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Fenêtres sur le passé

1895

Le salaire des ouvriers journaliers des arsenaux
et demande d'aide pour Ouessant

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Source : La Dépêche de Brest 15 avril 1895

 

Nous avons reproduit le discours prononcé par M. Delobeau au Sénat pour une augmentation de crédit en faveur du relèvement des salaires dans les ports de Brest et de Lorient.

Quand le budget revint du Sénat à la Chambre, dans la séance du 11, l'amiral Vallon reprit la même thèse et défendit les causes des ouvriers à la tribune, par un discours qui commençait ainsi :

 

« Messieurs, je viens, malgré l'invitation du gouvernement et de la commission, reprendre un amendement, que je suis forcé de vous présenter à nouveau pour ma conscience, et véritablement c'est pour moi une question d'honneur.

Je ne développerai pas l'amendement, vous le connaissez :

Il s'agit des ouvriers des ports qui ont une solde de 2 fr. à 2 fr. 50 par journée de travail, solde qui est réduite à 2 fr. 05 et à 1 fr. 65 par journée d'existence.

Ce sont des pères de familles nombreuses ; on exige d'eux neuf heures trois quarts de travail par jour.

Vraiment, messieurs, croyez-vous que ce soit là une solde suffisante ?

 

« Nous avons demandé un relèvement pour ces soldes.

M. le ministre de la marine, au mois de mars dernier, cédant à des sollicitations nombreuses du groupe des ports de guerre, et surtout lui ayant fait des promesses dans ce sens, avait accordé un crédit de 170,000 fr. pour leur relèvement.

La commission l'a fait disparaître ; vous l'avez rétabli.

Le Sénat l’a rayé encore une fois.

Croyez-vous qu'il soit bon de donner d'une main et de reprendre de l'autre, sur la misérable existence de ces malheureux ? »

(Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)

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Puis passant au sort malheureux de certains des habitants des côtes, l'amiral ajoutait :

« L'autre jour, vous avez accordé un crédit de 30 000 fr. comme secours à l’île de Saint-Barthélémy.

Vous ne savez pas que vous avez, beaucoup plus près de vous, dans le Finistère même, une île, celle d’Ouessant,

où il y a 1,400 malheureux pêcheurs, dont la moitié, en ce moment même, meurt de faim, n'a pas de quoi se couvrir, dont les enfants, – ils ont de nombreuses familles (de cinq à six enfants) – dont les plus jeunes, pieds nus et déguenillés se disputent, pour se nourrir, les crabes et les coquilles sur le rivage, sans même avoir les moyens de les faire cuire.

Je n’exagère rien ; ces gens-là meurent de privations dans ce moment-ci.

Plusieurs ont des idées de suicide !

Voilà des gens intéressants et qui méritent qu'on prenne pitié de leur situation.

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« Nos ouvriers ne sont guère plus heureux dans les ports ;

comment voulez-vous qu'avec 1 fr. 65 ou 1 fr. 80 on puisse nourrir toute une famille ?

 

« Il y a là une question d'humanité.

Il n’y a pas de motif budgétaire qui puisse arrêter votre générosité en pareille circonstance. »

(Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)

 

Le ministre de la marine fit à l'amiral la réponse qu'il avait déjà faite à M. Delobeau au Sénat :

Des considérations financières ne permettaient pas de maintenir au budget l'intégralité du crédit de 170,000 fr. qu'y avait inscrit le précédent ministre de la marine.

Du moins, avec les 85,000 francs votés par la Chambre et par le Sénat, pourra-t-on réaliser, dans la proportion de la moitié, les améliorations que l'on avait en vue.

 

L'amiral Vallon revint à la charge ;

le rapporteur général du budget confirma la réponse du ministre,

et au scrutin 278 voix contre 240 repoussèrent l'amendement de l'amiral.

 

Les salaires seront relevés jusqu’à concurrence d'une somme totale de 85,000 fr.

Espérons que, l'année prochaine, sera voté un nouveau relèvement de 85,000 fr.

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