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Fenêtres sur le passé

1895

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Une Plougastel tue son amant à coups de hache

Le crime d'une bretonne _01.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 3 avril 1895

 

Hier, à sept heures du soir, M. Cochefert, chef de la sûreté, voyait entrer dans son bureau une femme mal vêtue,

l'air affolé, qui lui disait :

 

— J'ai tué mon amant à coups de hache … il y a un mois ... arrêtez-moi ; je suis misérable.

 

On lui demanda son nom et son adresse.

 Elle répondit :

— Marie-Claudine Lebot, 47 ans, originaire de Plougastel, près Brest, demeurant à Paris, 166 bis rue Nationale

(cité Jeanne d'Arc), bâtiment 7, cinquième étage. .

 

M. Cochefert envoya un inspecteur vérifier les dires de cette femme.

 

L’inspecteur monta les cinq étages et se trouva dans une chambrette obscure dont tout le mobilier

se composait d'un lit en bois.

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Au pied du lit, des malles empilées les unes les autres ;

et tout le long de la muraille, des planches sur lesquelles étaient rangées

des ustensiles de cuisine.

 

Un petit poêle en fonte complétait l'ameublement.

 

Au milieu de la pièce, une de lit sur laquelle était étendu un cadavre.

 

C'était le corps de Antoine Rémond, quarante-cinq ans ancien soldat

de la légion étrangère, retraité avec une pension de 75 francs.

 

Le cadavre était placé sur le dos, étroitement ligoté dans des bandes de toile

et de thibaude grise qui lui donnait l’aspect d’une momie.

 

L’étoffe joignait mal sur les jambes et laissait à nu des plaques de chair noire.

 

Au retour de l'inspecteur dans les bureaux de la sûreté,

on cessa de considérer Marie Lebot comme une folle et on se dit à l'évidence :

on se trouvait en présence d'un crime.

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Marie-Claudine Lebot, venue à Paris très jeune,

se mis en place en qualité de bonne.

 

Peu de temps après — elle avait 16 ans — elle vola ses maîtres

et fut pour ce fait condamnée à un an de prison.

 

Lors de sa mise en liberté, elle se livra à la prostitution.

 

Un jour, elle fit la connaissance d'un pays qui la sortit de cette situation et lui fit partager sa vie errante de marchand ambulant.

 

Ce premier concubin mourut et Marie-Claudine continua à vendre seule, tout en livrant de temps à autre aux passants qui-voulaient d’elle.

 

Enfin, elle se mit en ménage avec sa victime, Antoine Rémond.

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M. Atthalin, juge d'instruction, nommé par le parquet, a concurremment avec M. Cochefer, chef de la sûreté,

continué aujourd'hui l'enquête. 

Marie-Claudine Lebot, été entendue et, au cours d'un interrogatoire de près d'une demi-heure, elle a retracé la scène du crime :

 

« C'était quelques jours après le 1er février, le 3 environ.

Rémond avait bu et il voulait me battre parce que j'avais trop dépensé d'argent.

Je me rebiffai.

​

Finalement, il s'empara d'un marteau et s'élança sur moi, criant :

« Je vais te tuer, coquine ! » Alors, j'ai pris une hache et j'ai frappé.

 

« Il est tombé le crâne ouvert.

J’ai eu peur et j'ai voulu le cacher dans de la toile à sac que j'avais, mais elle n'était pas assez large.

Je l'ai coupée en bandelettes et j'ai entortillé le cadavre. »

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Depuis le crime, Marie Claudine a vécu au milieu de marchands de mouron et de ramasseurs de cigares,

qui partageaient leur taudis avec elle.

 

L'un d'eux, Adolphe Benoit, est venu déclarer ce matin à M. Cochefert que, le 7 mars,

Marie-Claudine Lebot avait passé la nuit dans une baraque qu'il possède à Gentilly.

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« À un certain moment, a-t-il déclaré, elle m'a dit :

« Ah si tu savais ce que je suis, tu ne serais pas si bon pour moi ! »

Je n'ai attaché aucune importance à cela, mais plus tard, en me quittant,

elle me dit encore :

« Tu ne me reverras jamais.

Ma place est marquée sur l'échafaud ». 

Cela m'a intrigué, mais j'en ai conclu qu'elle était folle.

Ce matin, en lisant mon journal, j'ai appris le crime

et j'ai pensé que ma déposition pourrait vous être utile »

 

À onze heures, ce matin, le cadavre de Rémond a été transporté à la morgue.

Il est dans un tel état de putréfaction qu'on a dû l'inonder d'acide phénique.

L'autopsie sera faite par M. Descouts, médecin-légiste.

 

Il n'est probable que Marie Claudine, qui a été écrouée ce soir,

soit mise en présence de sa victime.

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