top of page

Fenêtres sur le passé

1902

Attentat contre la poudrière du Bouguen
 

Attentats fort Bouguen _00.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 3 juillet 1902

 

Depuis un certain temps, les anarchistes n'avaient pas fait parler d'eux.

Cela ne pouvait durer ;

ils viennent de se rappeler à l'attention publique par une criminelle tentative qui, si elle avait réussi, aurait pu avoir des conséquences terribles.

 

Ils avaient choisi pour théâtre de leurs exploits une des poudrières du fort Bouguen,

qu'ils avaient l'intention de faire sauter.

 

Cinq poudrières sont échelonnées aux pieds des remparts qui partent de la porte du Moulin à Poudre et viennent aboutir à la Digue.

 

C'est à cette dernière qu'ils se sont arrêté.

 

Voici les faits tels qu'ils nous ont été rapportés par une personne bien placée :

 

L'avant-dernière nuit, vers 1 h. 3/4, le soldat Christophe Sparfel, de la 2ème compagnie du 19e, était de faction devant cette poudrière, lorsqu'un individu s'avança vers lui.

 

Sparfel lui cria de s'arrêter.

L'homme n'obéissant pas, le soldat fit les sommations d'usage.

 

Mais la perspective d'un coup de fusil n'effraya pas l'homme, accompagné d'un camarade, qui se tenait â distance.

 

Il s'avança en courant sur Sparfel et dès qu'il fut à proximité, il tira un coup de revolver.

 

Sparfel avait été atteint, mais il n'en déchargea pas moins son fusil contre son agresseur.

 

Ce dernier et l'homme qui l'accompagnait prirent alors la fuite.

​

Attentat Brest Bouguen.jpg

​

Comme nous l'avons dit, le soldat Sparfel avait été atteint et la balle lui avait brisé le bras gauche au-dessus du poignet.

Il fut conduit, après la relève des sentinelles, à l'infirmerie de la caserne Feutras.

 

Cette poudrière, devant laquelle était placé en sentinelle le soldat Sparfel, est distante du corps de garde de 500 mètres environ.

 

Le sergent de garde Laporte, chef de poste, fît des recherches avec les soldats disponibles pour retrouver l'auteur de cette agression, mais ce fut inutilement.

 

Entre temps, le gendarme de vigie à la caserne de gendarmerie maritime, ayant entendu le bruit de la détonation, qui semblait venir du côté de Quéliverzan, en avisa ses chefs.

 

Une brigade de gendarmerie fut envoyée dans cette direction, mais, ne trouvant rien d'anormal, elle rentra à la caserne.

 

Le commandant d'armes fut avisé, le matin, au rapport.

 

Comme on avait aperçu, dans la matinée, l'auteur de l'agression et son camarade qui rôdaient encore autour du fort Bouguen, un peloton du 19e, sous les ordres d'un lieutenant, fut envoyé pour faire une battue dans les environs.

 

Le commissaire central, qui avait été également averti, dans la matinée, de la présence de ces deux individus aux alentours du Bouguen, envoya deux brigades d'agents de la sûreté, conduites par le sous-chef de police Brusq.

 

Une battue fut organisée.

Les forts, les taillis, les bois et les champs furent fouillés.

 

L'on suivit les traces des pas jusqu'à un certain point des remparts, par lesquels les deux individus avaient sans doute sauté dans les douves pour se rendre à la Digue, où ils disparurent.

​

Sentinelle _10.jpg

​

Dans la nuit de samedi à dimanche, une agression avait déjà eu lieu contre le soldat Baugé, du même régiment, de faction à la même poudrière.

 

Celui-ci avait eu sa baïonnette enlevée de son fusil.

 

Comme nous le disons plus haut, cette poudrière est située à 500 mètres environ du fort et renferme, parait-il, 12,500 kilos de poudre blanche, destinée à la confection de 5.000,000 de cartouches.

 

Ainsi qu'on peut en juger par la provision de poudre qui se trouve emmagasinée dans cette poudrière, un désastre épouvantable se fût produit si ces malfaiteurs avaient pu y mettre le feu.

 

Samedi dernier, le chef de poste du fort Bouguen, le sergent Lavezie, de la 1ère compagnie du même régiment, avait eu, paraît-il, une altercation avec un ancien soldat du 19e  libéré en 1900, qui rôdait dans ces parages.

 

En s'éloignant, l’ex-soldat aurait tenu des propos anarchistes et déclaré qu'il se vengerait.

 

Cet individu est sans doute l'auteur de la tentative criminelle que nous venons de raconter.

 

Aussi, l'enquête qui est ouverte par l'autorité militaire et l'autorité civile tend elle à retrouver cet ex-soldat.

Après ces attentats, l'autorité militaire fait doubler les sentinelles au fort Bouguen.

​

Attentats Moulin à poudre _00.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 3 juillet 1902

 

Après les attentats commis contre les sentinelles de faction aux poudrières du fort Bouguen, l'on croyait que les malfaiteurs se seraient tenus tranquilles.

 

Il n'en est rien ; ils ont payé d'audace et renouvelé leur criminelle tentative, avant-hier, entre 11 h. 1/2 et minuit.

 

Cette fois, ils se sont attaqués à !a poudrière qui surplombe le Moulin-à-Poudre.

 

Vers 11 h. 3/4. le soldat Caër, de la 3e compagnie du 19e, était de faction devant cette poudrière et se tenait à quelques mètres de sa guérite, distante également de la poudrière de cinq mètres environ.

 

Tout à coup, il aperçut un individu rampant dans les herbes qui bordent le chemin de ronde, puis il en vit un 2ème qui, sortant également de l'herbe près de la poudrière, s'apprêtait à escalader celle-ci.

 

Le soldat Caër courut presser le bouton électrique qui relie la poudrière au corps de garde de la caserne Castelnau, à la porte du Bouguen.

 

L'un des individus s'avançait sur la sentinelle, lorsque celle-ci fit les sommations d'usage.

 

L'individu ne répondant pas, le militaire appela la garde.

​

Sentinelle _06.jpg

​

Le sergent Hablard, chef de poste, averti par la sonnerie électrique et les appels du soldat Caër, fit sortir le poste et courir au pas de gymnastique pour lui porter secours.

 

Quand les hommes arrivèrent près delà poudrière, les deux individus, après avoir lancé des coups de sifflet, se laissèrent glisser dans la douve le long des paratonnerres qui sont sur cette poudrière.

 

Pendant que le sergent Hablard opérait des recherches dans les environs, deux autres individus allèrent pour attaquer la sentinelle qui était placée devant la poudrière où le soldat Sparfel avait été blessé la veille.

 

Ils furent mis en fuite et disparurent comme les autres dans les douves.

 

Après ce nouvel attentat, le sergent Hablard fit doubler la faction devant la poudrière où se trouvait le soldat Caër.

 

Des renseignements que nous avons recueillis, ces individus sont l'un grand et l'autre petit.

 

Il paraît que ce sont les mêmes qui ont attaqué la veille le soldat Sparfel.

L'un d'eux avait, paraît-il, tenté de faire sauter le cadenas de la première porte de cette poudrière.

 

Dans la journée d'hier, le général Larnac s'est rendu sur les lieux, ainsi que le commandant Foucque, du 19e, chargé de l'enquête.

 

Dans cette dernière poudrière, la quantité de poudre blanche est supérieure à celle de l'autre poudrière.

 

Les locataires qui habitent les maisons voisines du fort Bouguen sont terrorisés par ces attaques incessantes, dont les conséquences pourraient devenir effrayantes, si les malfaiteurs arrivaient à mettre leurs funestes projets à exécution.

 

Presque tous parlent de déménager.

 

D'un autre côté. M. Moerdès, commissaire spécial, a ouvert une enquête

​

Brest _50.jpg
A la poudriere du Bouguen _00.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 5 juillet 1902

 

Cela devient une gageure.

 

Dans la nuit de jeudi à vendredi, quatre individus se sont attaqués à une sentinelle, celle qui est placée devant la poudrière située derrière la maison d'arrêt du Bouguen.

 

La relève des sentinelles venait d'être faite, un peu après minuit, lorsque le soldat placé derrière la maison d'arrêt vit quatre individus' sortir du chemin de ronde et s'embusquer dans un champ voisin.

 

Au moment où la sentinelle allait faire les sommations d'usage, un de ces individus se leva et lui lança une énorme pierre, qui vint tomber à ses pieds sans l'atteindre.

 

La sentinelle, qui avait appelé la garde, mit en fuite ces quatre individus, qui disparurent du côté de Brest.

 

Pendant que le sergent de garde opérait, du côté du Moulin à Poudre, une ronde avec quelques-uns des hommes disponibles, le caporal de consigne, avec d'autres hommes, fouillait les environs du fort Bouguen.

 

Mais, pas plus que lors des attaques précédentes, aucun des malfaiteurs ne fut arrêté.

 

Ajoutons que l'autorité militaire poursuit activement son enquête.

 

Le commandant Fouque, du 19e, chargé de cette enquête, a entendu, hier matin, les déclarations des sergents chefs de poste à la caserne Castelnau pendant ces jours derniers, et des sergents chefs de poste où se produisirent les attaques.

 

Dans la journée d'hier, le colonel directeur d'artillerie, accompagné du chef d'escadron sous-directeur, a visité les différentes poudrières du Bouguen.

 

Le soldat Sparfel, qui avait essuyé un coup de revolver, et qui est soigné à l'infirmerie régimentaire, va aussi bien que possible, la balle qu'il a reçue au poignet gauche ayant formé séton.

 

Cette dernière attaqua a redoublé l'inquiétude des locataires des maisons voisines, mais il ne faudrait pas exagérer le danger.

 

En admettant que les malfaiteurs aient pu pénétrer dans les poudrières, il leur eut été très difficile de provoquer une explosion.

 

La poudre blanche est en effet renfermée dans de nombreuses caisses étanches et séparées.

 

L'autorité militaire a fait doubler les sentinelles, pour prévenir toute nouvelle attaque.

​

A la poudriere de Queliverzan.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 6 juillet 1902

 

Nous disions, hier, que cela devenait une gageure, mais aujourd'hui cela devient tout à fait mystérieux.

 

Après les attaques successives contre les poudrières du fort Bouguen, les malfaiteurs ont changé de direction.

C'est maintenant vers les poudrières situées du côté de Recouvrance qu'ils dirigent leurs manœuvres.

 

C'est ainsi que, dans la nuit d'avant-hier, ils ont opéré contre la poudrière de Quéliverzan.

 

Celte poudrière est située à droite de la porte du Conquet et dans un renfoncement du rempart, derrière la caserne de gendarmerie maritime du Carpont.

 

Une barrière à claire-voie clôture le rempart à un certain endroit, près d'un mur, où se trouve une guérite, et vient sa terminer près de Kervallon.

 

La relève des sentinelles venait d'être faite, à deux heures du matin, lorsque la soldat Tricot, da la 3e compagnie du 19e, qui venait à, peine de prendre la faction devant cette poudrière, fut surpris tout à coup de voir un individu surgir devant lui.

 

Le soldat Tricot lui cria : « N'avancez pas ou je fais feu ! »

 

Devant la persistance de cet individu, qui continuait à marcher, le soldat Tricot fit feu, sans pouvoir atteindre cet individu, qui disparut à travers les arbres dans les ajoncs.

 

Dans la crainte d'une riposte, le soldat Tricot courut se placer devant la porte de la poudrière, où il fit fonctionner le bouton d'alarme qui est en communication avec le poste, situé à cent mètres environ derrière la poudrière.

​

Brest Porte du Conquet _j02.jpg

​

Le sergent Servant, de la 8e compagnie, chef de poste, sortit avec ses hommes et fit fouiller les taillis et autres ; comme précédemment, les recherches demeurèrent sans résultat.

 

Dans la soirée, la sentinelle qui se trouvait de faction près de la barrière, à l'entrée du fort de Quéliverzan, avait remarqué un individu, de haute stature, qui semblait suspect par ses allures.

Par trois fois, cette sentinelle lui cria de se tenir au large, mais cet individu ne tint aucun compte des avertissements.

Il disparut ensuite, mais l'on ne put savoir dans quelle direction.

 

Dans la soirée d'hier, le commandant Fouque, du 19e, qui remplit les fonctions de major de la garnison, s'est rendu à Quéliverzan, où il a ouvert une nouvelle enquête.

 

Comme le bruit s'était répandu qu'une nouvelle attaque avait eu lieu également au fort Bouguen, nous avons fait une enquête qui nous a appris qu'un individu, de haute stature également et aux allures suspectes, avait rôdé dans les environs une partie de la soirée et, à l'aide de quelques sous, avait interrogé des enfants sur la situation des poudrières placées dans ces parages.

 

Le signalement de cet individu a été donné au commissaire central, qui a mis ses plus fins limiers à sa recherche.

 

Nous souhaitons qu'il soit arrêté au plus tôt.

Cet individu pourra peut-être fournir à la justice des renseignements sur ces attaques successives, qui terrorisent les habitants avoisinant ces poudrières.

 

Le soldat Sparfel, qui essuya le coup de feu d'un de ces malfaiteurs à la poudrerie du Bouguen et fut blessé au poignet gauche, a été vivement félicité par le colonel Barret, du 19e.

Ce militaire a été porté à l'ordre du régiment et proposé pour le grade de soldat de 1ère classe.

​

Sentinelle _08.jpg

​

Hier soir, vers dix heures, un ouvrier de notre imprimerie, M. Brenterch, traversant les glacis du Bouguen pour rentrer chez lui, à Saint-Martin, a été assailli par quatre individus qui, surgissant soudain des hautes herbes, le menacèrent de lui faire un mauvais parti.

 

L'un d'eux s'écria notamment :

— Puisque nous ne pouvons pas faire sauter les poudrières, faisons sauter les bourgeois !

 

M. Brenterch, voyant que les choses tournaient mal, se mit à courir de toutes ses forces vers le poste et prévint le sergent de garde.

Une patrouille fut aussitôt envoyée on reconnaissance.

À minuit nous ne savions pas encore si cette recherche avait donné un résultat.

​

A la poudrière de la rue Poterne.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 7 juillet 1902

 

N'étaient les faits incontestables qui vont suivre, nos lecteurs croiraient que nous leur faisons le scénario d'un opéra-comique, où il est question d'histoires de brigands.

 

Hier soir a eu lieu ce qu'on appellera la sixième attaque contre les poudrières de Brest, et, pour la première fois, un individu a pu être arrêté.

Mais cette arrestation reste encore pleine de mystères.

On ne sait si l'on se trouve en présence d'un coupable qui aurait participé aux attaques récentes, ou si l'on se trouve en présence d'un inoffensif passant.

 

Voici les faits, d'après l'enquête à laquelle nous nous sommes livrés :

 

À 11 h. 1/2. hier soir, une des sentinelles de faction devant la poudrière de la rue de la Poterne, à l'encoignure de la rue de la Rampe, aperçut un individu qui longeait le mur de la poudrière, en titubant quelque peu.

La sentinelle fit les sommations d’usage.

L'individu s'éloigna un instant, revint peu après et longea à nouveau le mur.

Nouveaux avertissements inutiles de la sentinelle, qui tira alors un coup de fusil, sans atteindre l'inconnu.

Au bruit de la détonation, l'homme prit la fuite par le cours Dajot, mais il fut bientôt rejoint par l'agent Riou, qui avait entendu le coup de feu.

L'inconnu fut conduit au poste de police de la porte Foy, d'où un agent alla prévenir M. Martin, commissaire de police de permanence.

Ce magistrat ordonna le transfert du délinquant au poste de la rue de la Mairie.

​

Brest _52.jpg

​

Interrogé par M. Martin, l'individu en question a déclaré être de nationalité anglaise et appartenir à la marine du commerce.

Il a ajouté que, ne comprenant que difficilement le français, il n'avait pas compris les sommations de la sentinelle.

Le matelot anglais, qui paraissait être en état d'ébriété, a été gardé pendant toute la nuit au poste central de police.

Un sergent du 19e de ligne, accompagné de deux soldais du même régiment, s'est aussitôt rendu à la poudrière de la rue de la Poterne.

Il y a peut-être, dans cette première arrestation, une piste intéressante à suivre pour les autorités militaires et civiles chargées de l'enquête.

 

Quoique de nationalité anglaise, ce matelot ne doit pas ignorer les règlements militaires qui interdisent le séjour prolongé et suspect près d'une poudrière.

En outre, ce matelot était-il réellement dans un état inconscient d'ivresse ?

Les explications fournies par l'inculpé semblent plutôt claires et nettes.

De toute façon, nous ne tarderons pas à être fixés.

​

A la poudrière de la rue Poterne Marin russe.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 8 juillet 1902

 

Ce que nous appelions la 6e attaque de poudrière a eu son épilogue dans la journée d'hier.

 

L'affaire se réduit à peu de chose et a causé beaucoup de bruit pour rien.

 

Nous disions donc que la sentinelle de faction devant la poudrière de la rue de la Poterne avait tiré un coup de fusil contre un individu paraissant d'allures suspectes.

Nous ajoutions que cet individu, qui semblait être un sujet anglais, avait été arrêté.

 

Voici des détails rétrospectifs sur cette affaire :

 

Avant-hier soir, vers 1 h. 1/2, le soldat Gibaud, du 19e, de faction devant la poudrière de la rue de la Poterne, apercevait un individu qui, venant de la porte Foy, longeait le mur de la poudrière.

Le soldat Gibaud lui cria de passer au large et le poussa pour lui faire prendre le milieu de la chaussée.

Cet individu partit en maugréant et revint quelques instants après.

Le soldat Gibaud lui fit de nouvelles sommations, mais en vain.

 

Comme il avait entendu précédemment deux coups de sifflet, et croyant avoir affaire à un de ces individus qui avaient attaqué les sentinelles du Bouguen, le soldat Gibaud fit feu sans atteindre l'inconnu, qui détala à toutes jambes sur le cours Dajot.

 

En entendant la détonation, les agents de service à la porte Foy vinrent s'enquérir près de la sentinelle de ce qui venait de se passer.

Aussitôt, ils se mirent à la recherche de cet individu, qu'ils découvrirent couché sur un banc du cours Dajot, près des escaliers du port de commerce, et encore tout tremblant de sa mésaventure.

Les agents le conduisirent devant la sentinelle, qui reconnut l'individu qui avait à plusieurs reprises et précédemment rôdé autour de la poudrière.

 

Il fut ensuite conduit à la mairie, ou se trouvait M. Martin, commissaire de police de permanence.

Vu son état d'ébriété, il fut écroué au violon de la mairie, d'où, hier matin, il était extrait, pour être conduit devant M. Martin.

 

Interrogé à l'aide d'un interprète, cet individu déclara se nommer Oskcar Alen, âgé de 20 ans, né à Ranmo (Finlande), marin du commerce, embarqué sur la goélette anglaise Margaret, en déchargement à quai à Landerneau.

Il ajouta qu'il était venu à Brest se promener et qu'il avait dépensé quinze francs.

Le soir venu, étant ivre, il manqua le train pour rentrer à Landerneau et resta en ville, où il erra à l'aventure, sans savoir où il allait.

Il ne comprit pas les sommations de la sentinelle.

​

Sentinelle _02.jpg

​

En présence de cette déclaration, M. Martin remit ce marin en liberté et le fit conduire à la gare de l'Ouest, d'où il a été dirigé sur son bateau, à Landerneau.

 

M. Moërdès, commissaire spécial des chemins de fer, s'est rendu, hier après-midi, à Landerneau,

par le train de 2 h. 10.

 

Dès son arrivée dans cette localité, il est monté à bord de la goélette Margaret, du port de Turo, où il a été reçu par le capitaine Prettyman.

 

La goélette Margaret a quitté Anvers le 20 juin, avec un chargement de guano à destination de M. Le Marchand, de Landerneau.

 

Quand M. Moërdès est arrivé à bord, Alen dormait d’un profond sommeil.

Alen navigue depuis deux années sur les voiliers anglais.

Ses parents et sa famille habitent Ranmo.

Dimanche matin, il avait quitté le Margaret, sur la permission du capitaine Prettyman.

Il prit un billet aller et retour pour Brest, comptant revenir dans la soirée.

Il lui restait alors 15 francs en poche, qu'il dépensa à stationner dans les cabarets de notre ville.

La nuit venue, il s'égara, sans argent, et constata, en outre, la disparition de son ticket de retour.

Alen erra au hasard et se dirigea involontairement du côté de. la rue de la Poterne.

 

Il avait bien entendu les sommations de la sentinelle, mais, comme il ne comprend pas le français, il ne s'en était pas inquiété.

 

L'inculpé de dimanche soir est un grand garçon aux cheveux blonds, l'air paisible et doux.

Il paraît regretter beaucoup sa mésaventure de la veille.

Les cinq hommes qui composent l'équipage du Margaret ont confirmé le récit de leur camarade, à savoir qu'il s'était rendu à Brest dans un but de promenade.

M. Moërdès a pris un cliché photographique de Alen.

 

Au cours de l'interrogatoire, M. le commissaire spécial a demandé brusquement au matelot russe s'il était nihiliste.

— Un peu, a répondu Alen, en baissant les yeux et en rougissant.

Mais il est fort probable qu'il n'avait pas compris le sens de la question qui lui était adressée.

 

En retraçant les faits de la veille, il a ensuite ajouté :

— J'ai senti la balle de la sentinelle me siffler aux oreilles et l'ai échappé belle !

​

Sentinelle _01.jpg

​

Ajoutons que le matelot du Margaret a été interrogé, hier matin, par M. Sénac, commissaire central.

De cette arrestation suivie d'interrogatoires, il résulte donc que la police se trouve en présence

d'un brave matelot « en bordée », qui ignorait absolument l'existence d'une poudrière dans la rue de la Poterne.

 

Nous assistons actuellement à un enchaînement de circonstances qui amènent chaque jour du bruit et l'intervention publique autour des poudrières.

 

Il serait bon, toutefois, de ne rien exagérer et de ne pas pousser les choses au tragique, car, dans un moment d'affolement et en raison des instructions très sévères données par les autorités militaires, un jeune soldat pourrait commettre l'imprudence fatale de tirer sur d'inoffensifs promeneurs.

 

Sans compter que la balle de dimanche aurait pu se loger dans le corps d'une autre personne, puisqu'elle n'a pas atteint le matelot russe visé par la sentinelle.

De toute façons, il sera dangereux, maintenant, de stationner près des poudrières.

 

Quant aux individus qui s'amuseraient à provoquer les sentinelles, ils savent maintenant ce qui les attend.

​

L'affaire des poudrières.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 9 juillet 1902

 

La légitime émotion soulevée par les attaques incessantes contre les poudrières commence à se calmer parmi la population habitant les environs des poudrières.

 

Les enquêtes n'en continuent pas moins avec activité.

Hier matin, le capitaine Le Gallois, du 19e, s'est rendu au fort du Bouguen, où il a interrogé les sentinelles.

L'autorité militaire a décidé que des mesures de sécurité vont être prises.

 

De nombreuses lettres anonymes ont été adressées à M. Sénac, commissaire central, dénonçant des individus qui auraient manifesté des intentions criminelles.

 

D'un autre côté, le gardien du square qui part de la porte Fautras et aboutit sur la route de Kérinou, en face du fort des Fédérés, a remarqué, hier matin, qu'un individu s'était amusé à écrire avec de la craie sur un banc :

« Mort aux vaches ! Nous ferons sauter les poudrières le 12 juillet 1902. »

 

Cette inscription est très probablement le fait d'un mauvais plaisant, qui a voulu s'amuser de la police.

Toutefois, une enquête est ouverte par M. Lefebvre, commissaire de police du 2e arrondissement.

 

Ce magistrat a interrogé, hier soir, les sous-officiers qui étaient chefs de poste lors des attaques du Bouguen et de Quéliverzan.

 

Espérons qu'à la suite de ces différentes enquêtes, la lumière sera faite de façon complète.

​

L'affaire des poudrières - L'enquête continue.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 10 juillet 1902

 

M. Lefebvre, commissaire de police du 2* arrondissement, a continué, hier, son enquête relativement à l'affaire des poudrières.

Il a interrogé plusieurs soldats qui avaient pris la garde devant les poudrières du fort Bouguen.

Dans l'après-midi, il s'est rendu au bastion 16/17, où se trouvait de faction le soldat Sparfel lorsqu'il fut attaqué et blessé d'un coup de revolver.

 

Le soldat Sparfel a, hier après-midi, au Bouguen, expliqué toutes les phases de son attaque au commissaire enquêteur.

 

Un journal de Paris, qui avait envoyé un de ses rédacteurs pour faire également une enquête, publiait, hier, un récit fantaisiste que lui avait fait un haut fonctionnaire de la police locale au sujet de ces attaques successives.

 

Dans le récit de notre confrère, le haut fonctionnaire de la police locale prétendait que l'ouvrier typographe Brenterch, de notre imprimerie, n'avait pas été attaqué et qu'aucune plainte ne lui était parvenue à ce sujet.

 

Pour toute réponse au haut fonctionnaire de la police locale, voici la déclaration de M. Brenterch :

 

« Le samedi 6 juillet, après avoir assisté aux obsèques de mon cousin, et ayant conduit le deuil à la Villeneuve (établissement des pupilles de la marine), je rentrais à mon domicile à Saint-Martin.

 

« Arrivé à l'anse Saupin, on me conseilla de prendre une défense quelconque, disant que le passage des fortifications, les jours de paye de l'arsenal, serait peut-être fréquenté par les rôdeurs.

Je pris un gourdin et me mis en route.

 

« Arrivé près de la ferme de la Digue, vers onze heures, un homme surgit tout à coup près de moi, sortant des hautes herbes.

Je recule et avec ma canne je l'éloigne.

 

— Donne-moi une cigarette ? dit-il.

— Je ne fume pas, répondis-je.

 

« Un deuxième individu s'écria alors :

« Donne-lui un coup de tête dans la g..., à ce type-là ! »

 

« Je les priai de me laisser tranquille.

À ce moment, je vis deux de leurs camarades appuyés sur le rebord d'un fossé, qui les excitaient à me frapper.

 

« L'un d'eux se dérangea et me dit :

« Puisque nous ne pouvons pas faire sauter les poudrières, faisons sauter les bourgeois ! »

 

« Nouvelles exhortations de ma part, disant que je n'étais pas un bourgeois, mais un ouvrier rejoignant sa demeure.

Rien n'y fit.

 

« Profitant d'un moment de consultation de leur part, je sautai dans la douve et me dirigeai vers le poste du Bouguen, où je prévins le sergent de garde de ce qui venait de m’arriver.

 

« Ensuite, je me dirigeai au poste de police de la mairie, accompagné d'un allumeur de becs de gaz, que j'avais trouvé en sortant du poste du Bouguen.

 

« J'ai été reçu par M. Lomont, commissaire de service, à qui j'ai fait ma déclaration et qui en a pris note.

 

« Je suis rentré ensuite chez moi, sous le coup de celte émotion, et aujourd'hui encore je ressens dans la hanche une douleur assez vive, suite de mon saut dans la douve (saut de trois ou quatre mètres).

 

« En terminant, je jure sur ma parole d'honneur que dans ceci, je n'ai rien inventé et que des malfaiteurs se trouvaient bien là pour me faire un mauvais parti.

 

« Albert BRENTERCH. »

 

Nous espérons qu'à la suite de cette déclaration, le haut fonctionnaire de la police locale fera interroger M. Brenterch, qui lui fournira d'autres renseignements, notamment sur l'individu de haute stature dont les militaires ont déjà parlé.

​

L'affaire des poudrières - parisien.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 11 juillet 1902

 

L'enquête relative eux attaques successives des poudrières se trouve momentanément arrêtée par suite de l'indisposition de M. Lefebvre, commissaire de police du 2e arrondis sèment.

 

Des renseignements que nous avons recueillis à bonne source et de la bouche de personnalités compétentes, le soldat Sparfel a été blessé d'un coup de revolver, dont la balle a fait séton sur le poignet gauche.

 

Il n'a pu, nous a-t-on affirmé, se blesser lui-même avec une balle de son fusil.

Et pour cause :

C'est que les cartouches qui sont données à chaque sentinelle sont repassées successivement à chaque relève.

 

Or, le soldat Sparfel rendit seulement une de ces cartouches, s'étant servi de l'autre pour se défendre.

D'ailleurs, les deux détonations ont été parfaitement entendues par les hommes de garde à la caserne Fautras :

La détonation du coup de revolver et la détonation du coup de fusil.

 

Un confrère de Paris avait, selon la déclaration que lui avait faite un haut fonctionnaire de la police, prétendu que la baïonnette du soldat Baugé, la première victime des attaques des poudrières du fort du Bouguen, avait été retrouvée ; il n'en est rien.

Des recherches sont faites encore par l'autorité militaire pour la découvrir.

 

De son côté, l'autorité militaire, sur l'ordre du gouverneur de la place de Brest, continue l'enquête.

​

Sentinelle _05.jpg

​

Autre histoire :

 

Un coup de fusil a été tiré, avant-hier soir vers 9 h 1/2, par l'une des sentinelles placées devant la poudrière de la rue de la Poterne et n'a atteint, fort heureusement, aucun des promeneurs, assez nombreux à cette heure dans ces parages.

 

Cette sentinelle, appartenant au 19e d'infanterie, aperçut la ronde d'officier s'avancer par la rue du cours Dajot.

Pour l'arrêter, elle voulut prendre la position réglementaire ;

mais en décomposant les mouvements, dans sa précipitation et en portant l'arme, la sentinelle appuya involontairement sur la gâchette et le coup partit en l'air.

 

Au bruit de la détonation, l'autre sentinelle quitta son poste pour se rendre compte de ce qui venait d'arriver.

 

Du poste de police de la porte Foy, où se trouvent ordinairement de service deux agents, la détonation, parait-il, n'a pas été entendue.

​

Mésaventure d'un parisien.jpg

​

Depuis quelques jours, les habitants de Recouvrance étaient fort intrigués par les allées et venues d'un étranger à barbe rousse, vêtu d'un complet gris perle, de haute stature et le nez surmonté d'un binocle doré.

 

Cet individu est venu passer quelques jours de villégiature à Brest, et, pour distraire ses loisirs, il avait annoncé à quelques amis qu'il se faisait fort de « rouler les Brestois » et de découvrir le mystère qui plane sur l'affaire des poudrières.

 

La mésaventure suivante qui lui est arrivée le guérira, sans doute, de sa manie.

 

Avant-hier soir, notre homme se dirigea, vers huit heures, du côté des poudrières.

Il s'assit sur l'herbe et, pour se donner une contenance, il fit semblant de lire un journal.

Les habitués du quartier remarquèrent cet individu dont les allures paraissaient suspectes, car les environs de la poudrière semblent mal choisies pour lire un journal, surtout depuis les récentes attaques.

 

Les gamins qui jouaient ne tardèrent pas à entourer le « Parisien ».

Celui-ci, goguenard, leur proposa quelques sous.

Les gamins, malins, prirent l'argent et allèrent informer leurs parents.

Ces derniers, à leur tour, informèrent le commissaire de police.

Mais les sous distribués avaient attiré d'autres gamins et un rassemblement considérable commençait à se former.

 

Plusieurs invectives furent lancées contre le Parisien, qui commença à devenir inquiet.

Il se leva pour rentrer à Recouvrance.

Mais bientôt les gamins se mirent à le huer.

 

La foule grossit alors de plus en plus et des cris :

« À mort l'anarchiste ! » furent poussés.

 

Notre homme dut se réfugier au poste de police, devant lequel s'amassèrent plus de 600 personnes, et où il resta jusqu'à ce que la foule se fût dissipée, des assurances ayant été données aux habitants que ledit Parisien n'était nullement anarchiste.

 

Cette mésaventure lui apprendra à méditer le vieux proverbe :

Qui veut engeigner autrui,

Souvent s'engeigne soi-même.

​

L'affaire des poudrières - Fin de l'enquête.jpg

​

Source : La Dépêche de Brest 13 juillet 1902

 

Nous touchons maintenant à la fin de cette affaire.

 

M. Lomont, commissaire de police du 4e arrondissement, qui avait été chargé par le parquet de l'enquête, par suite de l'indisposition de M. Lefebvre, a terminé, hier soir, son rapport qu'il a transmis aussitôt à M. le procureur de la République.

 

Nous avons cherché vainement à avoir des renseignements de ce magistrat, qui est resté bouche close malgré toutes nos tentatives.

 

Toutefois, nous avons pu savoir, par des personnes très autorisées, que M. Lomont n'a pris aucune conclusion à ce sujet, et que plusieurs des témoins qu'il a entendus lui ont confirmé les déclarations des soldats Baugé et Sparfel.

 

Quant à la blessure du soldat Sparfel, elle a été faite par une balle de revolver,

comme nous l'avons déjà dit plusieurs fois.

 

Il ressort de ces déclarations et dépositions faites à M. Lomont que les individus qui ont tenté d'attaquer les poudrières voulaient surtout se venger de plusieurs des sentinelles.

Le but de ces vengeances était, parait-il, écrit au long dans les nombreuses lettres qu'avait reçues un haut fonctionnaire de la police locale.

 

Le procureur de la République prendra des conclusions qu'il fera ensuite connaître au vice-amiral Roustan, gouverneur de la place de Brest, qui avait demandé une enquête sur cette affaire.

​

Mésaventure d'un parisien.jpg

 

À propos de la mésaventure d'un Parisien, que avons racontée, nous avons reçu, hier, la visite du héros de l'histoire.

Il nous a remis la lettre suivante, qui confirme tout ce que nous avons dit, sauf sur le signalement :

 

« Dans votre numéro du 11 juillet, vous prétendez :

« 1° - Que j'ai une barbe rousse et que mon nez est surmonté d'un binocle doré ;

« 2° - Que j'ai voulu « rouler les Brestois » ;

« 3° - Que, « goguenard », j'ai proposé des sous aux enfants de Recouvrance.

 

«  Veuillez, monsieur, avoir la bonté de me laisser rétablir les faits.

«  D'abord, qu'il me soit permis de vous dire que je suis « très brun » et que mon nez n'a jamais été orné du plus modeste binocle.

«  Quant à la mésaventure qui m'est arrivée, en voici la véridique histoire :

 

« Depuis trois semaines à Brest, chaque jour je me trace un petit itinéraire, car j'ai ce défaut de vouloir bien connaître les pays que je traverse.

« Mardi soir, après dîner, je demande à la parente chez qui j'habite à quel endroit aboutit la rue du Moulin ; j'apprends que par cette rue on arrive à Pontaniou, et aussitôt je décide de diriger mes pas de ce côté.

 

« Dix minutes après, vers 8 h. 1/2, après avoir passé devant la caserne de la flotte, j'arrive devant une poudrière dont j'ignorais, absolument l'existence.

Tout près de celle-ci, dans l'herbe, des gens sont épars :

les hommes jouant aux cartes, les femmes tricotant ou cousant, les gamins pirouettant sur les talus.

Ce terrain est d'une assez grande largeur et bordé de fortifications.

Je fais comme tout le monde,

Je m'y assois.

Bientôt, je sors un journal de ma poche, le Supplément, et je me mets en devoir de la parcourir, mais, je vous le certifie, sans affectation aucune de ma part et sans penser le moins du monde à la poudrière située à 150 mètres de moi, quand, tout à coup, je me vois environné de plusieurs bandes de gamins et je suis surpris de lire sur leur visage l'hostilité la plus grande.

 

« Je me lève aussitôt et, dégringolant les pentes des talus, je gagne une étroite rue qui longe la caserne du 19e (ce que je sus après).

Sans doute les gamins croient que je me sauve, car j'entends tomber autour de moi les projectiles les plus variés : cailloux, mottes de terre, etc.

Cette rue resserrée, dans laquelle je suis dominé par les gamins, me paraît dangereuse.

Je fais demi-tour et je reviens sur mes pas pour reprendre le chemin qui va à la caserne de la flotte.

Je hâte le pas, inutilement d'ailleurs, car 800 personnes au moins, des enfants pour la plupart, se mettent à ma poursuite en criant :

« A mort l'anarchiste ! »

À un certain moment, agacé, je m'arrête brusquement et, faisant face à tout ce monde, je m'écrie :

« Voulez-vous des sous pour me laisser continuer mon chemin ?»

Les oui sont si nombreux qu'il m'est impossible de les satisfaire tous.

Je trouve, au fond d'une poche, deux petits sous et je les distribue aux deux gamins qui me pressaient le plus.

J'ai le nom de l'un d'eux ; son père est marin vétéran au port militaire.

Mon but, en agissant ainsi, est de prouver à tous ces pauvres cerveaux que je ne suis pas le méchant anarchiste qui a rêvé la destruction de Brest.

Et ce n'est pas «goguenard », que je leur ai offert deux sous, c'est bien parce que je trouvais ma situation assez critique et que ce moyen me paraissait capable de réussir.

 

« De suite, dans le public, le bruit court que je distribue force pièces d'argent.

Des gamins, me devançant au poste, informent les agents que j'ai « tiré le plan de la poudrière ».

Lorsque, quelques minutes après, essoufflé, je parviens â me réfugier dans le poste, ces gamins sont partis, mais une foule immense m'a suivi et stationne dans la rue du Pont.

Un enfant rapporte le sou que je lui ai donné ; ses parents lui ont dit que de l'argent d'anarchiste doit porter malheur.

Un agent court informer M. le commissaire de police de ma mésaventure.

Il arrive bientôt, et ce magistrat, dont je me plais à louer la parfaite urbanité, me déclare de suite qu'il est désolé de ce qui m'arrive et qu'il va, sur-le-champ, m'accompagner jusqu'au pont.

 

« Nous sortons, au grand ébahissement des badauds qui, de suite, comprenant l'erreur grossière dans laquelle ils sont tombés, peu après se dispersaient.

 

« Je constate avec regret, monsieur, que votre bonne foi a dû être surprise.

Je suis en train de chercher dans ma mémoire quels sont les amis à qui je me suis vanté de rouler les Brestois.

Quoique habitant la capitale, je ne suis pas le « fumiste » que vous voyez en moi.

Breton même d'origine, je n'ai jamais eu l'intention de me moquer de mes compatriotes.

 

« Au lieu de lire dans votre journal un récit dans lequel vous auriez déploré (un tantinet) ma mésaventure, je trouve, au contraire, une histoire abracadabrante dans laquelle vous avez l'air de trouver très indulgents ces braves gens de Recouvrance (côté Pontaniou).

 

« Veuillez agréer, etc.

 

« X..., touriste. »

​

Brest _51.jpg
bottom of page