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Fenêtres sur le passé
1899
Invasion de poulpes
Source : La Dépêche de Brest 12 juillet 1899
Les pêcheurs du littoral des environs de Roscoff, jusqu'au Conquet, se plaignent d'une véritable invasion de poulpes ou pieuvres (Victor Hugo les appelle ainsi dans ses Travailleurs de la mer) sur leurs côtes, où ils causent de grands ravages par la destruction des petits homards, langoustes, coquillages, etc.,
ce qui contribue à rendre la pêche bien moins fructueuse.
De mémoire d'homme, on n'avait vu une telle agglomération de ces céphalopodes, sortes de malfaiteurs sous-marins, dont quelques-uns atteignent la grosseur d'un bol, à la tête, et une longueur de 60 à 75 centimètres.
La tête, rousse et osseuse, est agrémentée de deux yeux rouges ou jaunes, de la grosseur de ceux d'un lapin,
suivant la taille, bien entendu ; la bouche de ce poisson ressemble beaucoup comme nuance, forme et dureté,
au bec d'un gros perroquet.
Les petits poulpes et les moyens circulent beaucoup et se tiennent parmi les herbiers ;
les plus grands élisent domicile sous les rochers, où ils se creusent un abri, dans lequel ils se tapissent fort à l'aise.
Il est facile de se douter de leur présence ou de les apercevoir, grâce aux amas de sable et aux débris de toutes sortes qui jonchent les abords des endroits où ils se tiennent et d'où ils semblent guetter leurs victimes.
Malheur à celles qui passent à portée !
La pieuvre est, en effet, armée de nombreux tentacules se terminant en pointe et qui se développent instantanément, pour happer la proie, à laquelle ils s'enlacent avec une vigueur extraordinaire ;
ces appendices sont garnis d'une multitude de suçoirs, dont quelques-uns ont la largeur d'une pièce de un franc.
L'adhérence est tellement forte qu'un homme est souvent impuissant à les détacher ;
on a vu des pêcheurs, dont les sabots étaient enveloppés par ces pieuvres et qui étaient obligés, pour se dégager,
de couper tous les tentacules ;
ils n'étaient libres qu'après avoir détaché le dernier ;
autrement, il faut retourner complètement la tête du poulpe, ce qui le rend impuissant et le fait mourir ;
mais il faut encore de l'adresse et une certaine force pour opérer ainsi, et lorsque la pieuvre est grande,
on a du mal à réussir par ce procédé.
Lorsque l'on poursuit la pieuvre dans la mer, ses tentacules lui servent de nageoires ;
le mouvement qu'elle fait pour les rapprocher lui donne une grande impulsion, à ce point que chaque mouvement
lui fait franchir instantanément une distance de deux à trois mètres.
Quand elle est serrée de trop près, elle se roule en boule comme le hérisson, s'entourant la tête de tous ses tentacules, au-dessous desquels elle se ménage pour les yeux deux ouvertures par où elle observe les mouvements
de l'ennemi.
Il est facile de concevoir que nos pêcheurs soient fort ennuyés par de tels hôtes dont il n'y a pas grand'chose à faire.
Entreprendre à leur égard une guerre d'extermination, ce serait sans doute faire comme celui qui voudrait compter tous les grains de sable du bord de la mer, et l'on ne peut pas perdre ainsi son temps,
à cause des exigences de la vie matérielle.
Quelques-uns utilisent cependant ces poulpes, dont la chair est blanche et très liante,
pour amorcer des palancres à congres ;
quelques autres, moins nombreux, les mangent après les avoir écorchés et fait cuire ;
il paraît que c'est encore assez délicat, mais, au total, il n'y a pas grand'chose à en tirer.
Peut-être la nature, les circonstances seront-elles encore le meilleur opérateur dans l'affaire, et les pieuvres disparaîtront probablement comme elles sont venues ;
mais ce ne sera, sans doute, qu'après avoir causé bien des déprédations sur nos côtes et lorsqu'elles ne trouveront plus une alimentation suffisante.
Il ne semble pas y avoir d'autre solution pratique.