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Fenêtres sur le passé

1907

​

Assassinat d'un jeune homme à Saint Hernin

Source : La Finistère février 1907

 

Saint-Hernin.

 

Assassinat d'un jeune homme de 26 ans.

 

Un assassinat a été commis jeudi soir au village de Coat-Quévéran,

situé à environ 1 km. 1/2 du bourg de Saint-Hernin.

 

Un jeune homme de 26 ans nommé Raissin a été tué par une brute, qui a tiré sur lui sans aucun motif,

sans savoir même sur qui il tirait.

 

M. Février, cultivateur à Coat-Quévéran, réunissait jeudi soir plusieurs voisins qui l’avaient aidé dans la journée,

pour des travaux de défrichement qu’il avait fait exécuter, et leur faisait servir un repas largement arrosé.

 

Au cours du repas, un nommé Yves Jobic, âgé de 42 ans, père de 7 enfants, meunier au même village,

entra chez Février.

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On lui servit à boire.

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Mais Jobic, qui a la boisson mauvaise, chercha chicane aux personnes présentes, et finalement Février le pria de sortir.

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Jobic se rendit à son domicile situé à peu de distance

de la maison de Février, et prit son fusil, qui, d’après lui,

est toujours chargé.

 

Il vint chez une femme Poignonnec dont la maison forme l’angle avec la ferme Février, et, ouvrant la porte, se posta, l’arme prête, dans l’encadrement de cette porte, à un pas du seuil, à l’intérieur.

 

Il était à ce moment 8 h. 1/2 du soir.

 

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Presque aussitôt la porte de Février s’ouvrit et trois personnes en sortirent, le nommé Yves-Louis Raissin,

la femme Galonnée et le jeune Février.

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Ils allaient passer devant la maison Poignonnec, située à environ 15 mètres de la ferme,

lorsque Jobic ajusta le premier qui passait et qui se trouvait être Raissin, et lui tira son coup de feu.

 

La charge de plomb atteignit le malheureux à l’aine gauche, lui faisant une blessure horrible.

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Il expira 2 heures après, dans d’atroces souffrances ; avant de mourir, il désigna son assassin en disant :

« C’est Jobic qui m’a tué ».

 

Vendredi, à 7 heures du soir, MM. Picard, juge d’instruction, Fourcade, juge suppléant,

faisant fonctions de procureur de la République, Le Godec, commis-greffier, et Le Vot, interprète, arrivèrent à Carhaix.

Dès la pointe du jour, ils partaient en voiture pour Saint-Hernin.

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MM. Morel, maréchal-des-logis de gendarmerie, et Gustin, gendarme, se rendirent à la maison de Jobic,

qui est un braconnier dangereux.

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Ils frappèrent à la porte ;

et, dès qu’elle fut ouverte, ils se précipitèrent à l’intérieur, revolver au poing, et le gendarme Gustin,

visant l’assassin lui déclara qu’à la moindre résistance il ferait feu.

​

Jobic surpris n’eut pas le temps de faire usage de son fusil

qu’il avait avec lui dans son lit.

 

Le docteur Marchais, de Carhaix, qui accompagnait

les magistrats, procéda d’autre part à l’autopsie du cadavre.

 

Jobic fut amené, menottes aux mains et escorté des gendarmes, devant le corps de sa victime.

 

Après qu’on eut reconstitué la scène du crime :

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« Reconnaissez-vous ce malheureux ? lui dit M. Picard ;

voyez-vous la blessure horrible que vous lui avez faite ?

Pourquoi l’avez-vous tué ? »

 

Jobic, impassible, répondit :

« Oui, je le reconnais. Je ne sais pourquoi j’ai tiré. J’étais ivre ».

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Après l’audition des témoins et un interrogatoire de Jobic,

celui-ci fut mis en état d’arrestation et conduit à la prison de Châteaulin.

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La douleur du père de Raissin était navrante.

Le malheureux allait et venait comme un fou dans la ferme, pleurant et criant.

Jobic resta impassible tout le temps de son interrogatoire.

Il n’eut une crise de larmes qu’au moment où sa femme vint lui offrir une tasse de lait.

C'est le seul moment où il sembla manifester de l’émotion.

 

Les obsèques de l’infortuné Raissin ont été célébrées lundi à Saint-Hernin au milieu d’une nombreuse affluence.

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Source : Le Finistère avril 1907

 

Le nommé Yves Jobic, 42 ans, meunier à Saint-Hernin,

est accusé d’assassinat accompli dans les circonstances ci-après :

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Le 14 février 1907, le nommé Joseph Février, cultivateur à Coat-Quèvéran, en Saint Hernin, était en train de souper avec une quinzaine de voisins et d’ouvriers, lorsque Jobic, demeurant au même lieu, entra légèrement pris de boisson.

 

Après avoir pris quelques verres de cidre, Jobic se mit à se disputer avec les personnes présentes.

Février, pour éviter des incidents, l’invita alors à sortir, ce qu’il fit immédiatement.

 

Le repas prit fin, et, vers 8 h. 1/2, chacun s’en retournait à son domicile.

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À ce moment, le nommé Raissin, domestique de ferme, âgé de 23 ans,

se trouvait dans la cour, presqu’en face de la maison Poignonnec

et à 4 ou 5 mètres environ d’elle et à 20 mètres de la maison Février, lorsqu’un coup de fusil partit de la porte entr’ouverte

de la maison Poignonnec.

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Raissin reçut la charge dans l’aine gauche ;

on se précipita à son secours, il fut transporté sur un lit,

mais il mourut 2 heures après environ, après une douloureuse agonie.

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C’était Jobic qui, ayant été chercher son fusil, se vengeait de la réception qui lui avait été faite chez Février.

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Jobic n’a jamais été condamné, mais les renseignements fournis

sur son compte sont déplorables.

 

M. le procureur Le Marchadour occupe le siège du ministère public.

Jobic est assisté de Me Hamon.

 

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On aperçoit comme pièces à conviction les effets ensanglantés de la victime, un fusil Lefaucheux et une cartouche.

 

Le jury répond affirmativement sur la question de meurtre en admettant les circonstances atténuantes.

 

En conséquence Jobic est condamné à cinq ans de travaux forcés et cinq ans d’interdiction de séjour.

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Bagne de Guyane

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Départ le 18 juillet 1907

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