu'ils me donnent les détails que l'on connaît.

 

Il y a là des oncles, des tantes, une voisine, Mme Guéguen.

 

J'apprends que le maire est venu proposer ses services et que le capitaine de gendarmerie Jolivet, de Morlaix,

a commencé l'enquête.

 

Elle sera poursuivie par le chef de brigade de Pleyber-Christ.

 

Tous les habitants du pays sont unanimes à déclarer que Marie-Jeanne Pouliquen n'est pas folle.

Depuis quelque temps, elle s'absentait souvent pour aller chez son frère, M. Laurent Pouliquen, fermier à Brogadéon.

Ses patrons ont dû lui faire des remontrances, et c'est, croit-on, par vengeance qu'elle a agi.

​

L'ogresse

 

Grande, sèche, les yeux mauvais, la criminelle est gardée

à vue, dans la ferme de M. Jacq, par le gendarme Stéphan.

 

Vêtue de noir, des chaînes luisantes aux poignets,

elle est assise devant un très beau lit clos en acajou.

 

Elle regarde sournoisement les gens qui entrent,

mais pas un muscle de son visage ne bouge.

 

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— Pourquoi avez-vous fait cela ?

— C'est mon esprit qui n'était pas bien.

 

C'est tout ce qu'on peut obtenir d'elle.

 

Au cours de la soirée, croyant que le gendarme ne suivait pas tous ses mouvements,

elle s'est approchée de la table et a voulu saisir un couteau.

On pense qu'elle voulait se faire justice, et c'est pour l'empêcher de renouveler ce geste

qu'on lui a passé les menottes.

 

Je quitte Kerorven à 21 heures, après avoir pressé une dernière fois les mains des malheureux parents

et m'être incliné devant les deux petits cadavres.

 

Au loin, dans la nuit, deux chiens hurlent à la mort.

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Source : La Dépêche de Brest le 15 novembre 1927

 

Saint-Thégonnec, 14 novembre

  

Dans cette cour plantée d'arbres fruitiers, les cris joyeux de quatre enfants retentissaient encore hier matin.

Deux d'entre eux sont à présent couchés sur la table d'anatomie dressée à l'abri d'un toit de branchages.

 

Les deux autres gisent sur des lits de l'hôpital de Morlaix, où l'on s'efforce de les arracher à la mort.

Dans la salle basse de la ferme, encore toute maculée de sang, des femmes gémissent.

 

Les parents des petites victimes, M. et Mme Alain Pouliquen, les yeux rougis par la veille et les larmes,

ont des regards qui disent toute leur détresse.

 

Au premier étage, M. Guilmard, procureur de la République; M. Le Meur, juge d'instruction, assisté de M. Lamy, greffier, interrogent les témoins du drame.

 

Dans un appentis voisin, la criminelle, Marie-Jeanne Pouliquen, est debout près d'un gendarme.

 

Le dos voûté, la tête enfouie dans un mouchoir, elle paraît sangloter.

Ses poignets s'encerclent d'une chaîne, et ses mains rouges et noueuses en semblent élargies.

Entre les doigts on voit encore des taches de sang.

On lui parle, elle sanglote plus fort, dresse la tête et montre deux yeux secs et froids.

 

Depuis la veille on a vainement tenté de lui arracher autre chose que cette déclaration :

— Je n'avais pas toutes mes idées quand j'ai agi ainsi.

 

Des voisins sont là tout près, mais aussi des gendarmes avec leur capitaine, M. Jolivet.

L'indignation est telle dans tout le pays, qu'on doit craindre une explosion de colère vengeresse.

​

Double autopsie

 

Les quatre enfants ont été littéralement saignés.

Les plaies démontrent une inconcevable sûreté de main.

L'arme dont s'est servie Marie-Jeanne Pouliquen

est un couteau parfaitement affilé.

​

Le petit Marcel, 6 ans, eut le larynx entièrement coupé.

Il est mort d'hémorragie et d'étouffement,

le sang ayant envahi l'organe sectionné.

La plaie que porte le cadavre d'Anne-Marie, 4 ans,

est longue de neuf centimètres.

Celle-là fut faite en quatre reprises.

La carotide et la jugulaire ayant été tranchées, l'enfant est morte exsangue.

 

M. le docteur Rousseau, médecin légiste, doit établir avec minutie

le bilan du drame.

Et il va compléter ses constatations à l'hospice de Morlaix.

 

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À l'hospice de Morlaix

 

Tout au bout de la salle réservée aux enfants, les deux autres victimes de Marie-Jeanne Pouliquen

gisent les yeux grands ouverts sur de petits lits blancs.

 

Des pansements où se marquent des taches sanglantes leur enveloppent la tête, le cou, la poitrine.

Jean, 8 ans, porte à gauche du cou, sous l'oreille, une plaie verticale.

On a dû lui suturer le larynx.

 

Encore torturé par le souvenir de l'effroyable scène à laquelle il assista, il délire puis appelle sa maman.

Son état fiévreux n'est point sans inquiéter ceux qui le soignent.

La plus jeune des enfants, Antoinette, 18 mois, a sur la gorge deux blessures parallèles qu'on a dû suturer.

Elle eut une veine jugulaire sectionnée.

Son état est également grave.

 

L'une des victimes raconte le drame

 

Jean Pouliquen, l'aîné des enfants, dont tout à l'heure le maître nous faisait l'éloge en déclarant

qu'il était le plus attentif et le meilleur de ses élèves, a pu être entendu ce matin.

 

Comme on l'interrogeait, il disait parlant de celle qui l'avait frappé :

 

— Elle était bonne pour nous et ne nous grondait guère.

 

Pendant que mes parents se trouvaient à la messe, Marie-Jeanne délayait de la pâte pour nous faire du far.

Nous étions tous quatre avec elle.

Au milieu de son travail, elle alla fermer à clef la porte qui donne sur l'écurie.

Puis elle prit un couteau qui se trouvait sur la table, revint vers moi près du foyer, me prit par l'épaule fit me renversa.

Ensuite, elle me releva le menton et mit son couteau dans mon cou.

Cela fait, elle m'a quitté pour saisir Marcel, lui en fit autant, ainsi qu'à Anne-Marie et à Antoinette.

 

M. le docteur Martin ne put permettre de prolonger davantage cette déposition

en raison de l'état de faiblesse de l'enfant.

 

Le mobile du crime

 

C'est en vain que les magistrats enquêteurs ont tenté de déterminer les causes de ce drame affreux.

 

— Nous n'avons eu avec notre bonne, nous répète M. Alain Pouliquen, aucune discussion,

et rien dans son attitude ne pouvait nous faire pressentir pareil crime.

 

— Elle n'était pas bien intelligente, précise une parente, mais elle n'était pas folle.

 

— Mon esprit n'était pas bien quand j'ai fait cela, reprend Marie-Jeanne Pouliquen,

et c'est tout ce qu'il est possible de lui arracher.

 

Elle discute sur la fermeture de la porte avant le crime, puis avoue enfin l'avoir pratiquée.

 

Mme Alain Pouliquen, entendue par M. le juge d'instruction, retrace les détails de l'épouvantable scène

qui s’offrit à elle lorsqu'elle revint de la messe.

 

Des voisins accourus à ses cris déposent également.

 

La reconstitution du drame

 

Enfin, d’après l'état des lieux, on reconstitue la scène.

Les gestes de Marie-Jeanne, préparant le far, sont attentivement suivis par les enfants, qui ont pris place

sur le banc circulaire dont la table est entourée.

Brusquement, elle interrompt sa tâche pour fermer la porte et s'empare d'un couteau sans que rien,

dans son attitude, n'ait pu éveiller la défiance des pauvres petits.

 

Elle saisit l'aîné, comme celui-ci l'indique, l'égorge et le repousse vers la pierre du foyer.

Puis, tandis que les autres demeurent épouvantés, elle les attire, par rang d'âge pourrait-on croire,

et leur fait subir le même sort.

L'un sur l'autre ils sont tombés, mêlant leur sang sur la terre battue, et demeurent là expirants,

tandis que la criminelle s'en va vers la cure réclamer l'absolution.

​

Après le crime

 

Marie-Jeanne Pouliquen, nous l'avons dit, avait au cours de la nuit, tandis qu'on la gardait dans une ferme voisine,

tenté de s'emparer d'un couteau pour, croit-on, mettre fin à ses jours.

On intervint à temps, comme on y parvint encore au début

de la journée, alors qu'elle portait la main vers un croc à biner.

À présent, enchaînée, elle ne pourra plus renouveler son geste.

 

Et ce soir, tandis que le parquet quitte le village endeuillé,

elle prend le chemin de Pleyber-Christ, où elle attendra demain le train qui la conduira vers la prison du Bouguen, à Brest.

 

Les obsèques

 

Tout le jour, M. Pouliquen, maire de Saint-Thégonnec, et M. Pouliquen, juge de paix, ont suivi, attristés, les opérations du parquet.

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L'autopsie terminée, les corps de Marcel et d'Anne-Marie ont été placés dans leur cercueil,

puis déposés dans la maison de leurs parents.

L'heure des obsèques, qui seront célébrées demain matin mardi, a été fixée à 9 h. 45.

La veillée, interrompue par les tristes nécessités de l'enquête, est à présent reprise.

Et les voisins, visiblement émus, apportent des fleurs, en douloureux symbole.

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Source : La Dépêche de Brest le 16 novembre 1927

 

La petite Antoinette Pouliquen, 18 mois, qui était comme son frère Jean l'objet des soins assidus du personnel

de l'hospice de Morlaix, est décédée hier soir.

 

Ce décès, que nous enregistrons avec tristesse, porte à trois le nombre des victimes de Marie-Anne Pouliquen,

la servante criminelle.

 

Il n'est plus qu'un espoir pour les infortunés parents : que Jean, leur aîné, survive à la grave blessure

qui inquiète toujours son entourage sans cependant avoir empêché de noter hier une amélioration dans son état.

 

Les obsèques de Marcel et Anne-Marie

 

Les obsèques des deux malheureuses victimes de l'horrible mégère de Saint-Thégonnec ont eu lieu hier matin

en toute simplicité.

 

Le père et la mère, prostrés dans la douleur, les yeux atones, suivaient le cercueil,

qui était entouré par une délégation d'élèves de l'école, portant des fleurs.

 

La municipalité de Saint-Thégonnec était représentée par un adjoint.

 

Nous avons également remarqué, dans la nombreuse assistance et la foule émue,

la présence de MM. F.-L. Guillou, conseiller général ;

Bléas, directeur de la Bretagne Hippique ;

Lapous, ancien notaire à Saint-Thégonnec ;

Emmanuel Queinnec, commerçant.

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La meurtrière à Brest

 

Nous l'avions annoncé hier: dans la journée,

Marie-Jeanne Pouliquen arriverait à Brest pour être écrouée

à la maison d'arrêt du Bouguen, à la disposition

de M. Le Meur, juge d'instruction.

 

Aussi de nombreuses personnes, curieuses de connaître les traits de l'abominable servante, stationnèrent-elles aux abords de la gare, aux heures d'arrivée des trains de Morlaix.

 

La meurtrière devait descendre de l'omnibus, de 14 h. 36.

 

Occupés à parfaire leurs procès-verbaux, les gendarmes

n'avaient pu, en effet, quitter Saint-Thégonnec avant 13 h. 30.

 

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Craignant des excès de la part de la foule, plusieurs centaines de curieux,  l'escorte décida de fréter un taxi

pour gagner la maison d'arrêt.

 

Les démonstrations hostiles se bornèrent donc à des cris ;

ces mêmes cris qui avaient retenti dans chacune des gares du parcours,

trahissant l'émotion et l'indignation suscitées par les sinistres exploits de Marie-Jeanne Pouliquen.

 

À Landerneau, en particulier, bon nombre d'hommes et des femmes attendaient l'arrivée du train.

Dès l'arrêt, le marchepied de la voiture où se trouvait la coupable, enchaînée, entre deux gendarmes, fut pris d'assaut.

Injures, menaces se firent entendre de tous côtés.

Sans la présence des agents de l'autorité, un triste sort eut été certainement réservé à la criminelle.

Des voyageurs ne parlaient de rien moins que de la mettre sans plus tarder dans le foyer de la locomotive.

 

La coupable est-elle folle ?

 

On se perd encore en conjectures sur le mobile du crime de Kerorven.

 

Certains témoignages recueillis, hier, laissent entendre que la servante des Pouliquen, leur homonyme aussi,

 haïssait ses maîtres, pour des raisons mal définies encore, que l'on trouvera sans doute dans l'examen

du caractère ombrageux de la criminelle.

 

Marie-Jeanne Pouliquen avait plusieurs fois quitté Kerorven pour vivre momentanément chez son frère.

Selon les déclarations d'une de ses nièces, la sexagénaire était autoritaire et souffrait constamment,

tantôt d'être soumise aux ordres de ses maîtres, tantôt d'être sous un toit qui, pour être celui de son frère ;

n'était pas le sien.

 

Un bruit circulait, hier, au Palais de justice, selon lequel une lourde hérédité pèserait sur Marie-Jeanne Pouliquen.

Des cas d'aliénation mentale auraient déjà été enregistrés dans sa famille.

L'instruction, que M. Le Meur va poursuivre avec sa minutie habituelle, éclairera sans tarder cette question des mobiles et de la responsabilité de la coupable.

 

Me Le Hir, du barreau de Morlaix, a accepté d'assister la nouvelle détenue du Bouguen.

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Source : La Dépêche de Brest le 17 novembre 1927

 

M. Le Meur, juge d'instruction, a commis le docteur Roland, médecin-légiste,

à l'autopsie du corps de la petite Antoinette Pouliquen, dont le décès à l'hospice de Morlaix

porte à trois le nombre des meurtres reprochés à Marie-Jeanne Pouliquen.

 

Cette dernière n'a pas comparu hier devant le magistrat instructeur.

 

Il importe en effet que l'enquête en cours soit complétée, qu'en découlent certains éclaircissements avant d'interroger la criminelle utilement.

 

La servante est-elle entièrement responsable ?

 

La question se pose toujours.

 

Que les investigations de la gendarmerie ne découvrent pas un mobile au crime et l'on en viendra alors, sans doute,

à faire examiner Marie-Jeanne Pouliquen au point de vue mental. 

Cet examen demandant à être effectué par un spécialiste et nécessitant d'assez longues observations,

la coupable serait, dans ce cas, transférée dans un asile.

​

Le crime, sujet de conversation

 

L'accueil réservé, mardi, à la mégère par la population de tous les lieux desservis par le train entre Pleyber-Christ

et Brest, a démontré l'émotion créée partout par la tragédie de Kerorven.

 

Le drame défraie toutes les conversations.

 

Toutes les considérations épuisées sur ce sujet, on en vient à passer en revue les crimes

qui ont tristement illustré notre région.

 

L'un d'eux, entre tous, retient particulièrement l'attention.

Il y a 25 ans, à Lesneven, plusieurs enfants, trois ou quatre, moururent successivement

dans des circonstances mystérieuses.

 On finit par établir le crime et en dévoiler l'auteur : une bonne.

Tout comme Marie-Jeanne Pouliquen, une servante de Lesneven avait décidé de supprimer les enfants de ses maîtres.

Mais, au lieu de les tuer tous ensemble, dans des flots de sang, elle les avait frappés à tour de rôle

et à quelque temps d'intervalle ;

la blessure, pratiquée à l'intérieur de la gorge, ne devait être découverte que trop tard.

 

On parle aussi des crimes de Brière, ce bûcheron qui égorgea ses cinq enfants ;

drame qui devait faire l'objet d'une complainte.

 

De cet autre crime de Saint-Pol-de-Léon, vers la fin de la guerre, resté impuni :

une jeune, fille frappée de dix-huit coups de couteau, en plein après-midi, un jour de marché, à proximité du bourg.

Sur les dix-huit blessures portées avec une sauvagerie déconcertante, plusieurs étaient mortelles,

l'une ayant, à plusieurs reprises, percé le corps de part en part.

Et, sur les lieux de l'attentat inexplicable, il ne s'était pas doublé d'une tentative de viol,

on avait relevé des traces de lutte et de fuite éperdue.

Des soupçons portèrent sur divers individus ;

l'un de ceux-ci fut même arrêté mais relâché, faute de preuves.

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Source : La Dépêche de Brest le 18 novembre 1927

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Source : La dépêche de Brest 2 mars 1928

 

Quimper, 1er mars.

 

Marie-Jeanne Pouliquen, la vieille servante qui, le 13 novembre dernier, égorgea les quatre enfants de ses maîtres,

à Saint-Thégonnec, s'est suicidée aujourd'hui, vers midi trente, dans son cabanon, à l'hôpital-hospice de Quimper.

 

Elle s'est servie d'une paire de ciseaux pour se trancher la gorge.

 

Déjà, elle avait tenté de se donner la mort à Brest, puis à Quimper,

quand le 14 janvier dernier elle voulut se tuer à la prison où elle venait d'être transférée.

 

À l'aide d'un instrument tranchant, elle s'était fait une large entaille à la gorge, se coupant la trachée,

ainsi que les grosses veines du cou.

 

Bien que grièvement blessée, il fallut, en raison de son état de surexcitation,

lui passer la camisole de force à l'hôpital, où elle avait été admise d'urgence.

 

Après une longue convalescence, elle était guérie, et dans la journée, passait son temps depuis quelques jours

à des travaux de couture avec ses compagnes, quand l'idée fixe la poursuivant toujours, elle s'appropria,

à l'insu de ses gardiennes, une paire de oiseaux.

 

Aujourd'hui, un peu après-midi, elle se retira dans son cabanon pour se donner cette fois le coup fatal.

On a retrouvé son cadavre, un peu plus tard, dans une mare de sang.

Marie-Jeanne Pouliquen était née à Guiclan, le 9 février 1866.

Elle avait donc 62 ans.

 

Elle disparait en emportant le secret de son affreux crime et dans l'idée arrêtée de se soustraire au châtiment.

 

Les assises étaient devenues son unique préoccupation

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Complaintes

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Source Criminocorpus.org

 

Auteur : Léon Bonnenfant

Editeur :

Nom : J. Ferrand

Adresse : 38, rue Tiquetonne, 2e

Commune : Paris

Localisation : Coll. J.F. "Maxou" HEINTZEN

Timbre : La Paimpolaise

Nombre de couplets : 8

Refrain : Non

Date : 1927

Commentaires :

Mémoire t. II, p. 154-155.

 

Lien : https://complaintes.criminocorpus.org/media/img/2017/10/13/CC0028.jpg

Complainte _01.jpg

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Source Criminocorpus.org

 

Auteur : Léon Bonnenfant

Editeur :

Nom : J. Ferrand

Adresse : 38, rue Tiquetonne, 2e

Commune : Paris

Localisation : Coll. particulière, BNF GrFolWz82

Timbre : Mon Paris

Nombre de couplets : 4

Refrain : Oui

Date : 1927

Commentaires :

Citée par Vincent Morel, Le phénomène de la complainte criminelle locale en Haute-Bretagne, maîtrise d'histoire inédite, Rennes, 1995, t. II, p. 153.

 

Lien : https://complaintes.criminocorpus.org/media/img/2017/10/26/CC0272.jpg

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Source Criminocorpus.org

 

Auteur : Non renseigné

Editeur :

Nom : Non précisé

Adresse :

Commune : Inconnue

Localisation : Coll. particulière

Timbre : C'est une chanson dans la nuit

Nombre de couplets : 3

Refrain : Non

Date : 1927

Commentaires :

Refrains différents. Photocopie d'un cahier de chansons (Collecte Vincent Morel).

 

Lien : https://complaintes.criminocorpus.org/media/img/2017/10/30/CC0657.jpg

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