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Fenêtres sur le passé

1908

Tragique promenade en rade de Morlaix

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Source : La Dépêche de Brest 2 juin 1908

 

Locquénolé, 1er juin.

 

Un drame terrible, qui a causé une émotion profonde à Morlaix et dans la région, s'est déroulé, hier soir, vers onze heures, dans la rade de Morlaix, entre le Dourduff et Locquénolé.

 

Voici les faits : 

M. Guillou, 52 ans, directeur d'école à Locquénolé, était allé hier après-midi à Plouézoch, n compagnie de l'une de ses filles, Mlle Marie-Antoinette, 20 ans, et ses deux instituteurs adjoints, MM. Jean Le Du, 20 ans, et Lharridon, 18 ans.

 

Au retour, vers dix heures du soir, ils arrivèrent au Dourduff et montèrent dans une embarcation pour rejoindre Locquénolé.

La nuit était très épaisse et la mer descendait.

Mais M. Guillou, qui connaissait admirablement tous ces parages, ne recula pas devant ces difficultés, et les voyageurs firent force rames pour arriver à l'autre bord.

Comme la mer, en cette partie de la rade, se retire très vite, l'embarcation s'arrêta bientôt :

Elle venait de toucher la vase.

Ils se crurent arrivés en face de Saint-Julien, près de Locquénolé.

Mais hélas ! ils furent bientôt détrompés.

C'était sur la rive opposée qu'ils se trouvaient.

La barque s'était échouée au bord du chenal faisant face à la propriété de M. Cloarec, député.

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Au lieu de retourner au Dourduff, les voyageurs entreprirent de traverser la rivière, après s'être déchaussés et débarrassés d'une partie de leurs vêtements.

M. Guillou prit la main de sa fille, tandis que M. Le Du, de l'autre côté, lui tenait l'autre main, et tous trois entrèrent dans le chenal.

M. Lharridon, porteur d'une partie des vêtements de Mlle Guillou, les suivit, mais un peu plus bas.

Ils avaient de l'eau jusqu'aux genoux.

Peu après, ils se sentirent enfoncer dans la vase, qui bientôt les immobilisa,

 

M. Lharridon — on ne sait trop comment — après des efforts inouïs, put se débarrasser de cette terrible glu.

Il entendit les cris désespérés de M. Guillou, de sa fille et de M. Le Du, et nagea vers eux.

Mais il ne découvrit plus rien.

L’eau noire les avait recouverts.

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Nageant au hasard, ne sachant où il se trouvait, et entraîné par le courant, très fort, qui le poussait vers le Dourduff, il coula trois fois.

 

Ce n'est qu'aux environs de minuit qu'il put atterrir entre Locquénolé et Le Bruly et encore, pour gagner le soi ferme, il dut ramper à plat ventre sur la vase, pour ne pas s'enliser.

C'est là que les douaniers l'ont trouvé.

Le malheureux était exténué.

 

Le corps de M. Guillou seul a été retrouvé, ce matin, à sept heures, dans la rivière de Morlaix,

en face de Saint-François, par M. Bécam, douanier en retraite, qui péchait à la ligne.

 

Le cadavre flottait à 2 m. 50 du bord.

Un chapeau, une casquette, une bottine de femme et un jupon ont été recueillis près de la cale de radoub.

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Le corps de M. Guillou, près duquel se tenaient sa veuve, sa plus jeune fille et les gendarmes Gégou et Guénadou,

n'a pu être mis à la disposition de la famille que vers onze heures et demie.

Le territoire de Saint-François se trouvant en la commune de Saint-Martin des Champs, ce n’est que vers cette heure qu'un délégué de cette municipalité est arrivé sur les lieux pour les constatations.

 

Tout récemment, le cadavre d'un suicidé, aux portes de Morlaix, mais dans la commune de PIourin, est resté un jour entier sous la garde d'un gendarme, en attendant l'arrivée du magistrat municipal.

Il en est de même pour les communes de Ploujean et de Plouigneau, qui toutes encerclent Morlaix.

 

On s'étonne que des accidents semblables à celui que nous avons à déplorer en ce moment ne se reproduisent pas plus souvent dans notre rade.

Malgré les ordres de l'administration maritime, défendant d'embarquer comme passagers dans d'autres canots que ceux armés au bornage, et encore avec le patron présent, les infractions continuent ;

des personnes prennent n’importe quelle embarcation, et vont seules faire des promenades en mer.

Il faut de tristes accidents comme celui d'hier pour montrer les dangers que peut faire courir pareille imprudence.

 

Source : La Dépêche de Brest 4 juin 1908

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Source : La Dépêche de Brest 6 juin 1908

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Source : La Dépêche de Brest 9 juin 1908

 

Les recherches poursuivies depuis bientôt huit jours ont enfin abouti.

Les familles des victimes auront la suprême consolation de rendre à ces infortunés jeunes gens les derniers devoirs cultuels et de les inhumer dans le petit cimetière communal, près des membres de leurs proches qui les ont devancés dans la mort.

 

Le cadavre de Mlle Marie-Antoinette Guillou, 20 ans, fille du directeur d'école de Locquénolé, qui a péri dans les mêmes circonstances, vient d'être retrouvé à proximité de chez M. Le Goff, au Châlet du Cycle ;

celui de M. Jean Le Du, âgé également de 20 ans, a été découvert un peu plus bas, vers Le Dourduff.

 

Les corps des jeunes gens se trouvaient dans un état lamentable :

La peau était devenue toute noire ;

les doigts des mains avaient été dévorés par les crabes et leurs têtes, qui cependant possédaient d'abondantes chevelures, étaient littéralement rasées.

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