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Fenêtres sur le passé

1894

Le drame de la jetée de l'ouest
au pied du château de Brest

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Source : La Dépêche de Brest 25 octobre 1894

 

La tempête a causé hier un épouvantable accident.

Le bateau de pêche Saint-Yves, de Camaret, a été jeté sur les rochers de la jetée de l'Ouest et deux jeunes marins, deux enfants, se sont noyés.

 

Le Saint-Yves avait été construit le 28 juillet 1893 à Camaret.

Il jaugeait 2 tonneaux 78.

Il appartenait au patron Alix (Sébastien), de Camaret, qui le montait avec son fils Hervé, âgé de 12 ans,

et un jeune matelot de 17 ans, Damoy (Allain), qui naviguait depuis un an.

 

Le Saint-Yves avait quitté Camaret avant-hier pour faire la pêche.

Le mauvais temps le surprit.

Fuyant devant le vent, il fit route sur Brest et, à deux heures de l'après-midi,

il mouillait dans le petit bassin du port de commerce, sous le Château.

 

La nuit se passa sans encombre, mais hier matin, à onze heures, le patron Alix, voyant la mer démontée,

jugea bon de prendre des précautions.

Il sauta à terre en disant à son fils de lui jeter une amarre pour amarrer solidement le bateau au quai.

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Précaution superflue :

un paquet de mer survint presque aussitôt, qui brisa l'amarre comme un fétu de paille et emporta le Saint-Yves,

sur lequel se trouvaient le jeune Alix et le matelot Damoy.

 

Ballottée par les lames, entraînée par le courant,

la chaloupe était perdue.

Sortant du bassin, elle piqua droit sur la jetée de l'Ouest,

où elle devait fatalement se briser.

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Fou de désespoir, le patron Alix et une vingtaine de personnes qui se trouvaient là assistaient impuissants à ce drame.

L'état de la mer rendait tout secours impossible et la tempête achevait son œuvre.

 

Le Saint-Yves, porté avec violence sur les rochers de la jetée, s'entr'ouvrit dans toute sa longueur.

Les deux malheureux qui le montaient furent projetés sur les rochers.

Damoy, dont la tête avait porté, disparut aussitôt, emporté par une lame.

Le jeune Alix lutta désespérément.

 

On vit d'abord le jeune mousse cramponné à la quille, appelant au secours.

Il disparut un instant, puis il reparut, se tenant au mât.

 

Cette horrible lutte dura près d'un quart d'heure, un siècle pour le malheureux père !

Elle se termina, on le devine, par la disparition définitive du mousse.

​

La mer commençait, à ce moment, à descendre.

À midi 15, les deux corps, toujours ballottés par les flots,

furent apportés par une lame sur la grève du Château.

On les transporta aussitôt dans une des salles du bureau

des ponts et chaussées, on alla chercher le docteur Hébert,

mais, malgré tous les soins qui leur furent prodigués,

on ne put les rappeler à la vie.

 

Les cadavres étaient couverts de contusions.

Damoy, qui a dû être tué sur le coup,

avait une partie du cuir chevelu enlevée.

 

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Les constatations légales ont été faites par M. Caubet, commissaire du 1er arrondissement,

assisté du docteur Hébert.

Les formalités accomplies, les deux cadavres ont été transportés à l'hospice civil.

 

Les obsèques auront lieu aujourd'hui, à Brest.

L'heure n'était pas fixée hier soir.

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Un autre malheur vient s'ajouter pour le patron Alix à celui d'avoir vu mourir son fils sous ses yeux.

Le pauvre homme, dont la douleur est épouvantable, n'avait que son bateau pour nourrir sa femme

et ses cinq autres enfants.

Le Saint-Yves, qui valait 1,200 fr., était son seul gagne-pain.

Le voilà dans la misère.

 

C'est le côté poignant de ces drames de la mer.

L'Océan ne prend pas seulement les hommes ; il engloutit aussi la barque, l'instrument de travail.

À ceux qui restent, à la mère en larmes, aux petits trop jeunes encore pour la pêche, il laisse le dénuement.

 

Nos lecteurs ne sont jamais restés insensibles à de pareilles infortunes.

Nous leur recommandons tout particulièrement aujourd'hui le patron Alix et sa nombreuse famille.

Nous recevrons avec reconnaissance toutes les sommes qu'on voudra bien nous adresser pour eux.

 

C'est une bonne action qui adoucira, dans une certaine mesure, le malheur qui vient de frapper ces braves gens.

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