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Fenêtres sur le passé

1896

Divorce et séparation

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Source : La Dépêche de Brest 18 juillet 1896

 

Les statistiques judiciaires sont comme la justice elle-même :

Elles ne viennent qu'à pas lents, mais cette lenteur ne les empêche pas d'être fort intéressantes.

C'est ainsi qu'on peut trouver dans le rapport sur la justice civile en 1893, qui vient d'être publié,

tout une série d'observations sur le divorce et la séparation de corps.

On y remarque, en premier lieu, que le divorce, qui avait subi une progression continue, a légèrement fléchi.

De 7,035 en 1892 le nombre des divorces prononcés par les tribunaux est descendu à 6,937 en 1893.

 

Les partisans de l'indissolubilité du mariage auraient cependant tort de se féliciter de ce résultat.

La statistique, l'impitoyable statistique, nous apprend que ce n'est pas le nombre des divorces qui a diminué,

mais celui des conversions d'anciennes séparations de corps en divorce.

Depuis la loi du 27 juillet 1884, les demandes de conversions n'ont, en effet, cessé de diminuer chaque année.

Elles sont tombées en 1893 à 493, dont 331 formulées par la femme et 162 formulées par le mari.

Ce sont elles qui ont fait baisser les totaux.

Au contraire, les jugements rendus sur des demandes directes de divorce continuent à être toujours plus nombreux :

en 1885, 1 960 ; en 1891, 5,752 ; en 1892, 6,435 ; en 1893, 6,480.

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Les demandes en séparation de corps, dont le nombre était de 2.910 en 1885,ont décliné numériquement jusqu'en 1890 (2,041) ;

mais dans les trois années suivantes, leur chiffre s'est un peu relevé :

en 1891, 2,059 ; en 1892, 2,094 ; en 1893, 2,171.

Il semble que le divorce ait atteint la limite de ses empiétements

sur la séparation de corps et que celle-ci, là où elle est maintenue par les habitudes et les croyances, reprenne faveur, sans nuire d'ailleurs aux progrès du mode qui réalise la rupture complète du lien conjugal.

 

Les tribunaux se montrent toujours plus favorables aux demandes

en divorce qu'aux demandes en séparation de corps.

En 1893, la proportion des demandes en divorce accueillies

a été de 84 %, celle des demandes accueillies de 75 %.

Les proportions correspondantes en 1892 étaient de 86 et 76 %.

 

Comment les demandes en divorce se répartissent-elles entre les diverses professions ?

La statistique nous répond :

Les propriétaires, rentiers et les titulaires de professions libérales ont formé 751 demandes en divorce et 374 en séparation de corps ;

les commerçants, 1,222 et 391 :

les cultivateurs, 667 et 369 ;

les ouvriers, 3,089 et 845 ;

enfin les gens sans profession, 526 et 111.

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On peut observer, en outre, que de 1885 à 1893,

le nombre des demandes en divorce apparaît presque quintuplé

dans la classe des ouvriers, presque quadruplé dans celle des gens sans profession ;

presque triplé dans celle des commerçants ;

enfin, à peine doublé dans celle des propriétaires, des rentiers et des professions libérales.

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Le nombre des demandes en séparation de corps a beaucoup moins varié et ses variations ne correspondent en rien aux précédentes ; elles présenteraient plutôt une sorte d'inversion dans leur ensemble.

Le groupe des ouvriers, notamment, où la progression des divorces

est le plus accusée, est celui où la diminution des séparations de corps a été le plus rapide et le plus persistante.

Une remarque inverse s'applique au groupe des propriétaires,

des rentiers, des personnes exerçant des professions libérales,

et même à celui des cultivateurs.

 

En ce qui concerne la population, la proportion est la suivante :

pour les propriétaires, rentiers et professions libérales, la proportion sur 100.000 personnes est, pour les divorces de 23 80,

et pour les séparations de corps, de 11.86 ;

pour les commerçants et industriels, de 11.47 dans le premier cas,

et de 3.66 dans le second ;

pour les cultivateurs, de 4.58 et de 2.53 ; pour les ouvriers de tout genre, 56.18 et 11.81.

Pour les gens sans profession, de 40.32 et de 8 51.

 

En somme, cette statistique est plutôt rassurante pour les timorés.

Elle montre que si le divorce est entré dans nos mœurs,

nous n'en abusons pas, et que la vieille institution du mariage

n'a pas été trop malmenée par la réforme dont Naquet fut l'apôtre.

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