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Fenêtres sur le passé

1903

L'affaire d'Ouessant en Conseil de guerre

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Source : La Dépêche de Brest 7 novembre 1903

 

Nantes, le 6 novembre.

 

Aujourd'hui est venue, devant le conseil de guerre du 11e corps d'armée, l'affaire d'Ouessant,

qui fit à Brest un certain bruit.

 

On connaît les faits :

 

Dans la soirée du 14 Juillet dernier, onze soldats d'infanterie coloniale, en garnison à l'île d'Ouessant, attaquèrent et blessèrent plusieurs habitants de l'île. 

L'enquête faite à Brest par l'autorité militaire aboutit au renvoi des inculpés devant le conseil de guerre.

 

Les débats ont commencé ce matin.

 

Il est neuf heures quand la sonnette retentit.

Le sergent appariteur crie : « Le conseil ! »

Tout le monde se lève, tandis que les officiels composant le tribunal militaire prennent place autour de la table

qui leur est destinée.

 

Le conseil est présidé par le lieutenant-colonel Huc, du 65e.

 

Le président donne l'ordre d'introduire les accusés.

Ceux-ci entrent dans la salle des séances.

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À les voir, proprement habillés, dans leur uniforme sombre d'infanterie coloniale, la figure extrêmement jeune,

l'air éveillé, mais non canaille, on ne dirait pas qu'on se trouve en présence de soldats avant,

pendant quelques heures, terrorisé tout un pays.

 

Ils jettent des regards étonnés sur le conseil, le banc de la presse, où ne sont que des journalistes locaux,

et l'auditoire assez restreint, à peine une quarantaine de personnes.

 

Deux des accusés seulement ont un peu de moustache.

Tous les antres sont ou imberbes ou ont à peine une moustache naissante.

Un seul a 24 ans. Leur interrogatoire nous apprendra tout a l'heure qu'ils sont tous engagés volontaires.

On les place sur deux bancs, suivant l'ordre de culpabilité probable :

Cinq sur le premier banc, cinq sur le second.

Trois gendarmes et un brigadier se mettent aux extrémités.

 

Avec le piquet ordinaire d'infanterie, ce service d'ordre paraît amplement suffisant,

les accusés ne semblant pas devoir opposer la moindre résistance.

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Anonyme

Derrière les accusés sont les cinq avocats :

Me Martineau, Feydt, Alizon, Pequin et Linyer fils.

 

M. le lieutenant-colonel Lemoine occupe le siège du commissaire du gouvernement.

 

Après lecture de quelques pièces de procédure sans importance,

le lieutenant-colonel Huc procède à la constatation d'identité des accusés.

 

Tous répondent d'une voix ferme, sans jactance.

 

Voici, d'après leurs réponses, les états civils des accusés :

 

Mathurin Guillo, 18 ans, né à Arzon (Morbihan), menuisier ;

Henri-Frédéric Ismaël Allain, 20 ans, né à Angers, cordier ;

Louis Dadou, 21 ans, né à Paris, journalier ;

Jules Armand Costergent, 20 ans, né à Paris, serrurier ;

Émile-Edmond Lamattre, 19 ans, né à Paris, garçon boucher ;

Pierre-Marie Le Ludec, 23 ans, né à Auray (Morbihan), employé de commerce ;

Albert-Alexandre Suand, 20 ans, né à Cholet, tisserand ;

Jules-Alcide Bodet, 21 ans, né à Coron (Maine-et-Loire), ouvrier de fabrique ;

Ernest-Gustave Thomas, 24 ans, né à Coulommiers, charretier ;

Jean-Émile Colas, 20 ans, né à Inzinzac (Morbihan), sabotier.

 

Dodet, seul, est soldat de 1re classe.

Tous les autres sont soldats de 2e classe.

 

Quelques-uns des accusés ont eu maille a partir avec la justice civile :

Guillo a été condamné, par le tribunal correctionnel de Lorient, à 25 fr. d'amende avec sursis,

pour contravention à la police des chemins de fer ;

Dadou a été condamné, à Paris, à un mois de prison avec sursis, pour complicité de vol ;

Costergent a été condamné, à Bourges, à 50 fr. d'amende, pour vol ;

Bodet a été condamné, à Saumur, à seize francs d'amende, pour troubles dans l'exercice du culte ;

Colas a comparu deux fois, à Lorient, devant la justice :

Une première fois, pour vol de récoltes, il fut remis à ses parents comme ayant agi sans discernement ;

une seconde fois, pour vol, il fut envoyé en maison de correction jusqu'à l'âge de 20 ans ;

Il venait d'en sortir quand il a contracté son engagement volontaire.

 

Il est ensuite procédé à l'appel des témoins, qui sont au nombre de huit.

 

Parmi eux, on remarque M. Alamadou, un jeune et gigantesque nègre, qu'on est tout étonné de voir compter

au nombre des habitants d'Ouessant.

 

Ces témoins sont invités à passer dans la salle qui leur est réservée.

 

Ces formalités terminées, le président donne la parole à M. Lotz, greffier, qui donne lecture du rapport suivant :

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Anonyme

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« Le 14 juillet 1903, vers 6 h. 1/2 du soir, les soldats Allain, Suaud, Dadou, Le Ludec, Lemattre, Costergent et Bodet, appartenant tous a la fraction du 2e colonial détachée à l'île d'Ouessant, sortaient ensemble de la caserne et,

tout en dirigeant leurs pas vers la place publique du bourg de Lampaul, se concertaient entre eux au sujet

d'une expédition arrêtée déjà en principe et dont la cantine du port devait être le but.

 

« Il y avait, en effet, une rancune à assouvir, rancune d'amoureux battu et pas content,

et dont Le Ludec ne demandait qu'à tirer vengeance.

Le Ludec, parmi ses concurrents dans les faveurs d'une jeune insulaire, Barbe C..., comptait plusieurs chemineaux (dans le pays on désigne sous ce nom les ouvriers qui travaillent au fort),

et entre autres un de ceux-ci, surnommé « Le Muet ».

Or, deux jours auparavant, eu sortant de la cantine, où il avait été invité par un de ses amis, Grosjean dit « Ravachol », Le Ludec avait été pris à partie et frappé par un chemineau ;

celui-ci ayant eu enfin le dessous vit accourir à son aide d’autres ouvriers et parmi eux « Le Muet », qui frappèrent l’inculpé alors que celui-ci, maintenu à terre, était par conséquent hors d'état de répondre aux coups qu'il recevait.

 

« Telle est, du moins, la version de Le Ludec et de son ami Ravachol.

 

« Comme les chemineaux avaient leur logement dans la cantine, il fut donc définitivement arrêté que l'on marcherait sur celle-ci, que Le Ludec demanderait des « explications » au « Muet » et que les autres soldats, se constituant

en gardes du corps de leur camarade, empêcheraient toute intervention de la part des autres ouvriers.

 

« Singulières « explications », en vérité, que celles qui auraient pu avoir lieu entre eux interlocuteurs,

dont l'un était affligé d'un mutisme complet !.

 

« Quoi qu'il en soit, dès que la décision fut prise, la petite troupe ne perdit pas un temps inutile.

Chemin faisant, elle se grossit de Thomas, de Colas et surtout d'une précieuse recrue, de Guillo,

qui venait le jour même, à deux reprises différentes, de s'échapper de l’infirmerie,

où il était en traitement pour blessures aux jambes, blessures survenues à la suite de bris de carreaux.

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Anonyme

« Thomas, Colas, Guillo, tous trois soldats de 2e classe au 2e colonial,

faisaient partie du même détachement que les sept autres inculpés.

 

« Nous devons reconnaître, en passant, que le renfort qui arriva aux conjurés fut un renfort

tout à fait fortuit et, si nous en faisons la remarque, c'est parce que l'instruction

nous a démontré que, contrairement à l'opinion émise par M. le commandant Laborie,

Guillo n'a pas été l'instigateur de l'expédition ; il eut, dans cette soirée,

assez de péchés mortels sur sa conscience d'homme et de soldat pour que nous n'ajoutions pas

à son actif une aggravation de responsabilité tout à fait injustifiée.

 

« Sur la route de Lampaul à la cantine du fort, par conséquent sur la route suivie par les inculpés,

se trouve un débit tenu par la veuve Berthelé.

 

« En passant devant cet établissement, Colas voulut offrir un verre à un de ses camarades, mais les autres jugèrent, sans doute, qu'il y avait là un grave manquement à l'esprit de camaraderie, entrèrent dans le débit à la suite

de l'invité et Colas, généreusement, offrit, non un verre, mais deux litres de vin.

 

« Une fois réconfortés, les dix inculpés se sentirent, dès lors, à hauteur de leur tâche.

 

« Dadou et Le Ludec, sortant les premiers du débit, virent sur la route un jeune homme nommé Malgorn.

Dadou, bientôt suivi de toute la bande, s'élança contre lui et lui donna un violent coup de pommeau de baïonnette ;

Malgorn tomba, se releva, et, se voyant entouré par tous les inculpés, il sortit son couteau ;

c'était son droit, il était dans le cas de légitime défense.

Il fut néanmoins roué de coups avant que l'intervention de deux caporaux put mettre fin

à cette scène de sauvagerie ; le blessé fut ramené dans sa famille et nos dix soldats revinrent au but

de leur expédition : la cantine du fort.

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« En y arrivant, semblables à un véritable essaim, ils s'abattent sur les portes et les fenêtres, que le gérant Alamadou, prévenu de ce qui allait se passer, avait pris soin de fermer.

À coups de baïonnettes et à coups de souliers, portes et fenêtres étaient vivement secoués

(car il fallait, selon l'expression d'un des inculpés, que « la cantine valsât »), lorsqu'un coup de corne retentit ;

c'était le gérant de l'établissement qui demandait du secours à ses pensionnaires.

 

« À ce coup de corne, la bande se divisa ;

deux des inculpés, baïonnette à la main, poursuivirent Alamadou (le gérant) et un de ses amis, qui,

sortis par une porte de derrière, cherchaient à fuir vers le village voisin.

D'autres inculpés se dirigèrent vers les dortoirs, pendant que Guillo et Allain, en hommes pratiques,

faisaient sauter les contre-vents, brisaient les carreaux et pénétraient dans l'intérieur de la salle de débit.

 

« Mais ceux qui avaient fait le tour de la cantine pour se diriger vers les dortoirs ne perdaient pas leur temps non plus.

L'ouvrier Le Bihan, qui s'était porté au secours du gérant, reçut d'abord un coup de baïonnette à la lèvre ;

puis, pendant que deux des inculpés le tenaient par les bras, un troisième lui asséna sur la tête

un formidable coup de planche.

« Je suis tombé, raconte Le Bihan, et ai perdu connaissance. »

 

« Il est plus que probable que Suaud est l'auteur de cet acte inqualifiable ; mais comme la victime n'a pu reconnaître ni ceux qui l'ont tenue ni celui qui l'a frappée, comme aussi la culpabilité de Suaud ne nous a été révélée

que par la déposition de Colas, nous ne voyons là qu'une présomption, présomption très grave, si l'on veut,

mais qui ne constitue pas une preuve suffisante.

 

« Cet exploit accompli, et après que quelques camarades eurent cherché querelle à des chemineaux couchés

dans des dortoirs, dont ils venaient de faire sauter les portes, la bande se retrouva au grand complet

devant les fenêtres brisées de la salle du débit.

 

« Quand nous disons « au grand complet », l'expression n'est pas tout a fait juste, car, sur les dix inculpés,

il y en avait deux qui étaient à l'intérieur de la salle.

Ces deux-là étaient Allain et Guillo ;

ils étaient occupés à faire main basse sur toutes les liqueurs qui se trouvaient soit sur le comptoir,

soit sur une étagère, c'est-à-dire qu'ils volèrent :

trois Raphaël, un cassis et demi, deux picon, un litre d'absinthe et plusieurs bouteilles de vin,

après avoir pris soin de remplir et d'emporter aussi quelques autres bouteilles de « vulnéraire ».

Toutes ces bouteilles, Allain et Guillo les faisaient passer aux camarades ;

les premiers servis furent Dadou, Le Ludec, Lemattre, Dodet et Costergent ; les autres vinrent ensuite.

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« Mais tout a une fin, même les liqueurs d'une cantine ; aussi Allain et Guillo,

ne trouvant plus rien à voler, se décidèrent, enfin, à enjamber la fenêtre

et à rejoindre les autres inculpés.

 

« Craignant, sans doute, que quelque bouteille n'ait échappé aux sévères investigations

d'Allain et de Guillo, deux autres soldats, Bodet et Costergent, passèrent par la fenêtre et,

à leur tour, fouillèrent la salle de débit.

Peine inutile, le pillage ayant été fait de mains de maître.

 

« Costergent, estimant alors qu'il ne devait pas s'être dérangé pour rien, prit un réveille-matin

et le lança avec violence contre le sol ; puis, comme il ne restait plus rien à briser, ces deux inculpés prirent,

à leur tour, la clef des champs.

 

« Le premier acte était joué !

 

« Passons maintenant au second et dirigeons nous, avec toute la bande, dans un champ de blé,

situé à un kilomètre environ de la cantine.

 

« Après avoir volé, il était tout naturel de mettre en commun les produits du vol.

C'est ce qui fut fait.

 

« Chacun s'allongea, les bouteilles furent débouchées et, au bout d'une demi-heure,

Guillo fit observer qu'il avait faim.

Allain et Dadou, toujours intrépides, reconnaissant la justesse de la demande formulée par Guillo,

se dirigèrent vers la ferme habitée par le vieillard Lozach et sa fille, la veuve Tual.

Arrivés là, ils demandèrent à celle-ci du pain et du beurre ;

on leur en donna et ils partirent sans payer, la fermière ayant eu la générosité

ou la prudence de ne leur rien demander.

 

« Ils rejoignirent alors leurs camarades, mais Guillo, toujours affamé, trouva que le butin n’avait pas été

assez abondant et exprima le désir que l’on retournât à la ferme.

Allain partit, non plus avec Dadou, comme la première fois, mais avec Suaud.

 

Pendant que ce dernier voulait à toute force embrasser la femme Tual,  Allain volait tout ce qu’il pouvait trouver.

Les cris et les pleurs de la fermière, lui disant que le peu qu'elle avait lui était indispensable pour elle

et pour son vieux père n'eurent pas le don d'attendrir l'inculpé.

Ii vola tout et, accompagné de Suaud, il retourna auprès des camarades.

 

« Le festin continuait en plein air, tout auprès de la route, lorsque vint à passer un homme porteur d'une faulx.

Cet homme, un travailleur du nom de Chuiton, rentrait chez lui après une longue et laborieuse journée.

Malheureusement, et quoi qu'il fit « nuit noire », suivant l'expression des inculpés, il fut aperçu par Allain,

qui se porta vivement à sa rencontre, lui demandant de lui payer un verre.

 

«Le faucheur lui répondit de le laisser tranquille, mais Allain lui envoya un formidable coup de tête sous le menton.

 

« Terrifié, Chuiton cherche à fuir, mais son adversaire, qui est sur ses talons, tire sa baïonnette

et lui en donne un coup dans le dos ;

un autre soldat, Suaud ou Costergent (et ici encore nous déclarons n'avoir d'autre élément d'appréciation

que l'affirmation d'un seul inculpé, ce qui, nous l'avons dit, ne peut constituer une preuve suffisante,

le faucheur n'ayant pu, du reste, reconnaître son deuxième agresseur, une erreur est d'autant plus possible

qu'il faisait nuit noire à ce moment-là ), vient prêter main forte, sort sa baïonnette et, à son tour,

frappe aussi le malheureux Chuiton.

 

Celui-ci, plus mort que vif, reçut vingt-et un coups de baïonnette, coups très légers, il faut le dire, et qui lui furent portés alors qu'il se dirigeait en courant vers la première maison qui s'offrait à lui,

après avoir toutefois abandonné sa faulx, qui l'eût gêné dans sa course.

 

« C'est ici que commence le dernier acte, le véritable drame, dans lequel les inculpés, Allain, Dadou et Guillo,

se montrent de vrais bandits.

 

« Pour échapper aux coups de baïonnette que lui portaient Allain et un autre soldat, le faucheur, avons-nous dit, s'était dirigé en courant vers une ferme ;

or, cette ferme-là était justement celle où, quelques instants auparavant,

Allain était venu voler du pain et du beurre.

Dans une pièce de cette ferme était couché un vieillard de 67 ans, nommé Lozach.

 

« Allain, suivi à quelques pas par toute la bande, arrive bientôt devant la maison, dont portes et fenêtres

sont fermées ;

mais comme ces dernières paraissent offrir moins de résistance, c'est sur elles qu'est dirigé l'assaut général.

 

« Pierres et baïonnettes entrent en Jeu, et au bout de quelques minutes, les contrevents et les carreaux brisés livrent passage à ces forcenés.

Allain, Dadou et Guillo, criant et hurlant, les deux premiers baïonnette à la main, font irruption dans la salle

où était couché le vieillard.

 

« Qu'est-ce que c'est que ça qui est couché là-dedans? » crie Allain on secouant le lit.

 

« Ce « qu'est-ce que c'est que ça », c'était le vieux Lozach qui, épouvanté, tremblant de tous ses membres,

supplie ses agresseurs de ne pas le tuer.

 

« On lui demande son argent, et comme le malheureux ne répond pas à cette question,

Dadou le frappe de sa baïonnette ;

très probablement Allain en fait autant, car il a, lui aussi, son arme à la main ;

de même Guillo, qui se vanta le lendemain d'en avoir fait autant, en se servant sans doute de l'arme

d'un de ses camarades.

 

« Quoi qu'il en soit, Lozach reçut sept coups de baïonnette et il affirme avoir été frappé par les trois inculpés ;

les juges apprécieront.

 

« Déçus dans leurs espérances, au milieu des cris et des vociférations, Dadou, Guillo et Allain

se mettent à prendre tout ce qui leur tombe sous la main :

jattes pleines de lait, pain, cinq bols, dix assiettes, pots de crème, lampe.

 

« Tout ce qui ne peut être emporté est mis en pièces ;

le lait, au contraire, est passé aux camarades par Costergent, debout sur le rebord

d'une des cinq fenêtres fracturées.

 

« Au moment du départ, l'on s'aperçut qu'à certaines croisées quelques vitres restaient encore intactes ;

l'oubli fut vite réparé et, grâce à la bonne volonté de chacun, les derniers carreaux n'existèrent bientôt plus.

 

« Tels sont les faits qui se passèrent dans la soirée et dans la nuit du 14 Juillet.

Leurs auteurs, à l'exception de Thomas et de Le Ludec, sont des jeunes soldats ayant à peine huit mois de service.

Nous pourrions ajouter qu'après que la bande se fut définitivement scindée afin d'aller assister

aux dernières phases de la fête nationale dans le bourg de Lampaul, Guillo et deux de ses acolytes rencontrèrent dans une rue le quartier-maître Le Drogo, qui se promenait avec un de ses amis et deux jeunes femmes ;

ils cassèrent une bouteille pleine sur la tête du marin et blessèrent les trois autres personnes à coups de baïonnette.

 

« Guillo, à ce moment-là, était complètement ivre ;

aussi ne relèverons-nous pas cette nouvelle charge contre lui.

 

« À l'instruction, les différentes victimes ont déclaré ne pouvoir reconnaître leurs agresseurs,

mais il nous a été possible d'établir sur bien des points, d'une façon certaine, les responsabilités de chacun.

 

« En reprenant les divers actes de ce drame, nous voyons d'abord le rideau se lever sur l'agression

dont fut victime le jeune Malgorn.

Là, le principal coupable est Dadou, qui fit usage de sa baïonnette, comme il la reconnaît, du reste,

puis viennent Allain, Guillo et Suaud.

 

« Le délit qu'ils ont commis tombe sous le coup de l'article 311 du Code pénal.

 

« Le vol avec effraction à la cantine du fort nous est connu dans ses moindres détails en ce qui concerne les faits qui se déroulèrent à l'intérieur et à l'extérieur de la salle du débit.

Les auteurs principaux sont Allain, Guillo, puis Costergent et Bodet, qui, à leur tour, et après les deux premiers, pénétrèrent dans l'intérieur de ladite salle, dont ils fouillèrent meubles et tiroirs.

C'est là, nous l'avons vu, que Costergent, ne trouvant rien à voler, prit un réveille-matin et le brisa.

 

« Les six autres inculpés ont participé à ce crime, réprimé par l'article 384 du Code pénal,

comme complices par assistance et recel des objets volés.

 

« Nous n'avons pu découvrir, tout au moins d'une manière irrécusable, quels étaient les coupables dans l'effraction des portes des dortoirs, car nous n'avons eu là-dessus que des présomptions et non des certitudes ;

mais ces présomptions sont bien graves en ce qui concerne Le Ludec, l'instigateur de l'expédition.

 

« Le vol de pain et de beurre commis au préjudice de la veuve Tuai revient à Allain (Article 410 du Code pénal.)

 

« Enfin, le troisième vol, le plus important de tous, parce qu'il comporte des circonstances aggravantes :

 

« 1° Qu'il a été commis dans la nuit ;

« 2° Par plusieurs personnes;

« 3° Deux des auteurs principaux étant porteurs d'armes apparentes;

« 4° A l'aide d'effraction extérieure et dans une maison habitée ;

« 5° Avec violence.

 

« Ce vol, disons-nous, qui fait tomber les coupables sous le coup de l'article 381 du Code pénal,

a en pour auteurs principaux : Allain, Dadou et Guillo.

 

« Quant à Costergent, à Lemattre et à Le Ludec, qui ont brisé des fenêtres et cessé des carreaux, ils doivent être considérés comme co-auteurs.

 

« Le reste de la bande comme des complices par assistance et par recel, leur complicité résultant pleinement de ce qu'ils ont agi, en tout temps, en pleine connaissance de cause.

 

« En conséquence :

 

« 1° Guillo, Allain, Dadou, Costergent, Lemattre et Le Ludec sont accusés d'avoir, le 14 Juillet 1903, à Ouessant, soustrait frauduleusement des jattes de lait et autres objets appartenant à la veuve Tual, avec les circonstances aggravante que ledit vol a été commis la nuit, par plusieurs personnes portant des armes apparentes,

à l'aide d'effraction extérieure, dans une maison habitée et avec violence ;

 

« Suaud, Bodet, Thomas et Colas, de s'être rendus complices de cette soustraction frauduleuse en aidant

et assistant avec connaissance les auteurs de l'action dans les faits qui l'ont préparée, facilitée et consommée ;

 

« 2° Guillo, Allain, Costergent et Bodet, d'avoir, aux mêmes jour et lien, soustrait frauduleusement des objets

et liquides appartenant é un débitant, M. Alamadou, gérant de la cantine du fort Saint-Michel,

avec la circonstance aggravante que ledit vol a été commis par plusieurs personnes, à l'aide d'effraction extérieure, dans une maison habitée ;

« Dadou, Suaud, Le Ludec, Lemattre, Thomas et Colas, de s'être rendus complices dudit vol ;

 

« 3° Allain, d'avoir, au même jour et au même lieu, soustrait frauduleusement une certaine quantité de pain

et de beurre appartenant à la dame veuve Tual ;

 

« 4° Guillo, Allain, Dadou et Suaud, d'avoir, au même jour et au même lieu, volontairement porté des coups

et fait des blessures sur la personne du sieur Malgorn, domicilié à Ouessant ;

 

« 5° Allain, de s'être rendu coupable des mêmes faits à l'égard du sieur Chuiton, domicilié à Ouessant.

Crimes et délits prévus par les articles 379, 381, 384, 385, 401, 311, 59, 60 du Code pénal et 267 du Code de justice militaire. »

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M. LE PRÉSIDENT. — Accusé Guillo, qu'avez-vous à dire, relativement aux inculpations que vous venez d'entendre ?

MATHURIN GUILLO. — J'ai agi sous l'empire de l'ivresse.

D. — Qu'avez-vous fait dans la soirée du 14 Juillet ?

R. — En sortant de l'infirmerie, où j'étais malade et dont je m'étais échappé, je me trouvais avec plusieurs amis

et nous sommes allés au bourg de Lampaul.

D. — Vous avez rencontré sur la route un nommé Malgorn et vous lui avez cherché querelle ?

R. — C'est un de mes camarades qui l'a attaqué.

Malgorn a pris son couteau pour se défendre.

C'est alors que plusieurs d'entre nous l'ont frappé, mais je n'ai rien fait.

De là, nous sommes allés à la cantine du fort Saint-Michel, afin de nous battre avec des « chemineaux »,

pour venger notre camarade Le Ludec.

D. — Qu'avez-vous fait on arrivant à la cantine ?

R. — Comme elle était fermée, nous avons fait sauter les volets et avons cassé les carreaux ;

nous sommes entrés plusieurs â l'intérieur et avons fait passer des liquides à nos camarades.

Dadou et deux ou trois autres ont alors mis sabre au clair.

Après avoir bu les liquides dans un champ de blé voisin, plusieurs sont allés chercher du pain et du beurre

chez Mme veuve Tual.

Je suis resté dans le champ.

 

Guillo reconnaît être ensuite allé avec ses camarades à la maison habitée par M. Lozach,

où ils brisèrent toutes les fenêtres et leurs carreaux avant d'entrer.

Il n'a vu que Dadou tirer sa baïonnette.

Dans un lit, le vieillard Lozach, effrayé, criait de ne pas le tuer.

 

Et l'interrogatoire continue ainsi.

 

L'accusé avoue tous les faits qui lui sont reprochés dans le rapport et relater ses réponses serait faire une répétition du rapport que nous avons publié ci-dessus in extenso.

 

Dès maintenant, il est facile de prévoir que les dix interrogatoires se ressembleront, ce qui,

malgré la longueur des débats, offrira peu d'intérêt.

Le système de Guillo, et qui sera vraisemblablement celui de ses camarades, est de tout avouer

en invoquant l'ivresse comme excuse.

Cette absence de toute discussion va singulièrement faciliter la tâche du président,

mais aussi enlever aux débats une grande partie de leur intérêt.

 

Henri Allain entre tout de suite dans la voie des aveux.

Il n'est en contradiction avec le président que sur certains points de détail.

L'inculpé reconnaît avoir brisé des carreaux, fait sauter des volets et avoir mis baïonnette à la main,

mais il déclare n'avoir pas dérobé de jatte de lait.

Il nie avoir donné un coup de tête à Chuiton et demandé de l'argent à M. Lozach.

 

M. Alizon fait préciser que l'inculpé n'a passé des liquides qu'aux soldats Lemattre et Bodet.

 

Louis Dadou, aux questions du président, répond d'abord qu'il était sous l'empire de l'ivresse lorsqu'il a commis,

le 14 Juillet dernier, les faits qui lui sont reprochés.

Il dit avoir donné un coup de pommeau de baïonnette à Malgorn, parce que celui-ci était, le dimanche précédent,

dans une bande qui avait battu son camarade Le Ludec.

S'il a donné un coup de baïonnette à M. Lozach, ce n'était pas pour le blesser, mais seulement le piquer.

 

En un mot, l'inculpé reconnaît tout ce qui lui est reproché dans le rapport, mettant tout sur le compte de l'ivresse.

 

Jules Costergent reconnaît également les faits dont on l'incrimine.

Il invoque aussi l'ivresse et dit qu'il n'a pas frappé Malgorn, mais qu'il a vu deux de ses compagnons

lui porter des coups.

 

Émile Lemattre déclare qu'il était ivre dans la soirée du 14 Juillet.

Ses réponses n'offrent aucun intérêt.

 

Pierre-Marie Le Ludec, après avoir, comme ses camarades, déclaré qu'il était ivre, reconnaît qu'en se rendant

à la cantine du fort, il avait l'intention de se venger d'un individu qui l'avait frappé le dimanche précédent ;

ce n'était dans pas dans le but de voler.

 

Quand la bande rencontra Malgorn, celui-ci mit le couteau à la main ;

c'est alors qu'ils se mirent tous à le frapper.

Lorsque l'inculpé fut entré dans la cantine, il ne s'occupa que de rechercher celui qui l'avait frappé précédemment : c'est en revenant vers la porte qu'il vit ses camarades passer et recevoir des liqueurs.

 

Suaud ne dit rien d'intéressant dans ses réponses.

Il a assisté aux différents vols et aux scènes qui se sont produites dans la soirée ;

comme tous les autres, il a frappé Malgorn.

Il nie avoir voulu embrasser la veuve Tual.

 

Jules Bodet était légèrement pris de boisson dit-il.

Il est entré dans la cantine après le pillage et a reçu des bouteilles de liqueurs comme ses compagnons.

II a bu ces liquides dans le champ de blé, ainsi que le lait volé dans la ferme.

 

Ernest Thomas, qu’on comprend difficilement dit qu'il n'a fait qu'assister aux différents faits.

II a vu boire et manger les aliments volés par ses camarades.

 

Jean Colas, dans ses réponses, fait des déclarations semblables à celles du précédent accusé.

Il prétend n'avoir pas su d'où provenaient les liquides dont ses camarades étaient en possession

et déclare n'avoir rien bu ni mangé des aliments volés.

Il croit avoir vu Suaud frapper M. Le Bihan d'un coup de planche.

 

À midi vingt, l'audience est suspendue et renvoyée à 2 h. 1/2.

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Audition des témoins.jpg

 

La séance est reprise à 2 h. 40.

Le public est plus nombreux que ce matin.

Le fond de la salle est rempli complètement.

Aux places réservées, quelques dames sont venues augmenter le nombre des auditeurs.

Dans la salle, chauffée par un fort calorifère, règne une chaleur étouffante.

 

On introduit ensuite le premier témoin.

 

M Michel Malgorn, 19 ans, marin de commerce à Kergoff (île d'Ouessant), déclare que,

dans la soirée du 14 Juillet, un soldat lui a d'abord donné un coup de tête dans la poitrine ;

plusieurs autres sont venus ensuite lui porter des coups.

 

Sur une question de M. le président, le témoin ne peut désigner, parmi les inculpés,

celui qui lui a porté un coup de pommeau de baïonnette, mais il affirme que plusieurs militaires l'ont frappé,

sans pouvoir en préciser le nombre ; trois le frappèrent par devant, les autres par derrière.

 

D. — vous n'aviez pas de couteau à la main avant d'être attaqué ?

R. — Non, monsieur.

D. — Pourquoi avez-vous pris votre couteau ?

R. — J'ai mis instinctivement la main dans ma poche et en ai retiré mon couteau, mais je ne l'ai pas ouvert.

 

L'ACCUSÉ DADOU. — J'affirme que le témoin a ouvert son couteau d'un air menaçant,

mais après qu'il eut été attaqué.

 

M. Joseph Alamadou, 19 ans, gérant à la cantine du fort Saint-Michel, à file d'Ouessant,

s'avance à son tour à la barre.

C'est un nègre du plus beau noir.

Il était à la cantine, lorsqu'il entendit du bruit aux fenêtres, vers 8 h. 3/4.

C'étaient les Inculpés, qui frappaient à tour de bras pour se faire ouvrir ;

il a été poursuivi, ainsi que son camarade, par des soldats qui avaient mis la baïonnette à la main.

Divers objets ont été brisés ;

du vin et plusieurs litres d'apéritif ont été dérobés par ces militaires.

 

Sur demande du commissaire du gouvernement, le témoin déclare que M. Le Bihan était tenu

par plusieurs coloniaux, pendant qu'un d'entre eux le frappait.

 

Les accusés Guillo, Allain et Suaud soutiennent qu'il n'a pas été pris de vin à la cantine.

 

M. Jean-François Créach, 48 ans, marin en retraite à Ouessant, habitant entre le fort et la cantine,

a vu un groupe de coloniaux passer, puis se rendre à la cantine, qu'ils ouvrirent en cassant les fenêtres.

Cinq ou six avaient la baïonnette à la main, faisant fuir le noir et son garçon.

Il les a vus se diriger ensuite vers un champ de blé.

Comme les témoins précédents, il ne peut reconnaître les inculpés.

 

M. Jean Le Bihan, 35 ans, carrier à Ouessant, était dans son dortoir quand il a entendu le bruit causé

par les militaires, qui attaquaient la cantine à coups de baïonnettes.

Malgré ses efforts, ils ont réussi à forcer la porte, puis l'ont mis dehors en le malmenant.

Un colonial le tenait par le bras, tandis qu'un autre lui donnait un fort coup de planche sur la tête.

Il n'a pu constater les déprédations commises dans la cantine.

 

Mme veuve Tual, née Marie Lozach, 36 ans, cultivatrice à Kervasdoué (île d'Ouessant), déclare que,

dans la soirée du 14 Juillet, plusieurs coloniaux sont venus lui chercher du pain et du beurre,

qu'elle a donnés sans demander d'argent, car elle avait peur.

Un peu plus tard, les soldats revinrent ;

l'un d'eux lui prit du pain malgré son refus, pendant qu'un autre cherchait à l’embrasser.

 

D. — Reconnaitriez-vous les soldats dont vous parlez?

 

Le témoin désigne Suaud comme étant celui qui voulait l'embrasser, mais ne peut l'affirmer.

 

D. — Vous n'avez pas vu les militaires qui enfonçaient vos volets ?

R. — Non.

D. — Avez-vous vu ce qu'on a fait à votre père ?

R. — Non, mais il m'a dit que l'un des coloniaux lui a demandé de l'argent alors qu'il était couché

et que deux autres lui ont porté des coups de baïonnette.

 

Le témoin déclare que ces soldats lui ont dérobé plusieurs pots de lait et de crème.

Les carreaux de six fenêtres et tous les récipients ont été cassés.

 

M. Cled Yves Lozach, 67 ans, maçon à Kermoin, ne parlant que le breton,

on fait prêter serment à un militaire qui se trouve dans la salle.

À l'aide de cet interprète, le vieillard dit qu'il n'a pas vu les vols commis dans la maison de sa fille,

parce qu'il était couché dans sa chambre, mais il sait que des coloniaux ont cassé des fenêtres,

sont entrés par ces ouvertures et ont volé.

Trois coloniaux sont arrivés près de son lit et lui ont porté des coups de baïonnette,

puis lui ont demandé de l'argent.

 

Le témoin déclare qu'il ne peut reconnaître les soldats qui l'ont molesté, parce que, bien que la nuit

ne fût pas complète à ce moment, il ne faisait plus suffisamment clair.

Il ajoute qu'il fut obligé d'aller se réfugier chez des voisins, craignant le retour des agresseurs.

À ce moment, il faisait nuit complète. Les soldats étaient encore dans la maison.

 

M. LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT. — Le témoin n'a-t-il pas dit aux soldats,

lorsqu'ils sont rentrés dans sa chambre : « Ne me tuez pas ! » ?

R. — Je les ai priés de me laisser tranquille.

Ils m'ont porté sept coups de baïonnette, qui m'ont causé des blessures légères.

 

M. Yves Chuiton, 42 ans, cultivateur à Paluhen (Ouessant), dont la prononciation est si défectueuse,

qu'on le comprend à peine, dépose ensuite.

On saisit pourtant qu'il a été assailli par les coloniaux et qu'il a reçu plusieurs coups de baïonnette.

Il réussit ensuite à s'enfuir, grâce à la demi-obscurité, et se cacha dans une encoignure de mur.

Ceux qui le poursuivaient passèrent devant lui sans le voir, heureusement, déclare-t-il,

car Je ne sais pas ce qu'ils m'auraient fait.

 

M. Louis Le Drogo, 23 ans, quartier-maître torpilleur au poste de télégraphie sans fil du Stiff, à l'île d'Ouessant,

a également reçu deux coups de baïonnette et une bouteille pleine de liqueur sur la tête.

Il n'a pu voir personne, ayant été étourdi du coup.

Il a entendu dire que c'était un colonial qui l'avait ainsi frappé.

 

L'audition des témoins est terminée.

 

Le commissaire du gouvernement a la parole.

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Le réquisitoire.jpg

 

À 4 h. 1/2, le lieutenant-colonel Lemoine prend la parole.

 

Il relate les faits, dit que les accusés sont passibles des travaux forcés à perpétuité.

Tous les accusés sont coupables ; tous doivent être condamnés.

Un grand exemple est nécessaire.

 

C'est délibérément qu'ils ont accompli leurs méfaits.

Cependant, malgré la lâcheté des accusés et la gravité des faits,

le commissaire du gouvernement ne s'oppose pas à l'admission des circonstances atténuantes.

Ces militaires ont déshonoré leur uniforme, mais il faut tenir compte de leur jeunesse.

 

À 5 h. 5, la séance est levée.

 

Demain, à 8 h. 1/2, nouvelle séance pour les plaidoiries des cinq défenseurs et le verdict.

 

Henry Calais.

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L'affaire d'Ouessant _02.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 8  novembre 1903

 

Le conseil de guerre du 11e corps a continué aujourd'hui l'examen des incidents d’Ouessant.

L'interrogatoire des inculpés, l'audition des témoins et le réquisitoire ayant été terminés

 

La Parole est donnée aux défenseurs.

 

Dès que les plaidoiries de Me Lynier, Me Martineau, Me Péquin, Me Curand et Me Alizon sont terminées,

le président demande aux accusés s’ils ont quelque chose à ajouter pour leur défense.

Tous les inculpés déclarent regretter les faits et disent avoir agi sous l'empire de l’ivresse.

 

Les débats sont clos.

Il est 10 h. 1/2 et le conseil entre dans la salle des délibérations.

Il en sort à une heure avec le Jugement suivant :

 

Bodet, Thomas et Colas sont acquittés ;

Allain et Dadou sont condamnés a cinq ans de réclusion et à la dégradation militaire, mais avec dispense de l'interdiction de séjour ;

Guillo, cinq ans de prison ;

Costergent et Le Ludec, trois ans de prison ;

Lemattre et Suaud, deux ans de prison.

 

Tous ont bénéficié des circonstances atténuantes.

Le conseil n'a repoussé qu'une seule circonstance aggravante, celle de nuit.

 

Henry CALAIS.

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