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Fenêtres sur le passé
1895
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Une jeune fille broyée par un train à Quimper
Source : La Dépêche de Brest 21 février 1895
Un terrible accident est arrivé hier au soir sur la ligne du chemin de fer, tout près de Quimper.
Mme veuve Bruban, née Caignan (Clémentine), âgée de 45 ans et sa file, Mlle Jeanne Bruban âgée de 18 ans, prenaient le train de 6 h. 23, se rendant à Brest.
M. Pelliet, lieutenant au 118, parent de ces dames, les avait accompagnées à la gare.
Mme Bruban et sa fille étaient seules dans le wagon de 3e classe, dans lequel elles avaient pris place,
avec un individu qui se trouvait dans le compartiment opposé du wagon.
Il y avait donc trois compartiments qui le séparaient des voyageuses.
Le train qui, depuis quelques minutes, était en marche, venait d'arriver près du passage à niveau de la route de Brest, c'est à-dire non loin du tunnel, lorsque tout à coup cet individu, qui était un peu gris et qui voulait sans doute causer pendant le trajet qu'il avait à faire franchit la séparation des compartiments pour se rapprocher
de Mme Bruban et de sa fille.
Prise de peur, la mère ouvrit la portière et prenant quelques bagages qu'elle avait emportés,
elle se précipita sur la voie.
Elle tomba et, dans sa chute, fut assez heureuse pour ne se faire que quelques contusions.
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Il n'en fut malheureusement pas de même de sa fille.
Voulant imiter sa mère, qui du reste l'appelait, celle-ci se disposait à la rejoindre,
mais sa robe s'accrocha malheureusement à la portière et elle ne put se dégager.
Traînée pendant quelques mètres par le train en marche, elle eut les deux jambes broyées.
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L'accident avait eu un témoin, Mme Brender, née Isabelle David, garde-barrière au passage à niveau
de la route de Brest, qui a fait la déclaration suivante :
« La mère a descendu sept ou huit mètres avant d'arriver au passage à niveau, à peu près en face de la maison de garde.
Elle est tombée, s'est relevée aussitôt et s'est mise à courir après le train, en criant après sa fille.
Quand le train fut passé, je vis la fille qui se cramponnait des deux mains au marchepied,
ses pieds traînaient à terre et elle poussait des cris déchirants.
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Je fis immédiatement des signes d'arrêt au serre-frein,
mais celui-ci n'ayant pas compris ces signes, le train, qui était déjà arrivé près du pont de Feunteunic-al-Lez, continua sa marche. »
Lorsque Mme Bruban vit l'accident arrivé à sa fille,
elle courut affolée sur la route de Brest où,
après quelques pas, elle fit la rencontre de M. Broudin, vérificateur des poids et mesures, à qui elle raconta
en quelques mots ce qui venait de se passer.
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Il se rendit aussitôt, avec le garde-barrière Brender, près de la jeune fille, qu'ils ne tardèrent pas à rejoindre.
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Un spectacle affreux s'offrit alors à leurs yeux.
Les deux jambes de la jeune fille étaient complètement séparées du corps.
L'une d'elles se trouvait même à 75 centimètres du tronc.
La victime était d'une pâleur mortelle et faisait pitié.
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Ses premières paroles, qui sont du reste généralement
celles de presque tous les blessés,
furent pour demander à boire.
Elle avait donc sa connaissance à ce moment,
mais elle ne devait pas l'avoir longtemps.
Vingt minutes après, elle expirait, en effet, sur la voie.
Dès que la nouvelle fut connue, on fit prévenir en toute hâte
M. Colin, docteur-médecin, ainsi que M. le docteur Homery, directeur de l'asile des aliénés, mais ils ne purent que constater le décès.
MM. Truittel, commissaire de police, et Denis, commissaire de surveillance à la gare, ne tardèrent pas non plus à arriver sur les lieux pour procéder à l'enquête.
Ils commencèrent par faire transporter le corps de la jeune fille à l'hospice, puis s'occupèrent de télégraphier
à Châteaulin pour faire arrêter l'individu cause du malheur qui venait d'arriver.
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À Quéménéven, cet individu descendit pour informer le chef de gare que c'était lui qui se trouvait
dans le même compartiment que les dames Bruban, et à son arrivée à Châteaulin, il était arrêté par la gendarmerie.
Ce matin, après avoir passé la nuit dans la chambre de sûreté et après interrogatoire, il a été relaxe.
C'est un nomme Le Cam (Louis), tâcheron, employé par la compagnie d'Orléans au taillage des haies
qui bordent la voie.
Il est originaire du Tréhou et a son domicile à Landerneau.
Il a un aspect très doux.
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Le Cam, qui était à Quimper depuis quelques jours,
où il s'occupait de poser des barrières le long de la voie,
avait, a-t-il dit, fêté dans la journée la naissance
de son sixième enfant ;
c'est ce qui fait qu'il avait la tête un peu chaude.
Il allait, à Châteaulin prendre des instructions du chef de district.
D'après lui, il était étendu sur la banquette du compartiment et chantonnait.
Entendant du bruit, il se leva pour voir les personnes qui se trouvaient avec lui dans le wagon et enjamba,
comme nous l'avons dit plus haut, la séparation d'un compartiment.
C'est ce qui a effrayé Mme Bruban.
Un détail qui est à noter, c'est qu'il n'y avait pas de sonnette d'alarme dans le wagon, sans quoi, a déclaré Le Cam,
il se serait empressé de s'en servir.
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Mme Bruban, conduite après l'accident par M. Broudin, chez Mme Favennec (hôtel des Voyageurs),
y est encore actuellement.
On ne l'a fixée que ce matin sur le sort fatal de sa fille.
Sa famille est arrivée aujourd’hui par le train de 11 h. 1/2, pour chercher le corps de la victime, dont le transport a été autorisé, et qui arrivera à Brest demain, à midi 30.
Comme bien l'on pense, l'émotion causée par cet accident est très grande en ville.
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Le convoi se réunira à la gare à quatre heures, d'où le clergé de Saint-Martin le conduira au cimetière de Brest,
où aura lieu l'inhumation.
Mlle Bruban était la fille de Me Bruban, ancien huissier audiencier près le tribunal de 1ère instance de Brest,
décédé le 2 mai 1893.
Mme veuve Bruban a un fils, M. Édouard Bruban, qui fait sa deuxième année de licence en droit à Rennes.
Inutile d'ajouter que l'accident a plongé dans la consternation les nombreux amis
que la famille Bruban compte à Brest.
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Voici, d'autre part, les renseignements que nous avons recueillis à Brest sur ce triste accident.
Mlle Jeanne Bruban était depuis quelques jours en voyage avec sa mère.
En revenant de Pontivy, où habite sa sœur Mme Lejeune, dont le mari est économe au lycée de cette ville,
elle s'était arrêtée à Quimper chez sa cousine, Mme Pelliet, la femme du lieutenant Pelliet du 118e d'infanterie.
Elle devait rentrer à Brest hier soir, mardi, par le train qui arrive en gare à 9 h. 40.
Dans la journée, Mlle Caignan, sœur de Mme Bruban et qui habite avec elle boulevard Thiers, recevait un télégramme de Quimper annonçant l'arrivée des deux voyageuses.
Dans la soirée, Mlle Caignan recevait un télégramme ainsi conçu :
« Arrivé grave accident de chemin de fer. »
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Mlle Caignan, ayant aussitôt télégraphiquement demandé
de plus amples renseignements, reçut un troisième télégramme
dans lequel on lui disait que Mme Bruban était bien,
sans parler de la jeune fille.
Fort inquiète, Mlle Caignan prenait hier matin, mercredi,
le train de 8 h. 21 pour Quimper sans savoir ce qui était arrivé.
Un service religieux sera célébré ce matin, à huit heures, à Quimper.
Le corps quittera cette ville par le train de 9 h. 55
pour arriver à Brest à midi 30.