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Fenêtres sur le passé

1921

Le crime de Huelgoat

Peine de mort

Dernière exécution publique à Quimper

Source : Le petit Breton

 

CHATEAULIN

 

L'ASSASSIN DU HUELGOAT EST ARRÊTÉ

 

L'assassin du malheureux Guingant a été arrêté dimanche matin

par la gendarmerie du Huelgoat.

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C'est un individu nommé Hervé Yves, 33 ans, de La Feuillée.

 

Les recherches effectuées par les gendarmes de Huelgoat et de La Feuillée,

assistés de l'adjoint au maire de La Feuillée, au domicile de l'assassin, ont été très laborieuses

et ont duré plus de deux heures.

 

Enfin, le ceinturon de la victime a été découvert, et finalement on a trouvé dissimulée sous une pierre

du mur de l'étable, une petite boite métallique, une vieille lampe électrique sans pile, contenant 1.950 francs.

 

Devant cette évidence et ne pouvant d'autre part donner l'emploi détaillé de son temps le jour du crime,

le misérable a fini par avouer son forfait, et a dit :

« Eh ! bien, oui c'est moi le coupable ! J'ai tué pour voler ; je mérite d'être tué ! »

 

À Huelgoat, dès lundi matin à 10 heure,

le bruit circulait avec persistance que la gendarmerie était partie à La Feuillée pour opérer l'arrestation du meurtrier.

 

Une foule énorme s'était portée sur la route, et attendait patiemment, sous la pluie.

Vers midi 10 dans un char-à-bancs, menottes aux mains, sous la surveillance étroite des gendarmes,

apparaît le meurtrier, pâle et défait.

 

Depuis le crime, c'est-à-dire depuis 10 jours, sans relâche, la brigade d'Huelgoat a été sur pied,

nuit et jour, suivant une piste, puis une autre.

 

Aujourd'hui, cette persévérance reçoit sa juste récompense : le meurtrier est enfin sous les verrous !

 

Quel soulagement dans toute la région !

 

Mais aussi quel étonnement, quand on a connu le coupable, qui appartient à une famille honorable

habitant le village de Kerborgain-Vian, en La Feuillée.

 

Quant au meurtrier lui-même, qui était assez avantageusement connu, il semblait qu'il fût à l'abri de tout soupçon, et, dans le village même de Kervran, où il habitait avec sa jeune femme et son enfant,

tout le monde était d'abord convaincu que la gendarmerie faisait fausse route.

 

Mis en cellule, à la brigade d'Huelgoat, Hervé a été gardé à vue toute la nuit.

 

Il a refusé toute nourriture et n'a accepté qu'un peu de café.

 

Hier matin, il a été conduit à Châteaulin.

 

Dans son village, au moment du départ, il est demeuré impassible, sans une larme,

lorsqu'il a embrassé sa femme en pleurs et son jeune enfant.

Le Crime du Huelgoat

 

Né à Brennilis, Hervé Yves, l'assassin a travaillé chez ses parents Jusqu'à l'âge de 15 ans.

 

Il se plaçait ensuite comme domestique de ferme

dans la Seine-et-Marne, puis à Vanves chez un jardinier

où il restait deux ans. 

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Il contractait une maladie et fut soigné dans un hôpital. Puis par le service militaire.

 

Il était incorporé au 118e de ligne à Quimper, et libéré se rendait à Paris où il trouva un emploi chez un jardinier.

 

Dans l'intervalle, il se maria et après avoir fait tout son service pendant la guerre,

il revint à Berrien ou il travailla aux mines de plomb d'Huelgoat jusqu'en Juin 1920,

époque à laquelle il prit la direction d'une ferme.

 

Hervé vivait en bonne intelligence avec sa femme et était père d'un enfant.

 

Il appartenait à une famille très honorable et jouissait lui-même d'une réputation ;

il avait contracté des dettes montant à 10.000 francs environ.

 

Le 20 janvier, Hervé partait de son domicile en bicyclette, emportant avec lui 2.700 francs environ

qu'il venait verser chez Maître Mével, notaire à Huelgoat, en paiement d’un champ.

 

Avant, de faire ce versement, il alla chez percepteur toucher200  francs,

dus à son père pour le décès aux armées de son frère.

 

Après avoir fait, un tour de foire.

 

Il se trouvait au débit Bégat, rue des Cieux, où, d'après lui, il ne rencontra personne.

 

Hervé, devant le juge d'instruction, a persisté dans cette déclaration.

 

Vers 5 heures, quittant Huelgoat, il prenait la direction de Saint-Herbot

et affirme qu'en aucun moment il n'est revenu sur ses pas.

 

Il s'est bien arrête à l'embranchement des routes de Plouyé et de Saint-Herbot pour consulter le poteau indicateur, n'ayant pas encore eu l'occasion de prendre cette direction,

et devant aller rendre visite à un de ses parents malade habitant dans les environs.

 

C'est pour cette raison, dit-il, qu'il n'avait pas rejoint son domicile par la voie directe.

Le récit du criminel

 

À l'instruction, sans l'assistance d'un avocat qu'il refuse

pour l'instant, mais se réservant pour l'avenir,

Hervé a fait le récit suivant :

« J’ai rencontré Guingant, que je ne connaissais pas,

j'ai échangé avec lui quelques réflexions sur la foire.

 

Il m'apprit qu'il venait de vendre un taureau

et avait sur lui le montant du paiement.

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C'est à ce moment seulement que la pensée me vint de le dévaliser.

 

Je portais sur moi un revolver provenant de l'armée, que l'avais emporté parce que possédant moi-même de l'argent

à mon départ de mon domicile je craignais d'être attaqué, c'est la cause initiale de mon crime.

 

Je sortis mon revolver de ma poche et l'armai précipitamment, Guingant dut apercevoir mon geste.

 

Je pressai la détente, l'atteignant de côté.

 

Il tomba en poussant des gémissements, et comme il se débattait, je tirai de nouveau plusieurs coups.

 

Après avoir constaté qu'il ne bougeait plus, je le trainai jusqu'au fossé de la route

et le fis basculer dans un pré en contre-bas pour pouvoir le dévaliser à mon aise.

 

J'enlevai le ceinturon de ma victime et en la fouillant,

je trouvai tout de suite dans une poche du gilet un portemonnaie contenant  2.000 francs.

 

Cela fait, avant de partir je cachai mon revolver dans la boue du fossé.

 

Il y restait encore trois balles.

 

À mon retour à mon domicile, à l’insu de ma femme, j'ai introduit les billets volés dans une lampe électrique de poche que je dissimulai sous une pierre dans le grenier à fourrages.

 

Le criminel qui, au début de son incarcération refusait toute nourriture,

accepte maintenant les aliments qu'on lui sert.

 

L'instruction poursuit son enquête au sujet, du crime analogue commis en décembre dernier près de Saint-Goazec.

Les aveux de l'assassin du Huelgoat

 

Hervé, le meurtrier de M. Guingant, du Rusquec,

qui revenait de la foire d'Huelgoat, le 20 janvier dernier,

a avoué à M. de Forcade juge d'instruction,

être l'auteur de l'assassinat de M. Le Du, près de Saint-Goazec,

le premier décembre 1920.

 

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Ce que dit Hervé

 

Voici les déclarations de l'assassin faites cyniquement, sans exprimer le moindre regret.

 

Après avoir réfléchi depuis mon dernier interrogatoire, je reconnais maintenant avoir été a Châteauneuf

le premier décembre 1920 et que dans la soirée j'ai tiré l'homme (sic) que vous appelez Le Du Alain,

mais que je ne connaissais pas.

 

Parti de chez moi à bicyclette, vers le milieu de l'après-midi, habillé de vêtements noirs à la mode de la ville et coiffé

d'une casquette, dans l'intention d'aller chercher de la chaux à Châteauneuf, je me suis rendu dans un restaurant

près de la gare où j'ai consommé et demandé des renseignements sur l'achat de cette marchandise.

 

Sur une réponse négative je partis et, en cheminant, pensant à mes dettes, a des parents, quoique à l'aise chez moi, désirant améliorer ma ferme en matériel, bétail, etc., je conçus l'idée d'un crime.

 

Vers le soir, je pris la route de Roudouallec comme une autre et roulais à bicyclette 5 ou 6 kilomètres.

 

La nuit était très noire et il pleuvait.

 

J'ai rencontré plusieurs personnes, mais accompagnées ou trop près des maisons pour que je puisse les attaquer.

 

Je m'arrêtai et, laissant ma bicyclette dans une garenne, je me postais à son entrée.

 

Dix minutes après, arrivait près de moi un homme seul dont j'avais déjà entendu les pas à 100 mètres environ.

 

Il ne parut pas me voir et je ne lui ai pas parlé.

Quand il m'eut dépassé, je tirai un premier coup de revolver qui le fit tomber tout de suite ;

il cria seulement : « Aïe ! » (sic).

 

Je l'achevai d'un autre coup à la tête, puis je le trainai à quelques mètres dans la garenne où je le fouillai.

 

Sur lui, j'ai trouvé quatre billets de 100 francs, six de 50 francs, une pièce de 5 fr. et 0 fr. 25. soit 705 fr. 25,

sans prendre autre chose.

 

Pendant ce temps, je n'ai été ni surpris ni dérangé par personne.

 

J'ai tiré sur celui-là comme sur n'importe qui, sans savoir s'il avait de l'argent, mais le supposant.

 

Le coup fait, j'ai repris la direction de Châteauneuf, traînant ma bicyclette à la main, vu le temps noir,

et de là, remontant sur ma machine, j'ai regagné mon domicile.

 

L'argent volé m'a servi à divers achats.

 

N'ayant pas été soupçonné de ce crime, j'ai pensé à commettre le second avec la même arme.

 

Hervé était assisté de Maître Prat, avoué à Châteaulin,

qui a demandé que son client soit visité par un médecin aliéniste.

 

Comme on le voit, il y a concordance parfaite entre les deux crimes, avec cette différence que dans le second,

le criminel a parlé à sa victime qu'il savait porteur de l'argent d'une vente d'un taureau.

 

Aux précédents interrogatoires, malgré les témoignages nombreux de ceux qui l'avaient vu à Châteauneuf,

qui l'avaient même reconnu, à 5 heures du soir, Hervé avait persisté à nier énergiquement.

 

C’est sur la menace d'être confronté avec le cadavre de sa première victime, qu'il s'est décidé à passer les aveux.

 

Il y a eu préméditation dans les deux cas.

 

Des renseignements fournis par les personnes ayant employé Hervé aux environs de Paris,

il résulte que sa conduite ne laissait rien à désirer.

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Audience du 9 Juillet

 

L'ASSASSIN DU HUELGOAT

 

Dans la matinée du 2 décembre 1920, le cadavre de M. Alain Le Du, cultivateur à Leuhan,

était trouvé dans une garenne, près du village de Bec-ar-Ménez, commune de Laz.

 

Il fut examiné par M. le docteur Le Gall, médecin-légiste,

qui reconnut que la mort était due à deux blessures par balles d'arme à feu.

 

Le Du n'avait pas été tué à l'endroit où son corps avait été découvert ;

il y avait été transporté après sa mort et placé dans une attitude pouvant faire croire à une mort naturelle.

 

Sur la victime on ne put retrouver qu'un mouchoir, or l'enquête révéla que le 1er décembre,

Le Du avait vendu à la foire de Châteauneuf-du-Faou d'où il revenait quand il fut tué,

une vache pour le prix d'environ 700 francs.

 

La gendarmerie et la police firent vainement des recherches pour découvrir l'assassin,

et l'émotion causée par ce crime était à peine calmée que le 21 janvier 1921,

on découvrait dans un champ à proximité du chemin de Ponty-Glaz, en Plouyé,

le cadavre d'un sieur Guingant Jean-Louis, cultivateur au Rusquec, en Loqueffret.

 

L'autopsie fut pratiquée par le docteur Bastit, médecin-légiste au Huelgoat ;

elle révéla que Guingant avait été tué de quatre balles de revolver du calibre de 7 millimètres environ,

qui l'avaient atteint à la tête et deux autres en plein corps.

 

L'enquête établit que le 20 janvier Guingant avait, à la foire du Huelgoat,

vendu un taureau à un sieur Navennec, de Kergloff, pour le prix de 2.000 francs.

 

Cette fois encore le vol avait certainement été le mobile du crime car aucune somme d'argent

ne fut retrouvée dans les poches de Guingant.

 

Les premières indications recueillies par la gendarmerie dirigèrent les soupçons sur le nommé Hervé Yves, 34 ans, cultivateur à Kerbrann en La Feuillée et ces soupçons se changèrent en certitude à la suite d'une perquisition

au cours de laquelle on découvrit dans du foin un ceinturon appartenant à la victime, puis sur un mur,

sous une pierre une lampe électrique de poche où était enfermée une somme de 1.950 francs

dont un billet de 500 francs en mauvais état semblant être celui remis par M. Navennec à M. Guingant.

 

Devant cette découverte, Hervé qui, jusqu'alors avait hautement protesté de son innocence et qui,

par sa gaieté et la liberté de son allure avait cherché à donner le change, se décida à passer des aveux.

 

Il s'était rendu déclara-t-il, à la foire du Huelgoat et en était parti vers 5 heures, prenant la direction de Plouyé.

 

Près du village de Kerfeunteun il accosta un individu qu'il ne connaissait pas

et qui lui apprit qu'il avait vendu un taureau 2.000 francs.

 

L'idée lui vint alors de s'emparer de cette somme.

 

Il attendit d'avoir parcouru une distance d'environ 200 mètres avant de la réaliser.

 

Il arma alors le revolver dont il était porteur et tira plusieurs balles sur sa victime qui, surprise, ne put se défendre ; puis celle-ci ne donnant plus signe de vie, il la roula dans le ravin qui borde la route,

fouilla la poche de son gilet et y trouva les 2.000 francs dont il s'empara ainsi que de son ceinturon.

 

Il revint enfin chez lui, se débarrassa du revolver en le jetant dans une douve et cacha l'argent provenant du crime.

 

L'analogie entre les circonstances du meurtre de Le Du à Bec-ar-Ménez, en Laz, le 1er décembre 1920

et celle du meurtre de Guingant dont Hervé se reconnaissait coupable,

amena à penser que ces deux crimes pouvaient avoir le même auteur.

 

On rechercha si Hervé n'était pas allé à la foire de Châteauneuf le 1er décembre 1920,

et l’on apprit qu’il s’y était effectivement rendu.

 

Interrogé à ce sujet, Hervé opposa tout d’abord des dénégations,

puis il se décida à reconnaitre qu'elles étaient mensongères et à avouer

qu'il était aussi l'auteur de l’assassinat de Le Du.

 

Il déclara qu'il était parti de chez lui à bicyclette dans l'après-midi du 1er décembre 1920

pour aller à Châteauneuf-du-Faou.

 

Il s'était muni d'un revolver car il avait, dès ce moment,

conçu l’idée de commettre un crime pour se procurer de l'argent en vue d'acheter du matériel de ferme.

 

En quittant Châteauneuf, il avait pris la route de Roudouallec, allant tantôt à pied, tantôt à bicyclette.

 

Il pleuvait et la route était très noire.

 

Il fit ainsi environ cinq à six kilomètres  et rencontra plusieurs personnes,

mais il ne put songer à les attaquer parce qu'elles n'étaient pas seules ou qu'elles se trouvaient trop près des maisons.

 

À un moment donné, il laissa sa bicyclette dans une garenne et se posta sur le bord de la route

où il se mit en embuscade.

 

Au bout de dix minutes d’attente,

il entendit le pas d'un homme seul qui venait dans sa direction à environ cent mètres de lui.

 

Il laissa cet homme, qui ne l'avait probablement pas aperçu, le dépasser un peu, sans lui rien dire,

puis il tira sur lui un coup de revolver qui l’atteignit au corps.

 

L'homme tomba, Hervé tira sur lui un, autre, coup à la tête, l'homme ne bougea plus.

 

Il le traîna à quelques mètres de lui, dans la garenne, la fouilla et prit son argent, soit 705 fr. 25.

 

Après son crime, Hervé prit sa bicyclette et rentra chez lui.

 

Il dépensa l'argent volé en divers achats pour les besoins de sa ferme.

 

Il déclara avoir tué Le Du qu'il ne connaissait pas comme il aurait tué n'importe quel autre cultivateur qui,

revenant de la foire, devait avoir de l'argent sur lui.

 

Il ajoutai qu’encouragé par l'impunité dont il se croyait assuré à raison du délai qui s'était écoulé

depuis l'assassinat de Le Du sans qu'il en fût inquiété, il avait eu, six semaines plus tard,

l'idée de commettre un second crime et c'est' alors qu'il assassina Guingant au retour de la foire du Huelgoat,

le 20 janvier et il a précisé que s'il était devenu criminel, c’était poussé par le désir d’avoir de l’argent,

fût-ce au prix d’un meurtre, sans qu’il en eu cependant un besoin impérieux,

car il avait ce qu'il fallait chez lui et n'était pas pressé par le besoin de payer des dettes exigibles.

 

UNE EVASION

 

L'accusé avait été écroué à la maison d'arrêt de Châteaulin le 31 janvier 1920.

 

Le 23 avril suivant, à 7 h. 30 du matin, profitant d'un instant où le surveillant-chef était occupé avec un ouvrier, il l'enferma dans une cour, bouscula sa femme, fractura le cadenas de la porte de la prison, et réussit à s'évader.

 

Il fut repris le lendemain même, à Balanec-Ver, en Botmeur, dans un grenier où il s'était réfugié.

 

Hervé est marié et père d'un enfant.

 

Il avait à La Feuillée une bonne réputation et y était considéré comme un bon travailleur, très sérieux,

mais de caractère un peu sournois ; personne dans son pays ne l'aurait cru capable de commettre des crimes.

 

Au cours de la guerre, il a mérité une citation à l’ordre de son régiment.

 

Il n’a pas d’antécédent judiciaires.

 

Disons enfin qu’il a été soumis à un examen médical.

 

M. le docteur Lagriffe, directeur de l’Asile départemental des aliénés chargé de cet examen

a conclu à son entière responsabilité.

L’AUDIENCE

 

Quand Hervé apparaît, tous les regards se tournent vers lui.

 

C'est un homme aux traits vulgaires, un campagnard de maigre corpulence, d'une physionomie sans expression.

 

Aujourd'hui qu'il a pleinement conscience de la terrible accusation qui pèse sur lui,

il a perdu toute assurance et apparaît aux yeux du public tel une loque humaine.

 

Cependant pendant la lecture de l'acte d'accusation son visage ne trahit aucune émotion ;

il conservera même cette impassibilité au cours des débats.

 

RÉQUISITOIRE ET PLAIDOIRIE

 

M. le substitut Bousquet prononce un réquisitoire superbe au point de vue littéraire et psychologique.

 

Il réclame avec énergie l’application inflexible de la loi contre cet assassin détrousseur de cadavres qui,

froidement, cyniquement, supprima deux existences innocentes et précieuses et fait deux veuves et dix orphelins.

 

M. Verchin, défenseur, prononça une plaidoirie en tous points remarquable.

 

Il supplia le jury d'accorder des circonstances atténuantes.

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LE VERDICT : LA MORT

 

Reconnu coupable sans circonstances atténuantes, Hervé est condamné à la peine de mort.

 

Son exécution aura lieu sur la place publique de Quimper.

 

De plus, il est condamné à rembourser 705 francs à la famille Le Du ; 

1.950 francs à la famille Gaingant et 3.000 francs frs à chaque famille.

 

Hervé a entendu la sentence sans broncher.

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Hervé n'a pas été exécuté

 

Depuis une huitaine de jours le bruit courait

avec persistance de la prochaine exécution

de l'assassin du Huelgoat.

 

Pendant plusieurs nuits déjà,

de nombreux groupes avaient monté la garde

près de la prison de Mescloaguen

pour être certains de ne pas manquer le spectacle.

 

Mais comme sœur Anne ...

les amateurs d'émotions fortes allaient

ainsi chaque jour de déceptions en déceptions.

 

Soudain, mercredi, la nouvelle circula

comme une traînée de poudre

que la sinistre machine était en gare.

 

Les langues allaient leur train, elles aussi.

 

Qui avait vu la guillotine, qui avait vu

M. Deibler — en l'espèce M. de Paris — qui ses aides.

 Ces bruits devaient d'ailleurs se confirmer ;

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Anatole_Deibler_(1863-1939)_-_photograph

Anatole Joseph François Deibler

(né le 29 novembre 1863 à Rennes

mort le 2 février 1939 à Paris)

est un bourreau français.

Il a succédé directement à son père

au poste d'exécuteur en chef,

poste qu'il occupa 40 ans durant.

Sur une carrière de 54 ans,

il participa à l'exécution de 395 personnes dont 299 en tant qu'exécuteur en chef.

effectivement les bois de justice étaient entrés

en gare de Quimper par le train de 5 h. 30 mardi soir.

 

Dans la matinée de mercredi, M. de Paris rendait visite à M. Bousquet,

substitut du procureur de la République et se mettait en rapport avec lui

et le capitaine de gendarmerie pour prendre les dispositions nécessaires

à l’exécution du criminel devant l'entrée de la prison.

 

À la fin de la journée tout était prévu et on attendait la nuit prochaine pour procéder aux préparatifs, quand, vers 6 h. 1/2 du soir, on apprit que l'exécution n'aurait pas lieu.

 

Dans la journée Maître Feillet, assistant Maître Verchin, défenseur d'Hervé, actuellement absent, avait télégraphié au ministre de la Justice,

le priant de faire surseoir à l'exécution.

 

Vers la fin de l'après-midi satisfaction lui était donnée, et la préfecture et le parquet recevaient l'ordre de faire reporter les mesures prises pour l'exécution,

remise à une date indéterminée.

 

Maître Feillet était de plus mandé à Paris.

 

Cette nouvelle, parvenue tardivement,

n'avait pu être connue d'un grand nombre de nos compatriotes.

 

Aussi, nombreux furent-ils à se lever jeudi matin vers 3 ou 4 heures et à se rendre devant la prison, persuadés,

cette fois, d'en voir sortir le condamné, encadré par la magistrature et la gendarmerie.

 

Une fois de plus ils devaient être déçus et ne retirèrent de leur promenade nocturne

que le désagrément d'un sommeil perdu, qui, joint à une température devenue très fraîche,

eut pour résultat de les faire trembloter et toussoter quelque peu...

 

Hervé a expié ses crimes

 

L'exécution d’Hervé, l'auteur des deux crimes commis les 1er décembre 1920 et 20 janvier 1921 sur les personnes de deux cultivateurs revenant de la foire de Huelgoat, qui avait été,

on le sait, ajournée la semaine passée pour une simple question de forme, a eu lieu ce matin.

 

Dès 11 heures du soir, la nuit dernière, les gendarmes avaient occupé les abords de la prison du Champ-de-Foire ;

puis, à 3 heures, le service d'ordre était renforcé par une compagnie du 118e et des agents municipaux.

 

Le commandant de la place, les commandant et capitaine du gendarmerie, le commissaire de police étaient sur les lieux.

 

À 5 h. 25, le fourgon renfermant les bois de justice va se situer devant la prison.

 

M. Deibler et ses trois aides procèdent aussitôt au montage de la guillotine,

qu'ils érigent à1 m. 50 à droite de l'entrée de l'établissement pénitencier.

 

La rue Lenormand (rue Brizieux) a été évacuée et ses deux extrémités sont barrées.

 

De plus, à la porte de chaque demeure particulière est placée une sentinelle du 118e.

 

Sur le mur du Pichéry et celui du champ de foire des milliers de curieux ont pris leur place

depuis longtemps et ne le cèderaient pas pour un « jambonneau ».

 

À 5 h. 55, le parquet pénètre dans la prison.

 

Nous remarquons : M. Cazenavette, procureur de la République ;

M. Dousquet, substitut ; Maître Feillet, le défenseur d'Hervé,

qui avait été reçu quelques jours auparavant par le président de la République ;

M. Marzin, greffier en chef du tribunal, assisté du MM. Quéméner et Chicard, commis-greffiers ;

M. Palicaud, juge au tribunal, chargé du recueillir, s'il en formulait, les déclarations du condamné.

À 6 heures précises, ces messieurs se font ouvrir la cellule du condamné, qu'ils trouvent profondément endormi.

 

M. le procureur lui tape sur l'épaule, le réveille et lui annonce

que son pourvoi étant rejeté il allait mourir.

 

Le criminel blêmit quelque peu, puis se ressaisit et déclare :

« C'est ma faute, je dois payer »,

puis il s'apitoie sur le sort de sa malheureuse femme et de son enfant.

 

Quand on demande à Hervé s'il veut voir l'aumônier,

il répond affirmativement.

 

On le laisse donc seul avec M. Blanchard, aumônier du Refuge de Kernisy.

 

Il conservera jusqu’au bout la passivité dont il a fait preuve

aussi bien pendant sa comparution devant les assises

que depuis sa condamnation à mort.

 

Pendant que l'on procède à sa toilette, il refuse le verre de rhum

et la cigarette qui lui sont offerts.

 

Quelques instants après, il assiste à la messe et communie.

 

Mais temps passe ;

l’échafaud est dressé depuis déjà un moment

et il y a près d'une heure que le condamné a été réveillé.

 

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À 6 h. 53 précise, la porte de la prison s'ouvre :

puis apparaissent les personnalités judiciaires, suivies d’Hervé qu’accompagnent l’abbé et deux aides du bourreau.

 

Le criminel marche d’un pas assuré.

 

À la vue de la lugubre machine, il se retourne légèrement, pendant que l’aumônier l’attire contre lui,

l’embrasse et lui donne le crucifix à baiser.

 

Soudain, Hervé bascule.

 

Un déclic ; le couteau tombe ;

un bruit sourd : justice est faite.

 

Il est 6 h. 55

 

Dix minutes après, le fourgon de la justice transportait, au cimetière Saint-Joseph,

la dépouille mortelle de l'assassin, aux fins d’inhumation.

 

On nous dit que la famille aurait réclamé le corps pour le faire autopsier.

 

À 7 h. 30, une foule nombreuse assistait encore au démontage de la machine,

mais à 8 h. les abords de la prison avaient repris leur tranquillité habituelle.

 

La précédente exécution capitale avait eu lieu devant le cimetière Saint-Louis le 2 juin 1888,

pour l’expiation du crime de Paul Faine, qui avait violé et assassiné une fillette au Lendu.

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