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Fenêtres sur le passé

1909

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La suppression des talus

Source : Écho de Bretagne (Ancien Quimperlois) novembre 1909

 

La suppression des talus

 

Un des points les plus frappants de la physionomie agricole du Finistère est la division excessive du terrain cultivé.

 

Partout, ou presque partout, des champs de faible étendue, séparés par des douves profondes

et des fossés plantés d'arbres transforment le pays en un gigantesque damier.

 

Or, le plus souvent, ce morcellement exagéré n'est pas rendu nécessaire par la multiplicité des propriétaires,

un même fermier exploitant plusieurs parcelles voisines.

 

Ayant toujours vu les talus, et ne considérant que leur utilité au point de vue de la fourniture du bois nécessaire

à l'exploitation, la pensée de les supprimer peut lui sembler étrange.

 

Et si, pourtant, les avantages qu'on retirerait de cette suppression étaient importants, n'aurions-nous pas intérêt, dans bien des cas à réunir en une seule pièce de nombreuses parcelles actuellement séparées ?

 

Un des premiers résultats de cette opération serait de mettre à la disposition de la culture une surface beaucoup plus grande qu'on peut se l'imaginer dès l'abord.

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Supposons, en effet, un champ d'une superficie de 100 mètres multipliés par 100 mètres, bordé par un fossé de 2 mètres

de large, fossé planté d'arbres qui rendent inutilisables

sur chacun de ses côtés 2 autres mètres de terrain.

 

Nous perdons donc pour chaque côté du champ une surface

de 1 multiplié par 100 plus 2 multipliés par 100,

égale 300 mètres carrés, et pour le champ entier :

300 multipliés par 4, égale 1.200 mètres carrés.

 

Talus finistère _01.jpg

Conclusion :

Du fait de l'existence du fossé, 1/ 8 environ de la superficie totale de la pièce est rendu inutilisable pour la culture.

 

Et cet exemple est plutôt inférieur à la moyenne, puisqu'il porte sur un champ de 1 Ha

et que de nombreuses parcelles entourées n'ont pas plus de 3 ou 4.000 mètres carrés de superficie.

 

Outre ce désavantage d'une perte énorme de terrain, la division exagérée présente encore l'inconvénient

de mettre obstacle aux progrès culturaux.

 

Comment se servir économiquement des machines sur d'aussi petites surfaces ?

 

On perd avec les multiples changements de direction nécessaires, les passages d'un champ à un autre,

soit le temps que fait gagner l'emploi de l'appareil.

 

Sur des pièces de plus grandes dimensions, au contraire, l'économie réalisée par la récolte à la machine est des plus sensibles.

 

Ainsi donc, gain de terrain et facilités de culture, tels seraient les deux principaux avantages

de la suppression des fossés.

 

Envisageons maintenant les inconvénients qui pourraient résulter de cette opération.

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Nous avons vu que les arbres plantés sur les talus fournissaient le bois nécessaire au fermier.

 

C'est juste, mais il serait très facile de sacrifier dans la partie

la plus éloignée — et par suite la plus difficilement cultivable, — du domaine, le nombre d'ares nécessaire pour obtenir

un rendement en bois suffisant ;

les coupes et leur transport à la ferme n'en seraient

que plus aisés.

 

N'hésitons donc pas, abattons nos fossés ;

Roudouallec _01.jpg

ce sera parfois un ouvrage pénible, mais nous en serons indemnisés dans la suite par tous les avantages

qui en résulteront.

 

Il est pourtant un cas où ce nivellement deviendrait une faute.

 

Autour des prairies où l'on parque des bestiaux, les talus sont un des meilleurs modes de clôture,

à la fois infranchissable et sans danger.

 

De plus, les arbres qui les surmontent procurent aux animaux un abri aux heures chaudes de la journée.

 

À part cette exception, entreprenons avec courage l'opération ;

en y travaillant un peu chaque année, elle s'effectuera sans grands frais,

et ses résultats nous paieront largement de nos peines.

 

MARCEL GUÉRIN,

Ingénieur-Agronome.

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