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Fenêtres sur le passé
1895
Les heures de cloche dans l'arsenal de Brest
Source : La Dépêche de Brest 15 janvier 1895
L'amiral Vallon, député de Brest, profondément ému du tableau des misères qu'éprouvent, par ces temps de froid et de neige, les ouvriers du port de Brest dans l'accomplissement de leurs devoirs quotidiens, vient d'adresser à M, le ministre de la marine la lettre suivante :
« Monsieur le ministre et cher collègue,
« La situation que fait aux ouvriers de Brest, par ces temps de froid rigoureux,
la fixation des heures de cloche d'entrée et de sortie de l'arsenal
est devenue intolérable pour ceux qui, en majorité,
habitent les communes suburbaines.
Aristide Louis Antoine Maximin Marie VALLON
Né le 26 juillet 1826 LE CONQUET
Décédé le 11 mars 1897 à PARIS
« Outre que l'éclairage électrique en essai est insuffisant et qu'il faut se servir de bougies pour certains travaux,
les malheureux qui sont obligés de piétiner dans la neige ou dans la boue glacée, sous la pluie,
pour faire pendant la nuit cinq à six kilomètres afin de se rendre au travail ou pour regagner leurs maisons,
sont à bout de force et de résignation
« Ces malheureux, monsieur le ministre, vous crient miséricorde !
« Vous connaissez la question, que j'ai eu l'honneur de vous soumettre dans tous ses détails et dans les conséquences déplorables qu’elle présente, même au point de vue de l'intérêt de l'État, qui est certainement lésé par l'insuffisance
et l'imperfection du travail imposé la nuit à des hommes exténués.
« Les ouvriers doivent à l’État une moyenne de 9 h. 3/4 de travail par jour ;
ils vous demandent humblement de vouloir bien renoncer aux irrégularités du tableau des heures d'entrée et de sortie ; tableau qui semble plutôt établi pour les commodités du haut personnel que sur les forces des ouvriers
et les convenances du service.
« Je viens, monsieur le ministre, vous proposer de décider
qu'il n'y aura désormais que deux périodes, celle d'été,
du 20 mars au 20 septembre,
et celle d'hiver, du 20 septembre au 20 mars,
et que pendant la première de ces périodes la durée de la journée de travail sera de 10 h 3/4 et pendant la seconde de 8 h 3/4,
la moyenne de toute l'année restant acquise de 9 h 3/4.
« Ces heures conviennent parfaitement au climat du port de Brest ; pour les autres, ports, tout en respectant le principe des deux périodes, on peut les fixer de manière à conserver la journée moyenne réglementaire, celle d'hiver ne dépassant pas neuf heures et celle d’été réduite à 10 h. 1/2.
« Je compte d'ailleurs, au nom de plusieurs de mes collègues, demander l'introduction de cette disposition dans la proposition
de loi soumise à l'examen de la commission de la marine.
« II ne s'agissait sans doute que d'un essai après l'installation
à Brest de la lumière électrique, qui aura toujours sa raison d'être pour les travaux extraordinaires de nuit ;
cet essai n'est pas heureux et c'est au nom de l'intérêt que vous portez, monsieur le ministre, au progrès, sous toutes ses formes, que j'ai l'honneur de vous soumettre cette proposition,
avec la plus entière confiance.
« Veuillez agréer, monsieur le ministre, etc.
« Amiral Vallon. »
Aristide Louis Antoine Maximin Marie VALLON
La proposition contenue dans cette lettre est la reproduction fidèle de la demande que les ouvriers
ont adressée à leur député et qu'il s'est engagé à présenter à la première occasion favorable,
quand l'essai du travail à la lumière électrique aurait permis d'en juger les conséquences.
L'amiral Vallon ne doute pas que sa voix soit entendue par M. Félix Faure,
qui met tous ses soins à rechercher les améliorations possibles dans son administration.