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Fenêtres sur le passé

1893

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Grave accident au Tromeur en Bohars

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Source : La Dépêche de Brest 23 novembre 1893

 

Un grave accident s'est produit hier matin, à 7 h. 1/2, près du moulin du Tromeur, en Lambézellec.

 

Par suite d'un éboulement dans une carrière exploitée par la compagnie des chemins de fer départementaux,

deux ouvriers terrassiers, Le Gac (Gabriel) et Paul (Jacques), pris sous une assez grande quantité de terre,

ont été étouffés.

 

Mais procédons par ordre et relatons les faits avec les détails que nous avons recueillis sur place.

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Depuis le mois de juillet, la compagnie des chemins de fer départementaux a ouvert une carrière

à l'ouest de l'étang de Tromeur, dans la propriété de M. de Bergevin.

 

Cette carrière, qui est sur les limites des communes de Bohars et de Lambézellec,

est à 25 mètres de la ligne de Brest à Lannilis et à 150 mètres de la route de Brest à Ploudalmézeau.

 

Une forge et un concasseur, actionné par une machine à vapeur, y ont été installés.

 

Soixante-dix ouvriers y travaillaient hier matin sous les ordres de M. Stéphan, contremaître de la compagnie.

 

Quelques minuits avant que l'accident ne se produisît, M. Stéphan fit sa ronde et ne remarqua rien d'anormal.

 

Au pied de la carrière travaillaient plusieurs ouvriers terrassiers, distants les uns des autres d'un mètre environ.

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Tout à coup, à 7 h. 1/2 précises, un bloc de terre de deux mètres cubes environ se détacha d'une hauteur de 2 m. 50 et vint tomber

sur les terrassiers Le Gac et Paul, qui étaient baissés en ce moment, occupés qu'ils étaient à trier du moellon mélangé à la terre.

 

Les deux ouvriers disparurent aussitôt sous l'avalanche.

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Leurs camarades accoururent et se mirent en devoir de les dégager ;

Bohars Les moulins _01.jpg

mais craignant de les blesser, s'ils se servaient de pelles ou de pioches, ils retirèrent la terre avec les mains.

 

Ce travail dura de sept à huit minutes.

 

Quand on put dégager Le Gac et Paul, qui n'étaient recouverts que de 15 à 20 centimètres de terre,

ils ne donnaient plus signe de vie.

 

Après les avoir étendus sur le dos, les ouvriers présents s'empressèrent de leur prodiguer tous les soins possibles ;

on voulut leur insuffler de l'air, mais tout fut inutile.

 

Le contremaître envoya aussitôt un ouvrier prévenir le garde champêtre Noyoux, à Lambézellec,

qui informa aussitôt M. Martin, commissaire de police de la commune, ainsi que la gendarmerie.

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Commissaire et gendarmes se rendirent sur les lieux, accompagnés de M. le docteur Anner, médecin-légiste,

et de M. Nicol, médecin-pharmacien à Kérinou.

 

Mais les deux médecins ne purent que constater le décès, dû à la suffocation, car, à part Le Gac,

qui portait une légère contusion au nez, les deux malheureux n'avaient aucune blessure apparente.

 

Après les constatations légales, le corps de Le Gac (Gabriel) fut transporté à son domicile,

très rapproché de la carrière, à Kergroas, en Lambézellec, et celui de Paul (Jacques) à Kérinou, où il habitait.

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L’enquête de ce terrible accident par M.Martin, commissaire de police, le parquet résolut de se rendre sur les lieux,

et à 1 h. 1/2, MM. Frétaud, République, Guicheteau, juge d’instruction, Combes, commis-greffier

et Marrec, interprète, se dirigeaient en voiture sur le Tromeur et commençaient une enquête.

 

Après avoir visité la carrière, mesuré les distances et interrogé sur place plusieurs ouvriers,

les magistrats se retiraient dans la cantine de Mme Grall, établie pour les ouvriers et située à gauche de l’étang.

 

Là, M. Guicheteau juge d’instruction, s'installa pour interroger plusieurs témoins. 

Le comptoir de la cantine servait de table au juge instructeur. 

Ces interrogatoires ne durèrent pas moins de deux heures et demie.

 

D’après les dépositions des ouvriers, la terre se serait détachée sur une longueur de trois mètres,

par suite des fortes pluies de ces jours derniers.

 

D'après des renseignements que avons pris s sur place, le poids de la terre qui recouvrait chaque malheureux 

était de 300 à 350 kilos.

 

Il résulterait des dépositions recueillies que les précautions d’usage avaient été prises et que souvent le contremaître commandait de veiller, afin qu'aucun accident n'arrivât.

 

À cinq heures, l'enquête terminée les magistrats quittaient le Tromeur et rentraient en ville.

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Ce triste accident met deux familles nombreuses en deuil et les prive de leurs chefs.

 

Le Gac (Gabriel), âgé de 47 ans, qui habite le village de Kergroas, est père de cinq enfants en bas âge.

 

Ancien cultivateur il avait exploité une ferme au village de Ploufouric, en Lambézellec ;

mais il n'avait pas réussi, et sa ferme avait été vendue il y a deux ans.

 

Depuis lors, il travaillait chez divers cultivateurs pour nourrir sa famille,

et ce n'est que depuis trois mois qu'il était occupé à la carrière, où il gagnait 2 fr. 50 par jour.

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Sa mort plonge sa famille dans la plus noire misère.

 

Paul (Jacques), journalier, âgé de 46 ans habitait Kérinou

depuis longtemps.

 

Il était père de quatre jeunes enfants.

 

Avant de travailler à la carrière, où il gagnait aussi 2 fr. 50,

Paul faisait avec sa femme le commerce de chiffons.

 

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On les voyait tous les deux, traînant une petite voiture, qu'ils promenaient à Brest et à Lambézellec,

ramassant les vieux chiffons et les os qu'ils trouvaient sur les rues ou sur les routes.

 

Il était à la carrière depuis deux mois environ.

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Les obsèques de ces deux malheureuses victimes

auront lieu demain, à Lambézellec,

aux frais de la compagnie des chemins de fer départementaux,

qui fournira, outre une délégation d'ouvriers,

un certain nombre d'hommes pour le transport des corps.

 

Celles de Paul, à huit heures du matin, à Lambézellec ;

celles de Le Gac, à deux heures de l'après-midi.

 

L'inhumation sera faite au cimetière de Lambézellec.

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Au Tromeur.jpg

 

Le vallon du Tromeur, avec son étang, est un des plus beaux sites des environs.

 

De chaque côté de l'étang s'étalent en gradins de grands arbres de sapins,

et tout à fait au fond du vallon on aperçoit le village de Kergroas.

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Le joli étang du Tromeur est fréquemment visité par les pêcheurs

à la ligne de notre ville, qui y trouvent de magnifiques truites.

 

Aussitôt qu'ils ont connu le triste accident,

MM. Barillé, ingénieur-directeur de la compagnie, et Beldant,

qui est arrivé hier matin de Paris,

par l'express, se sont rendus sur les lieux.

 

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À 4 h. 1/2, M. Cothereau, sous-préfet, accompagné de M. Le Gras, chef du secrétariat de la sous-préfecture,

est allé examiner la carrière.

 

Ce triste accident a produit une douloureuse émotion dans Lambézellec et à Kérinou, où Paul était très connu.

 

Quant à la douleur des femmes et des enfants de Le Gac et de Paul, elle était navrante.

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