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Fenêtres sur le passé

1894

La vengeance d'un contremaître à Lanildut

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Source : La Dépêche de Brest 7 juillet 1894

 

Le 31 mai, vers quatre heures, M. Kérautret, beau-frère de M. Corre, entrepreneur à Brest,

qui a des carrières à Plouarzel, près de Lanildut, congédiait le sieur Fauchet (Auguste),

qui était contremaître de la maison Corre depuis 25 ans, mais qui se livrait depuis quelque temps à la boisson.

 

Ce renvoi avait été mal accueilli par Fauchet, qui s'en alla du chantier les larmes aux yeux.

 

Le soir du même jour, vers sept heures, à Lanildut, Fauchet sortait du bureau de tabac de Mme Prat et se disposait, avec un couteau anglais qu'il tenait à la main droite, à couper le bout d'un cigare, quand il aperçut, en face

de la mairie, M. Kérautret qui causait avec MM. Clerc, percepteur, Jouve, instituteur, et Masson, propriétaire.

 

Croyant que M. Kérautret racontait et commentait son renvoi, Fauchet, fou de colère,

se jeta sur lui et lui porta un coup de couteau à la hauteur du sein gauche.

 

L'arme pénétra de quelques centimètres au-dessous de la clavicule

 

Pendant que l'on transportait le blessé chez lui, et que M. Le Port, médecin à Lanildut, lui prodiguait ses soins, Fauchet, après avoir menacé de son arme encore rouge M. Jouve, instituteur, allait se constituer prisonnier.

Ce drame souleva une vive émotion à Laber et à Lanildut,

où Fauchet était très aimé.

 

Le 1er juillet, le parquet se rendit sur les lieux, et, le lendemain,

Fauchet était transféré à Brest et écroué au Bouguen..

 

M. Kérautret, qui est resté alité pendant dix-neuf jours,

est aujourd'hui rétabli.

 

Fauchet (Auguste) est âgé de 61 ans. Ses cheveux et sa barbe sont blancs.

Il sanglote sur le banc des accusés.

 

Plusieurs témoins sont entendus.

 

Le gendarme Quéré, de Lanildut, qui a arrêté Fauchet,

déclare que le prévenu est un très brave homme, estimé de tout le monde et qui a cédé à un inexplicable mouvement de violence.

 

La victime, M. Kérautret (Hervé-Jules), âgé de 59 ans, ancien entrepreneur, relate les faits.

Pour lui, Fauchet s'enivrait sur le chantier.

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« Quand il m'eut frappé, dit-il, j'ai remarqué qu'il avait l'air d'un fou ;

il avait les yeux hors de la tête et la bouche crispée. »

 

M. Masson (Amédée), propriétaire à Lanildut, dit qu'il causait avec M. Kérautret quand Fauchet vint frapper celui-ci.

 

Aux reproches que je lui adressais, dit-il, Fauchet me répondit :

« Oui, j'ai donné un coup de couteau à M. Kérautret, mais il m'a fait tant de mal !»

 

À ce moment, ajoute-t-il, l'accusé, un fort brave homme, regrettait déjà l'acte qu'il avait commis.

 

M. Clerc (Jean-Baptiste), percepteur, fait à peu près le même récit. M. Le Gall (Jean), qui est ouvrier aux carrières

de Laber depuis vingt ans, dit que Fauchet est un brave homme et fournit sur lui les meilleurs renseignements.

 

M. Jouve (Jean), instituteur à Lanildut, a vu le mouvement du bras de Fauchet,

quand il s'est approché de M. Kérautret, mais il croyait qu'il lui avait seulement porté un coup de poing.

Ce n'est qu'après qu'il vit la lame ensanglantée

et qu'il entendit Fauchet s'écrier :

« Il m'a renvoyé, je l'ai payé ! »,

qu'il se rendit compte de ce qui venait de se passer.

 

Fauchet se serait ensuite tourné vers lui et lui aurait dit :

« Vous avez écrit contre moi ; il y en a autant à votre service ! »

 

Interrogé, Fauchet, qui a une excellente attitude, dit :

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« Je sais bien que j'ai frappé, mais je ne sais ce qui m'a poussé. Je ne me rappelle rien. »

 

— Mais, lui dit le président, vous avez proféré des menaces contre M. Jouve ?

— Je n'ai menacé personne.

 

Le président lui faisant remarquer les terribles conséquences que pouvait avoir l’acte qu'il a commis,

l'inculpé éclate en sanglots.

 

M. Chardon, substitut, qui occupe le siège du ministère public, réclame l'application de la loi.

 

Me Dubois, qui défend Fauchet, s'efforce d'écarter la préméditation et réclame l'indulgence du tribunal.

 

Après une courte délibération, Fauchet est condamné à un an de prison.

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