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Fenêtres sur le passé

1896

Les lycées de filles

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Source : La Dépêche de Brest 30 juillet 1896

 

Journée de distributions de prix que celle d'hier.

Le matin au lycée de garçons, l'après-midi au lycée de filles.

Aux garçons, M. Cathala, sous-préfet de Brest, qui présidait, a donné, sous une forme enjouée, le meilleur conseil, celui d'avoir du bon sens, en commençant par le bon sens d'être de leur âge, ce qui ne veut pas dire que,

parce qu'ils sont jeunes, les lycéens ne doivent penser qu'à jouer et s'amuser.

À chaque âge ses plaisirs, et à chaque heure son emploi, le travail d'abord, la récréation ensuite.

Et voici venu le moment de la grande récréation.

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M. Dosimont, inspecteur d'académie,

présidait au lycée de jeunes filles.

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Il a profité de l'occasion pour dire tout le bien que la raison, la droiture, la saine intelligence des choses commandaient de penser

des lycées de filles.

Cette éducation des jeunes filles dans des établissements de l'État, dont la direction est confiée à des laïques, les beaux esprits

du cléricalisme se sont plu d'abord à la railler.

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M. Dosimont le rappelle, et, non, semble-t-il, sans quelque satisfaction, car plus éclatant est par suite le succès

du nouvel enseignement.

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En dépit des railleries, la démocratie a rendu justice aux collèges, aux lycées de jeunes filles :

Elle leur a donné confiance, elle y a conduit ses enfants, et il n'a pas tardé à paraître que véritablement on y instruisait les jeunes filles, ce qui faisait un piquant contraste avec maints pensionnats congréganistes plus ou moins à la mode, où, la scolarité terminée, le plus clair du profit gagné par les élèves était qu'elles ne savaient rien.

​

C'est fini aujourd'hui, le temps de la raillerie ;

il a bien fallu se rendre à l'évidence.

​

Mais les préjugés sont tenaces, et plus ils sont vains, plus ceux

qui en profitent mettent de zèle à les exploiter, plus aussi parfois certaines gens ont de peine à en secouer le joug.

​

M. Dosimont a cité à ce sujet une lettre bien typique d'une femme

qui rend, d'ailleurs, pleine justice aux lycées de jeunes filles, à l'enseignement qu'on y reçoit et aux professeurs qui le donnent.

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Et en excellents termes, avec une parfaite sûreté de touche, il a exposé toutes les raisons que nous devions avoir

de témoigner toute notre sympathie aux lycées de jeunes filles, l'adaptation de leur enseignement aux conditions,

aux besoins de la vie contemporaine, leur organisation pédagogique supérieure, sans rivale dans notre pays.

 

Tout est à lire dans ce discours excellent, d'une ironie si fine pour les railleurs et d'une si ferme raison.

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C'est en somme la cause de l'école laïque, de l'éducation laïque,

que M. Dosimont a défendue.

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Il a cité M. Spuller louant les femmes d'intelligence et de cœur auxquelles a été confiée la tâche de « former des intelligences vraiment modernes et d'inspirer des cœurs nouveaux ».

 

Dans un discours qu'il prononçait à une distribution de prix, en 1879, l'ancien, qui n'était alors que futur ministre de l'instruction publique, avait dit :

 

« Vos écoles sont laïques, et vous êtes, à juste titre, fiers de ce beau nom qui indique qu'elles sont faites à l'image et pour le service d'une société politique, noblement jalouse de son indépendance morale, émancipée définitivement du joug des superstitions et des préjugés, des aristocraties et des théocraties.

​

Vos écoles sont laïques, et vos adversaires ne manquent pas de s'arrêter à cette étiquette, pour les accuser d'impiété et pour les taxer d'irréligieuses.

​

Que l'on nous montre donc ailleurs une institution d'une portée morale et civique plus haute et plus profonde que l'enseignement

que vous donnez et qui, reposant sur le culte de la famille

et de la patrie, s'efforce de faire des hommes et des citoyens !
 

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Eugène Spuller

Avocat, écrivain, journaliste et homme politique français,

Né le 8 décembre 1835 à Seurre (Côte-d'Or)

Mort le 23 juillet 1896 à Sombernon (Côte-d'Or).

Que l'on nous dise si ce n'est pas comprendre et pratiquer les plus sérieux devoirs que de libérer de jeunes et tendres intelligences de la noire servitude de l'ignorance et de l'erreur, et que d'accroître ainsi les forces vives du pays !

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On parle de religion !

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Qu'est-ce que votre école, mes concitoyens ?

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N'est-ce pas un temple ouvert à la science et à la vérité, et pourquoi ne dirions-nous pas le mot ?

N'est-ce pas un temple ouvert à la religion de la justice et du progrès ? »

 

Prononcées il y a dix-sept ans*, ces paroles ont encore toute leur actualité.

* 1879

 

Ce que M. Spuller disait de l'école laïque, on peut bien le dire des collèges et des lycées de jeunes filles.

Et nous sommes heureux de répéter, après M. Dosimont, qu'ils sont en pleine voie de prospérité.

Aux républicains de ne rien négliger pour que ce succès aille toujours croissant.

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